[Recherche] La guerre des préfixes : encore un effort pour penser la modernité, par Philippe Castellin

[Recherche] La guerre des préfixes : encore un effort pour penser la modernité, par Philippe Castellin

janvier 26, 2006
in Category: recherches
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Ce texte est le premier d’une série qui porte sur la question de la modernité et de la post-modernité. Il n’est donc qu’une ouverture. L’idée de ce dossier provient d’une discussion entre Philippe Castellin et Philippe Boisnard à propos de la définition qui est faite de l’époque, et de la possibilité de (re)réfléchir à la notion de post-modernité.

La Guerre des préfixes : encore un effort pour penser la modernité …

Philippe Castellin

Résumé :

L’expression « post-moderne » est désormais largement reçue et utilisée pour appréhender les caractéristiques du monde contemporain. Il s’agit ici de montrer en quoi cette expression peut paraître linguistiquement inadéquate pour fournir une représentation de la modernité, abordée dans sa relation au développement des sciences et à leur histoire, depuis le XVII° siècle. Il va de soi que ce texte laisse en retrait nombre de thèmes et aspects essentiel, la question de l’art notamment.. Il s’agit seulement d’ouvrir un chantier et un débat.

 

 

Vouées par nature à renouvellement, il existe un stock d’expressions, qui nous servent à appréhender l’élément historique dans lequel chacun baigne de la tête aux pieds, à prendre du recul, à envisager le paysage d’un peu plus haut. Ces expressions « périodisantes » prétendent « découper », « structurer » ou « articuler » le fluide temporel commun. Il y a ainsi un bloc d’années –je serais bien incapable de les situer avec précision – qu’on nomma « Belle Epoque », d’autres qui héritèrent avec séduction de l’étiquette « Années Folles » ou « Noires »… Et il y a la « Drôle de » comme il y a l’ « Après-guerre ». En songeant au dernier de ces exemples on constate que ces expressions sont plus retorses qu’elles ne le semblent. Il y a bien évidence, pour les années concernées – et pour toutes autres !- à se situer « après », mais cet « après » n’est pas (seulement) chronologique ; s’y engonce subtilement un semi-concept : l’idée d’une unité « ressentie » comme parfum commun, l’idée ou le « pressentiment » que « quelque chose de nouveau » a commencé dans cet « après » qui évoquera ainsi une « page tournée » et un « virage pris », métaphores filles de la même fonction, qu’on pourrait nommer scansion discursive (et sauvage) du flux temporel partagé, c’est-à-dire historique.

 

Je dis « sauvage » ; on peut admettre que la conscience diffuse que les gens ont de leur temps fait symptomatiquement partie de ce temps mais cela suffit il pour poser illico la validité historique objective de cette conscience et l’adéquation immédiate des expressions par lesquelles elle s’affirme ? – Peut-être, humaines et bien trop, celles-ci ne sont elles que des illusions. Peut-être, exprimant des intuitions fondées, correspondent-elles à une première et inévitable forme du concept. Peut-être au contraire, ne trahissent elles que des désirs, des stratégies voire : celui qui énonce que la page est tournée, au moins le voilà-t-il assuré de se retrouver « en avant ». De quoi est une autre histoire. Mais qui tranchera entre l’affirmation qu’une page a été tournée et le souhait ou la décision qu’elle le soit, entre le constat et la volonté ou le rêve, et où faudrait-il que se tienne celui qui prononce l’heure G.M.T, du haut de quel absolu promontoire, dans la confidence de quelle horloge universelle…Pas facile de répondre à la question « quelle heure est-il ? » !

 

– Ou peut-être, et enfin, cette modalité discursive du rapport au temps collectif est elle-même « historiquement » située, voire constitutive quant à l’apparition de l’histoire comme catégorie. On songera à la notion hégelienne de « moment », étrange mixte de réel ou de vécu et de notion, présent à durée variable, épisode narratif. Celui qui pense le temps collectif comme répétition ou succession pure formera t il la notion de période ? – J’en doute. Celle de cycle bien plutôt.

 

En tout cas, pour donner consistance à ces scansions, faut-il leur imposer pas mal de conditions, leur faire subir nombre d’épreuves. Prévaut le respect d’un ensemble de règles qui composent le « jeu de langage » propre à l’intentionnalité scientifique. C’est alors un travail d’historien, au terme duquel on pourra dire « le Bas Moyen-Age » ou la « Pré-Renaissance » avec le sentiment ni de se borner à une platitude ni de céder aux caprices de son inconscient psycholinguistique, mais de respecter un ensemble de clauses fixées et publiées, permettant de saisir un objet largement placé au delà de nos possibilités intuitives. Une période englobant 5 ou 6 siècles les excède assurément. Je me suis toujours demandé si les romains qui respiraient encore, vers 450 après J.C, eurent conscience qu’ils vivaient « la fin de l’empire romain ». Sans doute un énoncé de ce genre était-il alors impossible à prononcer, sinon à envisager.

