Nous tenons à remercier Philippe Jaffeux de nous avoir donné cet extrait inédit de son prochain livre. Dans son dernier, Écrit parlé (entretien avec Béatrice Machet, Passages d’encres, mai 2016), il confiait : "Le hasart et les contraintes libèrent mon inconscient en révélant des possibilités ignorées de ma langue" (p. 23). Cette précision est fondamentale pour aborder le texte ci-dessous, qu’il commente ainsi : "Entre est ponctué à l’aide d’une paire de dés. Les intervalles entre chaque phrase s’étendent donc entre deux et onze coups de curseur. Entre est un texte aléatoire qui est accompagné par l’empreinte de trois formes transcendantes : le cercle, le carré et le triangle." [Sur LC, entretien de l’auteur avec Emmanuèle Jawad]
L’élan d’une paire de dés reconstitue les recherche
d’un jeu vital Le lieu d’un ton se renverse sur une
image imprononçable L’alchimie de ses humeurs
régénère un désert d’interstices La mort de ton
écriture prend en compte ma langue fantomatique
Sa position catalyse une forme qui se situe à la
charnière d’un texte et d’une image Le
rayonnement de votre indifférence renouvelle
la définition d’un risque L’absurdité de tes
abstractions rompt avec l’histoire d’un sens Un
débat entre ses marges et vos blancs intensifie ma
conception du vide Ses phrases se jettent dans le
salut d’une chute attendue Nos interruptions
aléatoires disloquent la figure d’un ordre Mes
chutes servent de moule à l’espace d’un épuisement
Je pacifie des intervalles qui défendent de l’air
barbare Le jet d’une paire de dés s’ancre dans la
résistance d’un doute nécessaire La musique du
hasart aspire à produire une lumière incontrôlable
Il s’ouvre sur un vide qui se défait d’une écriture
ennuyante Sa solitude d’analphabète révèle
nos angoisses incontournables Une paire de dés
me donne l’occasion de repousser tes lettres
malchanceuses Nos intervalles font un signe à
vos paroles creuses Des accidents arment la
nature d’un mouvemen t invisible La
cinématique d un espa ce tombe entre
des interlignes bricolé es Son
instinct défend une pai re de dés qui
observe nos oublis Son alphabet symbolique
interagit avec un vide littéral Des courants
d’interlignes rafraichissent un éventail de vibrations
lisibles Nos ombres sont au service d’un écart qui
appartient à ta lumière Un ordinateur corrompu
se conne cte avec la tension d’une image Il relie
la circu lation de mes silences à la fluidité de
vos c ontradictions Elles passent devant
des pauses qui négligent un travail de
no s mots L’univers d’un
espace contemple le destin de nos illuminations
Son étrangeté radicale approfondit l’action de notre
alphabet Un sens imprévisible interroge les
réponses d’un vide expérimental Les détails de
mon ignorance perfectionnent la science d’une image
L’organe de son errance sert la libération d’un souffle
cosmique Il entre entre des phrases qui habitent
une ponctuation répétitive L’appel d’un fond se
relie au jeu d’un silence construit La matière de sa
résistance s’écarte d’un vide saturé La
description d’une méditation atroce s’enferme entre
nos intervalles Obéissons au maître intérieur
d’un alphabet sans but Elle se construit à
l’image d’un regard qui incarne notre texte La
source d’une écriture virtuelle se connecte à la
lumière de nos actions Vos paroles sont des signes
qui s’accrochent à la joie de nos
silences La marque de nos oublis se
règle sur un vide spo ntané
L’aventure de tes fulg urances sillonne
la trajectoire d’un sup port Une
abstraction prend soi n de nos chocs
Entre : invitation – au hasart, au vide, au désordre,
à l’écriture, à la lecture, à la vie, à la mort-
à entrer entre
les lignes
comme en marge
(celle dont le texte se sépare, celle qu’il rejette au-dehors).
Entre ici, entre entre,
coup de dés dedans !
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