Cette semaine, des nouvelles alarmantes sur l’empire Google, des rendez-vous sur les sites Vendredi 13 (Christophe Fiat) et La Feuille, et pleins feux sur deux livres majeurs : le dernier Roubaud, La Dissolution, et l’essai de Richard Thomson, La République troublée. Culture visuelle et débat social en France (1889-1900)./FT/
[ SUR LE NET ]
[+] Sur la dangereuse extension de l’empire Google, qui désormais annexe des ouvrages sous droits mais disparus du circuit commercial et vend, non pas des fichiers, mais l’accès à des ouvrages en ligne, on lira la mise en garde d’Olivier Ertzcheid, Maître de conférences en sciences de l’information.
[+] Ne voulant pas donner dans le journal et, du reste, ne pouvant assurer une périodicité quotidienne, chaque vendredi depuis l’été dernier, Christophe Fiat nous donne rendez-vous sur son blog Vendredi 13 : ses entrées se concentrent sur sa conception d’une écriture pop-épique (cf. "Pop theory" et "Tous les héros sont solitaires"), ainsi que sur la réception de son tout récent Stephen King forever.
[+] Rendez-vous sur La Feuille, l’incontournable de l’homo numericus, avec ces jours-ci une invitation pour la 4e édition de la bouquinosphère : cette rencontre informelle autour de ceux qui s’intéressent au devenir électronique des livres (livres en réseau, livres électroniques, édition électronique) – ouverte à tous, blogueurs et non blogueurs – aura lieu le mercredi 17 décembre à 19h à la salle au premier étage du Bon Pêcheur, 12 rue Pierre-Lescot dans le 1er arrondissement de Paris.
[ LIVRES REÇUS ]
► Jacques Roubaud, La Dissolution, éditions Nous, 2008, 540 pages, 42 €, ISBN : 978-2-913549-27-2.
Entrer dans un livre de Jacques Roubaud (né en 1932), c’est immanquablement se perdre dans un extraordinaire palais de glaces : ce labyrinthe de réflexions sur la littérature, le monde contemporain et la vie même de l’auteur, offre en effet un complexe système de reflets internes, c’est-à-dire au sein du texte comme d’une œuvre divisée en trois activités (A = de 1961 à 1978, travail sur le grand Projet ; B = de 1978 à 1995, chantier de la poétique formelle ; C = à partir de 1995, "racontar de prose"). Après les récents Nous les moins-que-rien, fils aînés de personne : 12 (+ 1) autobiographies (Fayard, 2006), qui se rattache au cycle des mémoires de prose sans constituer de branche à part entière, et Impératif catégorique (Gallimard, 2008), qui fait écho à Mathématique (Seuil, 1997), voici donc la sixième et dernière branche du Grand Incendie de Londres (au Seuil, 1989 ; II. La Boucle, 1993 ; III. Mathématique, 1997 ; IV. Poésie, 2000 ; V. La Bibliothèque de Warburg, 2002), La Dissolution, dont le titre s’explique par la fin de deux activités concomitantes, professionnelle et littéraire (l’achèvement du projet comme du chantier sur la poétique).
Le plaisir, qui relève une fois encore de la libido sciendi, est à proprement parler lié au déchiffrement : celui de l’"échafaudage numérico-rythmique", d’un dédale réflexif-digressif dans lequel le système parenthétique s’appuie sur la typographie et la polychromie.
Pour cette multicolore somme poétique et savante, il vous en coûtera la bagatelle de quarante-deux euros – mais, dans ce domaine comme dans d’autres, l’essentiel est dans la bagatelle, non ?
► Richard Thomson, La République troublée. Culture visuelle et débat social en France (1889-1900), traduit de l’anglais par Françoise Jaouën, Les Presses du Réel, 2008, 480 pages (176 illustrations couleur et noir & blanc), 28 €, ISBN : 978-2-84066-249-5.
"Partant du postulat que l’imagerie fait partie intégrante du débat social, cet essai magistral étudie au prisme de la culture visuelle plusieurs grands débats sociaux qui ont défini à la fin du XIXe siècle l’idée de modernité : le corps et la sexualité, la foule urbaine, les émeutes et les dispositifs de contrôle social, les rapports entre la République et l’Église, le nationalisme, le militarisme et l’esprit de revanche français de l’époque.
Ce livre n’est pas un aperçu au sens classique de l’art dans la France des années 1890. Il porte sur une gamme très variée de techniques (les peintures prédominent, mais l’analyse concerne également les affiches, les caricatures et les illustrations de livres, la sculpture monumentale, les partitions de chansons ou le mobilier). Il se propose également de ramener au cœur du débat des œuvres négligées, des artistes oubliés (Cottet, Carabin ou Adler), des images écartées par les historiens de l’art et qui jouissaient pourtant à l’époque d’une grande estime et entraient en résonance avec leur temps, au même titre que le travail de Degas, Pissaro, Seurat et Toulouse-Lautrec. L’objectif principal de cet ouvrage est de montrer que la fabrication, la dissémination, l’interprétation et la compréhension – juste ou erronée – des images sont essentielles au fonctionnement d’une société moderne, contribuent à façonner les mentalités et peuvent nous permettre de mieux les appréhender".