 

Le premier problème « post-moderne », c’est, pour moi, que sa structure linguistique en condamne le binôme à faire partie du stock narratif des expressions « périodisantes », séduisantes, inévitables mais suspectes et difficiles à mettre en œuvre. Qu’elle s’y inscrit parce que de toutes les manières « post » implique le temps et la date, qu’on ne peut l’empêcher ou qu’il s’agit là d’une tâche sans fin, digne de Sisyphe : au désespoir philosophique, le mot contamine toujours le concept. Il fait retour. Ainsi inscrite, l’expression joue selon la logique de sa famille et en assume la fonction équivoque. L’effacerait-on de la carte ou de l’offre linguistique , que, probablement, quelque chose de très semblable (« L’après 11 Septembre » est sur les rangs…) surgirait du néant pour assumer la fonction vacante, celle de la gestion immédiate de l’histoire. Et du combat qui se mène en permanence sur ce terrain : il n’est jamais neutre de déclarer une « époque» forclose ou, au contraire d’insister sur une quelconque nouveauté au point d’y voir le germe d’un nouvel état de l’Esprit. Les « dates », les « seuils », les « frontières » ou les « limites », nul n’est dupe, interviennent comme armes feutrées dans le conflit inter humain concernant l’histoire et la mémoire. La dernière « date » proposée relègue automatiquement celles qui précèdent au chapitre du passé : elle efface. Elle est un gond ou une charnière sur laquelle pivote une porte que l’on referme. Quelques placards sont remplis de cadavres qui continuent à pousser derrière. S’agissant de surcroît de notre temps, entre autres traits marqué par celui de l’essor vertigineux de la mediasphère et de l’information (son stockage, sa diffusion, da demande, son recyclage…) on rajoutera que le combat pour la scansion et les pouvoirs qui l’accompagne, obéit également à une logique économique : il faut du nouveau tous les jours. L’information l’exige. C’est un point sur lequel je reviendrai.

« Post-moderrne », cependant, on m’objectera que la formule a été brevetée et conceptualisée et que, ayant subi ce curetage philosophique radical, les quelques éléments de réflexion ci-dessus ne la concernent pas : ils visent des cas bien moins raffinés, je les ai dits « sauvages ». Prenons le cas de J.F Lyotard auquel la fortune « post-moderne », en France et en Europe, doit beaucoup. Ce dernier s’est souvent défendu de toute interprétation « historiciste » du post-modernisme : il « ne se situe pas après le moderne, ni contre lui. Il y était déjà inclus, mais caché » peut-on lire dans « Le Postmoderne expliqué aux enfants ». Assertion qui certes fournit du « post-moderne » une interprétation différente et visant à l’inscrire ailleurs que dans la famille des périodes intuitives. Reste que cette précision (de taille ! -) et que je ferai ultérieurement mienne en lui donnant un autre sens) s’accorde mal d’une part avec les occurrences de « post-moderne » sous d’autres et nombreuses plumes, reste aussi qu’elle est difficile à concilier avec d’autres thèmes que le même auteur développe.

Peut-on parler de l’âge des grands récits, peut on l’opposer à celui des mythes ou des traditions, sans qu’immédiatement la grille mise en place n’implique une ou plusieurs scansions historiques ? – De même s’agissant de références qui, quoi qu’en dise Lyotard, visent une période déterminée : « Notre hypothèse de travail est que le savoir change de statut en même temps que les sociétés entrent dans l’âge dit post-industriel et les cultures dans l’âge dit postmoderne. Ce passage est commencé au moins depuis la fin des années 50… » lit-on à l’ouverture de « la Condition Postmoderne », bien qu’en d’autres lieux du même ouvrage ce soit « Auschwitz » qui marque la limite. Retour de la langue dans ou sous le concept. Mais on laissera ici Lyotard : postmoderne est une expression qu’il n’a, ni ne prétend avoir, aucunement « inventée » et la question de son usage déborde amplement les débats des seventies, avec le « professeur Habermas » notamment.

