En ces temps de macronite aiguë, d’hexagonale béatitude popolitique,
en ces temps d’obscurantisme idéologique et de N’importe-Quoi postdémocratique à grande échelle,
en ces temps de conformisme anti-intellectualiste et d’animation cuculturelle où les manifestes sont révolus,
quoi de mieux que le dégagisme ! Manifestez-vous, soulagez-vous : Dégage la paléopolitique ! Dégage le paléopoétique ! Dégage BHL ! Dégage Finkielkraut !…
Vite, l’effet-VICKS !
Collectif Manifestement, éditions maelstrÖm reEvolution, Bruxelles, printemps 2017 : Manifeste du dégagisme, 294 pages, 17 €, ISBN : 978-2-87505-260-5 ; Dégagisme du manifeste, 264 pages, 17 €, ISBN : 978-2-87505-361-2 ; Chronique du rattachement de la Belgique au Congo, 210 pages (grand format), 25 €, ISBN : 978-2-87505-262-9.
Sans esprit de sérieux – et avec un humour décapant -, l’actipoétisme ou le canulartisme (l’artivisme) du collectif Manifestement, qui se situe dans le prolongement du surréalisme belge et des mouvements libertaires (notamment proche des Anonymous, pour ne citer qu’une mouvance actuelle), se veut "un acte artistique et politique expérimental", "un acte subversif" (Chronique…, p. 123). Au commencement, en 2007, des happenings et manifestations diverses en faveur du rattachement de la Belgique au Congo : "une blague surréaliste" ? "une farce belge" ? "une provocation ludique" ? Non, bien évidemment, ce serait bien trop "proprement indécent"… Avec ce rattachisme transgressif qui s’appuie sur bon nombre de détournements, il s’agit bel et bien de renverser les rapports dominant/dominé : "Non, aucun néocolonialisme n’est possible, puisque le colonialisme lui-même a toujours cours. En outre, avec le Rattachement, c’est la Belgique elle-même qui se constitue prisonnière, le Blanc qui devient exotique, le Belge qui se revendique nègre en écriture, en âme et en inconscience" (66).
Acte II : en 2011, la foule tunisienne crie "Ben Ali, dégage !" Le succès du slogan ne s’est pas démenti depuis, avec notamment un "Sarkozy, dégage !" Théorisant et explorant les tenants et les aboutissants du dégagisme tunisien, le Manifeste dégagiste, qui est "un exercice politique de gymnastique mentale", un "essai philosophico-politique à la gloire du dégagement arabo-printanier" (p. 16-17), passe en revue la plupart des principaux manifestes de l’Histoire contemporaine : manifeste des plébéiens (1795), du Parti communiste (1848), de l’Anarchie (1850), des 60 ouvriers de la Seine (1864), du futurisme (1909), du surréalisme (1924), des Mutants (2001), du retour au bercail (2006), du Comité invisible (2007)… les manifestes Dada (1916), fonctionnaliste (1923), situationniste (1957), zapatiste (1994-96)… Et comme tout bon manifeste, il ne recule pas devant la définition abstraite : "Le dégagisme, c’est l’irruption de la puissance intrinsèque d’une force émancipatrice dans une époque qui en nie ou en conteste la possibilité, la légitimité et la poésie" (p. 259). Au temps de la politique s’est substitué celui de la postpolitique : contrairement au progressisme révolutionnaire qui entend remplacer un pouvoir par un autre conformément à une utopie ou une illusion lyrique, le dégagisme est consubstantiel à une éthique et une esthétique du vide. L’évacuation du pouvoir inaugure la protodémocratie, qui préconise la vigilance citoyenne vis-à-vis de toute forme de pouvoir : "tout leader, fût-il démocratiquement élu, est à tout moment dégageable" (p. 54)… On passera rapidement sur l’emblème choisi, le dégagement footballistique, vu la connotation capitaliste attachée au foot.
