[Chronique] Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes (réédition Fata Morgana), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes (réédition Fata Morgana), par Jean-Paul Gavard-Perret

février 14, 2017
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[Chronique] Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes (réédition Fata Morgana), par Jean-Paul Gavard-Perret

Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes, illustrations de Philippe Hélénon, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2017, 64 pages, 13 €, ISBN : 978-2-85194-981-3.

Beaucoup ont pris Félix Fénéon pour un écrivain qui, comme certains peintres, auraient été « du dimanche », et qui plus est serait mort un samedi au pied d’une page blanche. Et ce pour le simple fait qu’il écrivait des « Nouvelles en trois lignes » – ce qui soulignerait un certain je-m’en-foutisme. C’est – et entre autres – oublier que l’auteur fut un critique informé et pénétrant, et un personnage énigmatique jusqu’en ses allures de Diable (visage long et maigre ponctuée d’une barbiche).

L’auteur que Jarry avait surnommé « Celui qui silence » possédait le goût des travaux indirects qui caractérise les auteurs de l’effacement. Son œuvre est restée longtemps dispersée en milliers d’articles signés ou non. La postérité a entériné la plupart de ses choix : il a su imposer Seurat et les néo-impressionnistes, et a édité Rimbaud et Jules Laforgue.

Son rôle est resté souterrain mais considérable. Et ses nouvelles le demeurent tout autant. On en citera trois – pour l’exemple :
« Un cadavre carbonisé, tel l’aspect de Mme Desméat, d’Alfortville, victime d’une lampe à pétrole. Pourtant, elle respire encore.
Tout le plomb destiné par M. Pregnart aux perdreaux des Alluets-le-Roi, c’est son ami Claret qui le reçut, et dans la croupe.
Des rats rongeaient les parties saillantes du chiffonnier Mauser (en français Ratier) quand on découvrit son cadavre à Saint-Ouen. »

Mystificateur flegmatique imperturbable au verbe rare et assassin, celui qui fut rédacteur au ministère de la Guerre tout en collaborant activement à la presse libertaire évita de faire pleuvoir à tout crin des phrases. Sa polyphonie du monde tel qu’il est pratiqua une médecine littéraire aussi douce que fractale donc efficiente.

Ses minuscules nouvelles créent une vitrine poétique d’un monde hors de ses gonds. L’auteur cultive l’incongruité en contre-allée du réel. Et quoi de plus propice à la liberté. Et pas seulement de ton. Il inflige à la réalité des camouflets, avec doigté en rien de castrateur. Bien au contraire. Si l’avant-garde veut encore dire quelque chose, elle jaillit chez Fénéon. Là où tant d’écrivains encombrent de leur logos, l’auteur fait éclater le quotidien cadenassé. Le tout dans sa fausse paresse. Elle cache des impulsions foudroyantes. L’écrivain sut s’extraire la nuit du monde au sein de sa solitude épanouie.

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rédaction

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