Au contraire, amont comme aval de ce « traitement » et jusqu’aujourd’hui, la dite formule s’est très largement émancipée de toutes les tentatives pour l’arrimer rationnellement. Depuis, je la vois qui erre de ci delà, passe les frontières, franchit les océans et chevauche les territoires sans le moindre contrôle sur ce qui se véhicule à travers elle. Indépendamment donc de ce que tel ou tel a voulu dire en utilisant « postmoderne », et même s’il serait bien sûr absurde, dans le champ français au premier lieu, de ne pas tenir compte de Lyotard, ce qui compte c’est le jeu avec, autour, dans et par cette expression, le jeu de discours ou de langage, la fortune réitérée et équivoque de ces deux mots aboutés. Postmoderne pourquoi ça marche, pourquoi ça marche si bien, encore et toujours…

Encore et toujours : force de constater que « post-moderne » commence à dater. 10, 20, 30 ans ou plus ? – Ça dépend, à qui l’on réfère et où l’on se situe, en Europe, aux USA, dans la philosophie, la sociologie, dans l’architecture, ou les lettres. En tout cas, quelques décennies, ce qui fait beaucoup pour aujourd’hui, nos rythmes. Un esprit plus « géométrique» que le mien aurait sans doute tendance à conclure que, depuis le temps que nous voici post-modernes, nous aurions du être rendus, passés à autre chose dont enfin on connaîtrait et inaugurerait le Vrai nom, fût ce pour échanger ce vieux post- pour un tout neuf « pré. ». Cette incurable jouvence m’intrigue. Voici le paradoxe : Postmoderne qui entend scander le temps semble surfer sur lui. Et n’en finit pas. Si tant est que l’on puisse préciser quand « postmoderne commence » . Question qui, Lyotard momentanément oublié, n’a rien de saugrenu puisque les deux termes qui la composent impliquent nécessairement le temps, aussi bien post, qui se passe de tout commentaire, que « moderne », terme dont chacun sait l’usage contrôlé qui en est fait dans le discours historien dont il constitue l’un des piliers.

Au demeurant nombreux sont ceux qui ne se gênent nullement pour répondre à la question du « début ». De manière totalement cacophonique faut-il, hélas, ajouter. Ayant, naguère, tenté de savoir ce que la critique (littéraire) entend par « post-moderne » je me suis, par exemple, trouvé confronté à des réponses qui appliquent ce terme à Sterne ou à Diderot, voire à Cervantès, à d’autres qui considèrent qu’il va bien au Flaubert de Bouvard et Pécuchet voire au Gide des Faux Monnayeurs, à certains qui font de Joyce (Finnegans’) sa pierre de touche ou son prototype, à d’autres encore qui considèrent que Robbe Grillet et le Nouveau Roman, et puis Calvino ou Perec ou Queneau, ou, pourquoi pas les hypertextes de l’Ecole D’ Eastgate… Sans parler bien entendu des romanciers US qui s’attribuent « officiellement » ce titre au cours des années 70 : Pynchon, DeLillo, Barth, Gaddis, Gass, Barthelme… Fowles, voire. Trop beau pour être vrai ! – Au grè des auteurs la « coupure » post-moderrne fluctue ainsi sur trois ou quatre siècles et elle est (conceptuellement) assez « vague » pour que d’après les uns « Sartre soit le dernier des intellectuels modernes », cependant que d’autres attribuent ce rôle peu enviable à Michel Foucault, dont on peut également et contradictoirement apprendre qu’il est avec Derrida et Deleuze l’un des piliers du postmodernisme… Remarquons au passage que si, aux yeux de Lyotard notamment, le structuralisme ne relève pas de la post-modernité, il n’en va pas de même aux USA.

A pareille cacophonie je vois une explication très simple. C’est que cette fabuleuse expression est construite, linguistiquement, en sorte de pouvoir absorber à peu près tout et son contraire.

Comprenons le moteur, la structure. Ça démarre avec le thème des « grands récits ». Avec l’aria du désabusement. Celui des désenchantements et des gueules après langues, de bois. Qui n’est nullement propre à Lyotard, qui, lui-même, présente cet aspect comme « commun » à l’ensemble du courant postmoderne et en constituant une sorte de définition minimaliste. Soit. Jusque là, on discerne assez bien ce qui est en cause (chez Lyotard par exemple) : tout, la crise de l’utopie communiste et des philosophies de l’histoire, grands récits de l’émancipation universelle et de la réconciliation épiphanique de l’humanité avec elle-même. Toutes choses à envisager comme des mythes, des contes édifiants (certains contes sont peuplés de monstres) ou du roman (tous les romans ne sont pas à l’eau de rose)… Non loin de cette version, la plus « dramatique », on placera, surtout dans la zone US, – Lyotard, certes, aborde aussi cet aspect – le « discours du Progrès », dont le dépassement permet que l’on se débarrasse, en architecture par exemple, de toute référence à un standard « universel » issu des progrès scientifiques ou techniques. Exit Le Corbusier. Qu’ « universel », maintenant, soit décodé comme occidental et historiquement ou culturellement situé, et le post-modernisme viendra alors correspondre à une espèce de relativisme, culturel ou esthétique ; il autorise l’emprunt, l’éclectisme voire, ce qui, dans le cas de Lyotard conduit à des mises au point qu’on peut juger assez désespérées, notamment quant au concept d’avant-gardes qu’il entend préserver de l’assaut mené par la « transavanguardia », italienne. Où l’on rencontre, soit dit en passant, deux magnifiques exemples d’expression « périodisantes » et de leur fonction agonistique. Postmoderne, avant garde ou transavanguardia, on ne change ni de registre, ni de structure verbale. Guerre des préfixes. Laissons pour reprendre le fil : post-moderne brise la possibilité d’induire ou légitimer la modernité esthétique à partir de la modernité techno-scientifique. Les tours cesseront de nous paraître magiques, et les frigidaires. Les HLM s’écaillent, les cités ne sont plus radieuses.

