Les colloques de cette importance sur le récit contemporain étant encore plutôt rares, on sera attentif à celui-ci – en se rendant sur place si l’on peut, en recueillant les échos et surtout en lisant les Actes publiés. Ce qui apparaît d’ores et déjà dans la présentation suivante, c’est que cette manifestation est à la fois singulière et révélatrice de la réception universitaire. (Nous y reviendrons en 2009 dans notre rubrique consacrée aux « territoires narratifs »).
L’imaginaire spectral de la littérature narrative française contemporaine
Colloque international organisé par Jutta FORTIN et Jean-Bernard VRAY
au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne du 13 au 15 novembre 2008
Présentation du colloque :
« Depuis une trentaine d’années, les thèmes de la hantise, du spectral sont insistants dans la littérature narrative française contemporaine. S’il y eut, en référence à l’histoire et au « message noir des camps », un imaginaire spectral de la littérature après 1945, une spectralité de « première génération » structurée notamment par la figure de Lazare, à partir de 1968-1970, la publication de La Place de l’Étoile (1968) de Patrick Modiano, de La Disparition (1969) de Georges Perec et du Roi des Aulnes (1970) de Michel Tournier initie une littérature spectrale de « seconde génération ». C’est à une troisième génération de littérature spectrale que le colloque prêtera attention.
En effet, l’investissement de la spectralité ne se limite pas à l’implication de la référence à l’univers concentrationnaire, ni à l’histoire. Convoquant volontiers l’image photographique (argentique puis numérique) et cinématographique, l’imaginaire spectral réfère également avec insistance au sujet, au deuil ; à ce qui dans l’histoire de l’individu « demande asile » dans le texte littéraire. Beaucoup des auteurs que hante cette thématique du spectre ou du fantôme (Patrick Modiano, Jean Echenoz, François Bon, Hervé Guibert, Jean-Loup Trassard, Antoine Volodine, Olivier Rolin, Pierre Michon, Alain Fleischer, Sylvie Germain, Marie NDyaye, Tanguy Viel, Lydie Salvayre, Camille Laurens, Marie Darrieussecq, etc.), sont des auteurs d’ores et déjà placés au premier plan dans les histoires de la littérature contemporaine et étudiés dans des colloques universitaires récents, mis en perspective récemment dans le colloque Le roman français au tournant du siècle, qui constitue une cartographie raisonnée du roman contemporain, et dans La Littérature française au présent.
La date de la chute du mur de Berlin, 1989, est décisive parce qu’elle amène à réexaminer en philosophie la question du spectre du communisme qui « hante l’Europe ». Il est sans doute significatif aussi que certaines catégories travaillent le champ de la littérature narrative et celui des discours réflexifs des sciences humaines : spectral, fantomatique, revenance, survivance.
Le colloque se propose d’examiner comment et pourquoi la littérature narrative, en l’espace d’une ou deux générations, dans des esthétiques variées et inventives, et sur des modalités différentes (expression du retour du refoulé individuel, social ou historique ; fantômes individuels ou collectifs), dans les écritures féminine et masculine qui recourent à divers genres (roman, nouvelle, récit autobiographique ou non) ne cesse de décliner le thème de la hantise.
Parmi les interventions, on notera :
* Jeudi 13 novembre : Alexandra Saemmer (Paris VIII), « Quelques formes et figures spectrales dans la poésie numérique » ; Lionel Ruffel (Paris VIII), « Hantise globale » ; Wolfgang Asholt (Université d’Osnabrück), « Les spectres de l’Histoire dans l’oeuvre d’Yves Ravey » ; Dominique Viart (Lille III), « Fictions post-apocalyptiques : le récit spectral de l’Histoire, de Claude Simon à Antoine Volodine » ; Alain Fleischer : entretien et lectures.
* Vendredi 14 novembre : Fabien Gris, « Figuration et figurabilité des spectres cinématographiques dans Les Figurants de Didier Daeninckx et Dora Bruder de Patrick Modiano » ; Michael Sheringham (Université d’Oxford), « Jacques Roubaud et les limbes de Londres : spectralité et précarité » ; Dominique Rabaté (Bordeaux III), « Impuissances et rémanences de la disparition : le spectre » ; Bruno Blanckeman (Rennes II), « Pâleurs du spectre » ; Dominique Carlat (Lyon II), « Latence de l’image chez Jean-Christophe Bailly : histoire(s) de photographie » ; Jean-Christophe Bailly : entretien et lectures.
* Samedi 15 novembre (matin) : Laurent Demanze (Lille III), « La langue fantôme de Pierre Michon ».
Renseignements :
Musée d’Art Moderne
La Terrasse
BP 80241
42006 SAINT ETIENNE CEDEX 1
Responsable : jean.bernard.vray@univ-st-etienne.fr