Postpolitique, ce Manifeste du dégagisme ressortit à une esthétique postmoderne : celle du montage disparate, tout à la fois "théorique, mordante, jubilatoire, […] apologétique, péremptoire, […] elliptique, équivoque, boursouflée, polyphonique, universaliste, prophétique, performative, anonyme et subjective" (p. 16). Il faut d’autant moins le prendre au premier degré que, dans le second volume – plus théorique et moins éclaté -, il vise à gommer ce que pouvait avoir de positivité le premier, entamant un travail de déconstruction : "(Auto)critique de la raison dégagiste", "Les paradoxes du dégagisme"… Ainsi va la vie de l’esprit libre & critique : tout vacille, tout tourbillonne… Pour être vif et tonique, le Manifeste du dégagisme n’en doit pas moins dégager à son tour… C’est du reste la force de toute théorie de s’accompagner d’une anti-théorie.
Lu plusieurs chroniques et autres critiques sur votre site.
Suite à ce dégagisme, je me suis demandée si la poésie pouvait par sa non-adhésion à l’anticonformisme être encore légitime, jubilatoire ou apaisante.
Salutations
Fabienne Roitel
de Québec
En réponse à Fabienne Roitel,
De quelques râpeux lés du XXIe siècle — à la découpe : lerte polluti (2,75 m) ; Caddie gratuit (5,80 m) ; Éboulis lu (8,95 m). Chacun est composé d’un ou de plusieurs lés d’une longueur approximative de 3 mètres. Caddie gratuit est donc le premier item de cette série au moyen de laquelle il suffira de ne pas recouvrir, ainsi que de médias officiels, les murs de Papier peint. (Dans les post-démocraties, il ne s’agit au fond pour le citoyen que de faire tapisserie ; autrement dit de s’abstenir, de cagnarder, d’attendre et de subir.) L’agir étant au pouvoir humain la possibilité de transformer ce qui est, de s’exprimer par des actes, « Dé-coupe » est à entendre à titre indicatif : les longueurs des lés restants, au chant sont d’un métrage approximatif. Empêcher le copié-collé, c’est restreindre la réutilisation du document, et cela va à l’encontre des valeurs de partage du logiciel libre. Papier peint est le titre d’un texte de Florent Saltino ; les lés sont composés par Pascal Parent.
CRONCRÈTEMENT
Éboulis lu (échantillon gratuit 1).
« approche automate à tique approuvée
de l’historien
et du roamNCIER2 un fil de non-fi
ction au bout d’un portefeu
l’homo poeticus
MTFéminariat
vexillological symbol
artiste en réanimation
merci pinson♫
dans une friche au bout de la ville d eux ombres entreLacées
gangue de l’oie l’art langue des feuillets un parfait débit
heurt toc toc »
NOTA : il s’agit de la version lue qui renvoie à une note que voici :
« Le hip-hop et
le rap marqueurs
sociaux sont po
rteurs d’un
message fort (Singe
des rues, Scherzo,
La Rumeur — Du co
eur à l’outrage —,
Komac, Calavera
du Collectif Mary
Read, etc.), l’agit
politique d’autres
groupes (Les Béru,
Ludwig von 88,
Parabellum, Les Né-
gresses, Brigada
Flores Magon, La Fr
action, Jeunesse
apatride, etc.) év
idem « custo
misaient »
leurs vies… et
partant n’est-ce
pas la nôtre en ni
ckel chrome et c
ui-cui mini poéta
riat NO PIN’S!
cui-cuivre. In-
curie d’univer-
sitaire ! Jean-Cl. Pi
nson, D
e la poé
sie à l’âge
du « po
étariat ». Si
le poéta
riat c’est cus
tomiser (sic), alors
PasPAR4, pas plus
qu’un amalgame d
e pinsonneux, n’est (U
niversité de Nantes,
oùl’on récupère un
éjaculat dans un mo
uchoir au fo
rmat Pdf.) »
Éboulis lu (échantillon gratuit 2).
« approche automate à tique approuvée
de l’historien
et du roamNCIER2 un fil de non-fi
ction au bout d’un portefeu
l’homo poeticus
MTFéminariat
vexillological symbol
artiste en réanimation
no PIN’S ON my nipples
dans une friche au bout de la ville d eux ombres entreLacées
gangue de l’oie l’art langue des feuillets un parfait débit
heurt toc toc »
NOTA : la « version lue » étant équipée d’un silencieux, il s’agit maintenant de la version audio qui ne renvoie à aucune note en porte-voix.
Bien à vous,
philippe pelouze-astraudo aka php@, un quidam dont les textes éphémères poussent dans les friches, les marges, les notes de lecture, les commentaires, etc.