Réduit à cette expression théorique minimale qui constitue le noyau de sa nébuleuse, « post-moderne » s’identifie ainsi, globalement, comme « état d’esprit », à une prise de conscience démystificatrice, à une « déprise » lucide vis-à-vis de croyances séduisantes mais non fondées, d’illusions relevant de l’imaginaire, fantasmes susceptibles, dans les cas les plus radicaux, de nous conduire droit à la Terreur ou à l’horreur, ou plus communément à la vénération d’édifices tirés au cordeau géométrique.Pour autant, il ne s’agit pas d’un retour à l’affect ni au pathos: post-moderne n’est pas néo-romantique. « Post-moderne » marque au contraire l’acceptation désabusée de la raison sèche, de la raison dans les limites de la simple raison si l’on m’autorise la formule, fondant ainsi une posture modeste ou douloureuse, un brin auto-ironique, deuil et travail (du) si l’on veut, auto-analyse suivant une relation passionnelle. Raison en tout cas, comme on s’en fait une. Nous, post modernes ne sommes plus dupes, de rien. Nous, en sommes revenus. Qui de l’URSS et qui de Tout ou du Tout, de la pensée du tout, des unifications, des synthèses abusives et du Sens postulé ou de l’illusion de maîtrise et de contrôle.

Jusqu’ici, on aura tendance à acquiescer, même si la possibilité anecdotique n’est pas toujours donnée de distinguer entre palinodies, volte-face, conversions tardives, auto-critique opportuniste et farouche, ou honnête, volonté d’y voir clair. Staline, Prague, Budapest ou Pol Pot ont provoqué quelques remous dans l’histoire des consciences et croyances occidentales, cela va de soi ; il est clair que ces événements ont laissé des traces en forme de coupures, déchirements, ruptures. Que, pour certains, le rapport Kroutchev, pour d’autres les grandes purges ont donné le signal de la désillusion et de l’éveil critique. Que, pour d’autres, la coupure passa par la prise de conscience des solidarités systémiques et des effets pervers : le chaos ou la catastrophe n’est jamais aussi proche que lorsque l’ordre se veut et croit parfait. Que cela fit date et, au moins relativement, époque. Plus généralement d’ailleurs, comment ne pas juger « salubre » – au sens Nietzschéen – la défiance à l’égard des idoles qu’exprime le « post-modernisme » ? – Défiance qui, plus généralement d’ailleurs, peine à se distinguer du nihilisme, de la mort de dieu, de la fin des absolus et de la critique nietzschéenne de la Vérité. Ajouterait-on (F. Allard-Poesi et V. Perret, Centre de Recherches DSPM, Cahier n° 263 Mai 1998) d’autres thèmes eux-aussi, nous dit-on « caractéristiques du post-modernisme », comme la critique du sujet « cartésien », l’insistance sur le rôle du langage, sur la co-détermination du sujet et de l’objet, sur le primat de la structure ou du réseau sur les éléments que je ne crois pas que cela modifierait la perspective, tant s’en faut. La référence à Nietzsche (j’aurais pu ajouter Freud, j’aurais pu ajouter Levi-Strauss…) intervient ici pour souligner une fois encore tous les doutes qui doivent surgir face à une expression qui prétend faire date et agit pragmatiquement comme telle, tout en s’avérant paradoxalement aussi flottante du point de vue temporel. C’était quand, Nietzsche ? – Pas en 1950 en tout cas.

On peut prendre le problème autrement. Demander pourquoi donc dénommer tout cela, supposé constituer un tout cohérent, « post modernisme ». Ou, et plus exactement: quelle image, implicite, de la modernité s’y enveloppe.

Reportons nous à ce qui précède. L’image de la « modernité » y est donnée comme en creux ou en miroir : si la post-modernité est, essentiellement, le temps de la démystification et du recul distancié, il suit que la modernité, elle, serait à caractériser comme croyance aveugle, fanatisme dogmatisant et foi du militant ou du charbonnier. En substance, la « modernité » de laquelle se détache le post modernisme serait avant tout religieuse et, devant la quasi totalité des thèmes que je viens de lister il suffit d’ajouter religion pour que la machine fonctionne : « religion du Progrès », « religion du Sujet », « religion de la Raison », religion de la Vérité … : les majuscules disent la même chose. Le post modernisme c’est la fin des majuscules, instaurées (cultivées) par la Modernité.

