Cette semaine, nous présentons notre collaboration à publie.net sous la forme d’une collection, des Libr-brèves et les livres reçus : Didier Bourda, Chloé Delaume, Mathias Richard. À noter : la première présentation libre – donnée par Mathieu Brosseau -, suite à notre invitation de la semaine dernière.
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Collaboration à publie.net
En accord avec François Bon et l’équipe de publie.net, nous allons collaborer à cette plate-forme éditoriale numérique. En effet, il nous a semblé pertinent de créer des volumes spécifiques autour d’auteurs auxquels nous avons consacré régulièrement des travaux de recherche et des chroniques approfondies, et avec lesquels nous avons réalisé des entretiens. C’est ainsi que publie.net lance à partir de février une collection Libr-critique. Le programme pour les mois à venir : Jean-Claude Pinson, Christian Prigent, Pierre Jourde, Bernard Desportes et Annie Ernaux. Chaque volume, constitué autour d’un entretien et d’un ou plusieurs inédit(s), sera à découvrir comme une étude multi-facettes permettant de mieux saisir l’enjeu de l’œuvre, mais aussi comme une réflexion sur les outils critiques que nous tentons de mettre en place sur Libr-critique.
Désormais, lorsque vous consulterez les textes concernés sur Libr-critique, vous serez renvoyés à publie.net, où vous pourrez acquérir le volume en version numérique selon les conditions du site éditorial – lequel volume vous offrira en prime quelques inédits. La modeste rémunération que cette collaboration rapportera au site Libr-critique contribuera à financer le serveur qui, compte tenu de ce que nous publions, a un coût de plus en plus important.
Libr-brèves
On notera, et ne manquera pas dans la mesure du possible :
[+] Mardi 13 janvier 2009, à la Maison de la poésie (Paris) : La Poésie contre la Sensure.
[+] Jeudi 15 et vendredi 16 janvier : Colloque Prévert (Université d’Artois).
[+] Mardi 3 février 2009, de 18h à 20h, Université Paris IV-Sorbonne Nouvelle [Maison de la Recherche, 28 rue Serpente 75006 Paris] : L’Avenir de la Revue littéraire ?, débat animé par Gilles Heuré (journaliste à Télérama), avec Mathieu LARNAUDIE (Revue Inculte), Pierre BOTTURA (Revue XXI), Fabrice THUMEREL (Libr-critique.com), Évanghélia STEAD (Professeur à l’Université de Reims) et Hélène VÉDRINE (Maître de Conférences à l’Université Paris-Sorbonne).
Libr-présentation
[Chaque semaine, au plus tard pour le samedi, vous êtes invités à présenter succinctement un livre, une revue, un site, un CD ou un DVD de votre choix (les propositions sont à envoyer soit par mail à Philippe Boisnard [philemon1[@]mac.com, soit à Fabrice Thumerel [libr.critik[@]yahoo.fr] soit en commentaires dans les NEWS du dimanche précédent) ; la ou les présentation(s) sélectionnée(s) sera/seront intégrée(s) dans les NEWS du dimanche.]
Les éditions La Rivière échappée par Mathieu Brosseau :
En 2009, les Editions La Rivière Echappée (re)naissent en fêtant leurs vingt ans d’existence.
A sa source, dès 1989, cette collection – car il s’agissait à l’origine d’une collection – a été appelée à se construire autour d’auteurs majeurs tels qu’André du Bouchet, Philippe Jaccottet, Paul Célan ou encore Guennadi Aïgui. Bien sûr, de nombreux autres poètes ou penseurs sont également venus bâtir ce qui constitue aujourd’hui l’esprit de La Rivière Echappée.
Après avoir été hébergée successivement par les éditions Apogée puis L’act mem éditeur, cette collection devient aujourd’hui absolument indépendante, avec son propre diffuseur (L’Astre), son site internet (www.lariviereechappee.net) et son système de distribution autonome.
Chaque année, paraîtront de nouveaux textes critiques inédits d’André du Bouchet, marquant ainsi définitivement le choix éditorial de la maison, — ainsi que trois à quatre auteurs contemporains.
Seront également réédités quelques titres, aujourd’hui introuvables, d’une grande partie des auteurs que la Rivière a eu la chance côtoyer jusqu’à présent (Anne de Stäel, Dominique Quélen, Jean-Luc Steinmetz, Olivier Apert, Dominique Grandmont, etc.).
Au printemps de cette année 2009 paraîtront :
– Une étude d’André du Bouchet, "Le second silence de Pasternak"
– "Contretemps Paradist" de François Rannou,
– "La Nuit d’un seul" de Mathieu Brosseau.