Ceci me chiffonne. Que je sache, aussi bien dans le discours des historiens que dans l’usage le plus banal, la modernité s’envisage au premier chef en liaison aux sciences physico-mathématiques, à leur couplage aux techniques et à leur intégration au développement économique, ce qui permet de lui attribuer une « date de naissance » approximative, vers la fin du XVI° siècle ou un peu avant selon les lieux où l’on se situe, Italie, France… Il ne semble pas, en outre, que cette définition générique de la modernité soit mise en cause par les tenants du « post-modernisme », Lyotard inclus : ce dernier insiste au contraire sur l’unité du discours scientifique, depuis Galilée : « coupure » classique. Sciences, techniques et capital, s’il faut, parmi ces différents termes appelés à composer la formule nucléaire de la modernité, déterminer une cause première (voire en rajouter quelques autres, la morale protestante chère à Weber etc..) est une autre affaire, proche de celle de la poule et de l’œuf. Résulte de toute façon que la croyance, la foi, la Vérité Révélée, se trouvent dans ce schéma situées aux antipodes, soit : du côté de la religion ou de l’Eglise, lesquelles, de notoriété publique, n’ont pas été spécialement favorables à la démarche expérimentale, ou rationnelle. En clair : Galilée et Descartes faut-il les ranger sous la bannière du dogme et de la croyance ou bien sous celle du doute et de la rationalité méthodique ?- S’agissant de l’inventeur patenté du doute systématique la réponse paraît s’imposer. – Même question, et même réponse, passé le XVII°, lorsque l’on songe aux libertins, à La Mettrie, Diderot, Fontenelle ou même Voltaire et à l’Age des Lumières. Tous ceux-ci sont indiscutablement du côté des sciences, de la rationalité et du doute, ils sont à la fois modernes et méfiants à l’égard des croyances et des « superstitions ».

D’où le fait que certains des post-modernes, plus naïfs ou plus directs que d’autres, vendent la mèche et prétendent enrôler Diderot et les libertins sous leur bannière. Et après tout, caractérisé comme « esprit », comme déprise et constat anti-mythologisant, le post-modernisme se met étrangement à ressembler au XVIII° en sa presque totalité. C’est que la modernité, dès l’aube, se situe sous le signe de la « déprise », vis-à-vis des dogmes religieux et de l’église, et ce à quoi elle s’allie se nomme sciences. À entendre comme démarche, et non pas somme ou savoir déclaré clos et intangible. Descartes n’est pas Saint Thomas, justement pas, justement plus. Pas plus n’y a-t-il sens à confondre le sujet cartésien des sciences avec un condottiere. La « liberté » cartésienne est le très précis corollaire de la rationalité scientifique et le sujet qui en résulte le pur présupposé cognitif de toute démarche scientifique, aujourd’hui comme hier. Rien de plus. Pour le reste, ainsi que le dit Spinoza, l’homme « n’est pas un empire dans un empire », il n’est qu’un élément de ce tout alors nommé nature, privé de majuscule et désenchanté. Où je retrouve, à ma manière certes, Lyotard : oui, le post-modernisme est aussi vieux que la modernité, il l’habite dès sa naissance.

La question devient : comment le « post-moderne » – identifié au « désenchantement du monde », peut-il prétendre marquer une quelconque rupture, un quelconque « post » vis-à-vis de cette modernité qui, précisément entame son histoire propre par le doute et par l’expulsion critique des Dieux et de leurs volontés hors de la nature … ? – Comment, surtout, concilier sans contradiction l’image de la modernité dogmatique et religieuse (sur le fond) qui alimente le thème des « Grands Récits », avec cette autre qui la situe du côté de la raison scientifique et de son développement incessant depuis maintenant trois siècles ?

En procédant à ce qui me semble relever d’un véritable tour de passe passe théorique. Par le biais duquel on glisse des sciences effectives, de leur démarche et de leur rationalité, à leur idéologie, laquelle, selon les cas peut affecter forme externe (discours tenu par des philosophes à propos des sciences) ou interne (discours présents au sein même du champ scientifique). L’analyse du discours (du « Récit ») « du Progrès » me paraît offrir un exemple particulièrement significatif de ce genre de glissements. Rapporté aux sciences (à celles qui au XVII° siècle sont sorties de leur enfance ou en émergent) la notion de « progrès » demeure, aujourd’hui comme hier, parfaitement recevable. Débarrassée de toute idée de linéarité mécanique et continue, enrichie par le constat de la diversité des champs, revisitée par Koyré ou par Kuhn, elle signifie que les diverses théories et modèles s’avèrent, au fil du temps, plus explicatives et riches que celles ou ceux qui les précèdent ; s’ajoutant qu’on ne voit nulle raison pour que ce devenir orienté et cumulatif prenne fin, du moins pour des raisons intrinsèques. Peut-on envisager de penser la rationalité scientifique sans recourir à la notion de progrès (sans majuscule…) dans l’ordre des savoirs ? – Je ne vois pas comment.

Bien sûr, il peut exister, il a existé d’autres versions du discours du Progrès, celles qui, par exemple, articulent le progrès des sciences sur l’idée d’un acheminement vers un paradis terminal et un bien être généralisé, cette version, majuscule et religieuse à souhait, pouvant parfaitement être exprimée par les savants eux mêmes, dès lors qu’ils désertent leur laboratoire et passent à l’idéologie, tentation permanente, probablement même inévitable. La V° partie du discours de la Méthode illustre ce mouvement ou en fournit l’un des prototypes, que l’Encyclopédie reprendra à foison. Sans pour autant qu’aucune confusion soit possible entre ces deux aspects du « progrès », dont l’une relève, en fait, des sciences et l’autre de la religion ou de la métaphysique et de leur maintien, au sein même, ou aux voisinages des sciences. Or, la version que le post modernisme pourfend, justement, ça n’est pas la première, c’est la seconde, soit, au fond, celle qui loin d’être caractéristique de la modernité dans son mouvement propre, manifeste tout ce par quoi celle-ci a continué, continue, et continuera sans doute toujours à se mouvoir au sein d’une idéologie qui, globalement envisagée, relève de la métaphysique ou de la religion et qui, à de multiples moments et sur plusieurs terrains (notamment celui du vivant, de son unité, puis, plus tard de la théorie de l’évolution…) s’avérera étonnamment apte aux métamorphoses et aux contorsions les plus élastiques. Qu’on n’en déduise pas, au reste, que ce type de transformisme « religieux » se soit achevé par la grâce « post-moderne ». Il suffit de songer à la manière dont les Néo-créationnistes américains parviennent à « retourner » aujourd’hui encore certains thèmes issus des sciences elles-mêmes (et parfaitement présents dans le discours post-moderne) pour s’en convaincre : de la critique de LA Vérité, de l’affirmation scientifiquement légitime que toute théorie scientifique n’est qu’une hypothèse – y compris celle de l’évolution darwinienne – on peut aisément, avec un peu d’habileté rhétorique, « déduire » que la nature divine de l’homme n’est pas à exclure. Mais qu’une hypothèse ne soit « pas à exclure » implique, si l’on veut qu’il s’agisse d’une hypothèse, que l’on démontre positivement sa capacité à rendre compte des phénomènes concernés : on peut bien sûr tout imaginer. Y compris qu’Aristote aie raison et Galilée tort, que les corps tombent avec des vitesses proportionnelles à leur masse… Plus généralement : tout concept scientifique, ôté du jeu de règles qui lui donne sa pertinence et transféré dans un autre jeu, devient un mot qui, comme tous les autres, se charge d’idéologie(s) complexes et troubles, une arme et un enjeu. « Vérite », « Nature », « Progrès », « Hasard » on n’en finirait pas d’énumérer la liste des termes victimes de ce genre de transport illégitime.

Le tour de passe passe est là : à laisser croire que les idéologies du « progrès » (au XVIII°) et les philosophies de l’Histoire (au XIX° siècle, Hegel en tête) sont l’expression achevée et authentiques de la modernité ou, du moins, qu’elles se situent dans son prolongement et lui sont isomorphes, alors que, tout au contraire elles ne sont que la queue de la comète religieuse. Pour prendre un exemple célèbre, la volonté cartésienne de rendre l’homme « maître et possesseur de la nature » ne découle en rien « des sciences ». La géométrie analytique ne la légitime à aucun égard. Le « déterminisme » mathématique cartésien s’y oppose et Descartes ne peut s’échapper à lui-même qu’en passant à un tout autre mode de discours, d’essence métaphysique ou théologique. Utopie certes, peut être dangereuse, la « maîtrise » s’inscrit tout d’abord dans le schéma général de l’eschatologie chrêtienne, qu’elle recycle, voire dans un discours plus global, celui de l’homme Imago Dei. Dès Spinoza cette contradiction est repérée : la seule « liberté » attribuable à l’homme est celle du connaître. Mieux : ce sont les sciences elles-mêmes qui, 2 siècles plus tard, viendront à opérer la critique la plus radicale de ce modèle en « liquidant » – dans ce domaine – la transcendance, et en démontrant la solidarité de l’observateur et de l’observable. Je ne suis pas seul à le dire : « Dans ces conditions de chevauchement du sujet et de l’objet, comment l’idéal de la maîtrise peut il persister ? Il tombe lentement en désuétude dans la représentation de la science que se font les savants… » – dixit J.F Lyotard, in Le postmoderne expliqué aux enfants, p. 40… La science est elle post-moderne ? – Ou bien y aurait-il donc au sein même de l’histoire des sciences une « coupure » qui se serait produite à l’insu de tous, y compris des savants ? – Mystère. A moins, et bien plutôt, que l’histoire des sciences s’identifie épistémologiquement à une somme de coupures et ruptures, ce qui enlève, hélas, toute portée, sinon spéculative, à LA Coupure post-moderne et permet de comprendre l’éternelle jouvence de « postmoderne ». La « frontière » que l’expression marque étant en fait réalimentée inlassablement par le développement de la modernité, elle ne peut s’exprimer sous forme d’aucune date : voilà pourquoi postmoderne est un présent permanent depuis 3 ou 4 siècles : le présent permanent est la forme résumée de la modernité elle-même.