– "Comme quoi" de Dominique Quélen
– "Vivremourir" de Cid Corman
Pour de plus amples informations, contactez : la.riviere.echappee[@]gmail.com
Livres reçus
[+] Didier Bourda, L’hygiaphOne, ed. Atelier de l’Agneau, 70 p., ISBN : 978-930440-10-1, 13 €. C’est sans doute parce que "le corps ça pend au bout de mètres et de mètres de nerfs jetés en boule dans le sac" [p.22] que le corps sent, que le corps voit, que le corps lit, que le corps dit ce qu’il y a là, dans tout ce qui le touche. Didier Bourda donne à lire un poésie tout à la fois simple, et engagée. Engagée dans un regard en souffrance de ce monde, qui ne semble pouvoir s’exprimer que dans la distance. Car si pour une part ce recueil de textes expose un monde qui se noue sur ces égarments, un monde où nous serions dan la ligne de mire d’un sniper, toutefois, il dépasse ce constat pour être la tentative d’une adresse : "à toi", à cet autre visage, à cette autre bouche. Texte travaillé par une certaine négativité, il met en lumière la difficulté — dans l’héritage de la modernité — de l’adresse à l’autre. "J’ai dans la bouche le noir du tu rangé sur deux lignées de noms et je mâche" [p.44]. Impossibilité de sortir de soi, impossibilité d’oublier son corps dans la mire du sniper, Didier Bourda décrit l’humaine condition en ce locus contemporain et exprime en quel sens le corps est central, car "loin du corps la poésie ne tient pas" [p.45], la poésie se donnerait comme lieu d’émergence du corps voilé. Loin de tout maniérisme parfois caricatural dans la modernité, loin encore d’une poésie par trop didactique dans son engagement et ses dénonciatios, ce livre est à la fois simple et beau. Expression épurée, ramassée, qui condense l’expérience d’une langue reliée au corps./PB/
[+] Mathias Richard, Anaérobis, ed. Le grand souffle, 223 p., ISBN: 978-2-916492-35-3, 13,8 €. Mathias Richard nous offre ici son premier roman. Auparavant, entre ses activités éditoriales avec Caméras Animales, ses publications en revue, il avait publié Musique de la révolte maudite, à propos de la révolte dans le rock, de la force critique de la musique et dirigé pour une part Raison basse (ouvrage collectif) chez Caméras Animales en 2007. Avec ce texte, auquel nous consacrerons une chronique, il poursuit son exploration du monde contemporain comme lieu d’asphyxie pour la vie, comme lieu concentrationnaire, qui implique des mutations tant comportementales qu’organiques des individus soumis à son emprise. L’action débute dans la "cité sombre, écrasée, labyrinthique et vide, entourée au loin et de tous côtés par d’immenses murailles de béton montant jusqu’au ciel et que l’on sait renfermer et brûler d’incroyables concentrations de vies" [p.29], et c’est parce que le corps est comprimé par cette réalité, qu’il doit muter et s’échapper, qu’il doit se séparer de ce qu’il était. C’est pourquoi, Anaérobis est une histoire de trajets, de voyages, de déplacements, d’une vie qui recherche des lieux de respiration, pour ne pas s’amenuiser dans la réalité de la "cité sombre"./PB/
[+] Chloé Delaume, Dans ma maison sous terre, ed. Seuil, 205 p., ISBN : 978-02-098302-0, 17 €. "J’écris pour que tu meures. Puisque tu es vivante, encore tellement vivante que c’en est indécent". Cette phrase, extraite du début du roman, signe la finalité initiale du livre, ce que Chloé Delaume ordonne à son écriture, devenir "un livre de vengeance", un livre qui provoque la mort, qui en finit tout à la fois avec la présence hantante de sa grand-mère de quatre-vingts ans et avec la présence réelle de cette "sénile". Finalité initiale, postulat ainsi lancé, mais justement qui va être interrogé tout au long du récit à travers la rencontre de Théophile, qui "n’a pas d’âge", qui écoute et "comprend, comprend toujours", et qui pose la question de ce qu’est l’écriture, sur le fait de savoir si ce sera "suffisant", si réellement "la haine sera expulsée sans que de ses mains", à elle, Chloé Delaume, "son cou se torde". Car "est-ce que les mots vraiment en auraient le pouvoir" de tuer, comme c’est le cas dans la nouvelle de Ballard : Trois, deux, un, zéro, où le narrateur possède le mystérieux don de causer la mort par son écriture. Nous le comprenons, ce nouveau texte de Chloé Delaume, s’il réengage la question de l’alteregographie, à travers toute une analyse de ce qui conduit Chloé Delaume à naître du pourrissement interne de Nathalie Dalain, toutefois, il ouvre aussi la question de l’écriture, de la littérature comme possibilité de vie et non pas de mort. Double horizon qui trouve sa médiation dans Théophile, qui comme un guide dans le récit et dans le lieu du cimetière, est aussi une autre voix de Chloé Delaume, comme peuvent l’être tous ses personnages. Chloé Delaume interroge ainsi non seulement le rapport à la filiation, aux schizes qui séparent des parties d’elle-même, les rendant étrangères (telle par exemple Clotilde Mélisse, personnage d’elle, qu’elle ne reconnaît plus, qui a vieilli, qui s’est échappée sans doute de la difficile cohérence interne de la pensée), mais aussi l’écriture comme lieu d’exposition et de construction de soi./PB/