 

L’entreprise hégélienne, certes, correspond à la volonté d’une compréhension rationnelle de l’histoire, par là s’exprimant tout ce qui rattache « l’épopée de l’esprit », ou « l’odyssée de l’Idée », à Descartes et à Kant. Que l’on sache, elle n’en est pas pour autant science, qu’une science de cet objet soit ou non possible. Espèce laïque de la théodicée, elle correspond avant tout, (donnons en acte, Marx enjambé, aux post-modernes !) à une vision religieuse, métaphysique ou spéculative de l’historicité. En d’autres mots, aussi bien les philosophies de l’histoire du début du XIX° que d’autres courants (notamment « vitalistes ») qui surgiront par la suite ne sauraient être invoqués pour fonder l’existence d’un quelconque rapport d’identité génétique entre modernité et mystification. Ce qui est en cause, dans ces cas comme en d’autres, c’est, tout au contraire, la permanence du sacré, et le déplacement continu de la lutte qui depuis le XVII° l’oppose, du dedans comme du dehors, à des sciences inscrites dans leur propre devenir et dans de multiples effets idéologiques, dont le plus paradoxal serait sans doute l’apparition, au sujet des sciences, d’un certain type de discours religieux, d’un discours des sciences comme religion. Le positivisme a correspondu à cela et il débouche sur un catéchisme. Discours des sciences auxquelles on fait dire plus ou autre chose qu’elles ne peuvent dire. Discours des sciences qu’on voudrait faire fonctionner comme substitut moral, remède à l’angoisse métaphysique, pharmakon des luttes sociales et légitimation des entreprises colonialistes etc… Discours qui, en tout état de cause, a peu à voir avec les sciences elles-mêmes, celles-ci, au contraire, se trouvant dans la nécessité de s’en dégager à l’infini et non sans mal, afin de poursuivre leur propre mouvement. Comment échapper à cette conclusion, sauf à mettre en cause la validité de la distinction science/idéologie, de quelque manière que l’on se représente la relation entre ces deux dimensions ? – Hypothèse en tout cas difficilement compatible avec le « post-modernisme », dans la mesure où la « dénonciation » des grands récits comme « illusions » implique nécessairement, en son fond, le recours plus ou moins avoué à une opposition qui, pour l’essentiel, retranscrit l’analyse kantienne des limites de la connaissance rationnelle. Si « tout » n’est qu’idéologie, et si la science n’est qu’une idéologie (une opinion) parmi d’autres (voir le discours néo-créationniste déjà mentionné) alors la déprise vis-à-vis des grands récits n’a aucun fondement théorique et si l’on ne peut confondre science et idéologie, si l’on doit même constater que le partage entre l’une et l’autre, ce sont les sciences elles mêmes qui l’effectuent de façon récurrente en leur propre sein, alors les grands récits ne sont en rien constitutifs de la modernité. Ils sont ce qu’elle laisse en son sillage, ils sont l’ombre qui la suit et la redouble.

 

Bien que ceci nous éloigne quelque peu du propos central, j’aimerais ajouter que le glissement dont je parle induit également la discrétion de l’analyse « post-moderne » en ce qui concerne Marx. Chose qui peut paraître très surprenante s’agissant, avec Lyotard, de l’un des membres fondateurs de Socialisme ou Barbarie. Mais il est vrai qu’à envisager les choses sous l’angle des « Grands Récits », le discours marxiste (Engels surtout…) peut, sans encombre, être considérée comme une simple variante de la philosophie hégélienne. On ne peut cependant se défaire du sentiment –la lecture d’Althusser et le cours actuel du monde le renforcent, qu’il est à tout le moins envisageable que cohabitent, au sein de l’œuvre de Marx, des dimensions « idéologiques » conjointes à d’autres qui, elles, relèveraient du champ scientifique, à commencer par les lignes du Manifeste où Marx, bien avant Weber, décrit le paysage « désenchanté » qui résulte du développement du capital et le naufrage de toutes les formes sentimentales ou religieuses des rapports humains au sein des « eaux glacées du calcul égoïste ». Lyotard, dénonçant le « cynisme » néo-libéral ou le « narcissisme secondaire » qui prévaut dans les relations sociales contemporaines sort-il de ce schéma ?- Impossible également, à mes yeux, de ne pas relever la relation étroite et infiniment actuelle qui s’établit entre la « méfiance » et le « doute » que l’on veut signes de la post-modernité, et la sourde présence de thèmes fondamentalement marxistes, aptes à alimenter le soupçon et le décodage : que par exemple certains événements majeurs de notre temps ne puissent être compris sans référence à l’impérialisme économique, à la guerre des énergies ou à tout autre considération issue de la géopolitique internationale. Nous ne sommes pas dupes, ils peuvent nous raconter tout ce qu’ils veulent, nous savons bien que derrière tout ça il est question de pétrole et de dollars…

 

Au delà donc, et de manière plus générale s’agissant des « grands récits », si l’on peut sans nul doute lire en eux l’héritage religieux, au moins depuis Saint Augustin et la Cité de Dieu, si par ailleurs il est incontestable que les XVIII et XIX° siècle leur confèrent une tournure propre – celle d’un devenir finalisé, unitaire et supposé rationnel – , il ne faudrait pas oublier qu’au travers de cette projection hallucinée de la raison dans l’histoire ce sont également les conditions de l’histoire comme science qui s’esquissent, tout au moins l’idée qu’une explication non théologique ou mystique du devenir collectif des peuples puisse être envisagée.

 

Inscrit dans le berceau de la modernité, le mouvement de la « déprise » ne cesse de l’accompagner, parallèle au développement des sciences et à la liquidation infinie du discours religieux. Il serait sans doute nécessaire de préciser les étapes de ce devenir : il n’a rien d’un mouvement rectiligne uniforme et ne se déroule pas dans l’ether, mais, en chaque occurrence, prend forme d’un combat. Fin du déterminisme Laplacien, développement des géométries non euclidiennes, formation des concepts biologiques, développement du relativisme et des théories du hasard…, à chaque fois le front se déplace, sans jamais ressembler à une ligne Maginot, à l’anneau de Moebius bien plutôt – mais je ne crois pas que ces précisions changent grand chose: l’histoire de la modernité s’identifie à celle des sciences et à leur devenir de plus en plus « sciences », à leur rejet hors d’elles-mêmes d’éléments qui en fait ressortaient ou ressortent du religieux, de l’Absolu, de la Vérité, de la métaphysique, de l’homme et du Sujet. Ce sur quoi débouche cette histoire étant notre monde, désenchanté non pas contre ou après la modernité, mais par elle.

 

Aussi bien, pour construire pareille histoire, l’expression « post-moderne » me paraît-elle superflu. Au mieux marque-t-elle l’émergence collective d’un certain état de la conscience moderne. Mais peut-être même faut il la juger pernicieuse : elle risque de nous masquer que la modernité n’est qu’une suite de tournants, où elle se laisse constamment en arrière d’elle-même, n’en finissant jamais de se libérer du sacré, de la métaphysique et des idéologies, sans pour autant les « liquider » puisque ceci non plus, et justement, et elle le sait, et elle le manifeste, ne relève pas de son ordre et de son empire. Après Kant – et la scission de la science et de la croyance – Nietzsche, lui encore, ne nous l’a t il pas assez dit : la mort de Dieu est un événement interminable. Attendons nous à des retours. Ils sont inévitables, à la fois parce que science et croyance n’habitent pas sur le même continent et que l’exportation des concepts scientifiques, aujourd’hui comme hier, implique la possibilité du retournement et du recyclage dans une sphère où les règles de légitimation d’un énoncé n’ont rien à voir avec celles qui régissent le domaine des sciences. De même s’agissant des Grands Récits : de leur liquidation dans la forme que leur avait donnés le XVIIII° ou le XIX° siècle, je me garderai bien de conclure à leur extinction. Il suffit d’allumer la télévision un jour quelconque pour constater que ce qui s’y affiche comme « information » est avant tout narration sous forme de présent permanent. Et que nous y assistons, spectateurs fascinés ou sous hypnose, au développement interminable de la modernité, post après post.

 

Je ne dis nullement que cette perspective soit enthousiasmante, rassurante même. Il est fort possible que l’entrelacs de plus en plus poussé des sciences, du capital, du militaire et du libéralisme actuel débouche sur des drames majeurs. Je dis seulement qu’elle constitue, et depuis au moins quelques siècles le chemin dans lequel nous sommes engagés sans qu’il soit seulement envisageable que nous le puissions quitter, autrement que par force. Nous sommes et resterons modernes, hélas. Penser la modernité n’en est que plus urgent : au delà du post-moderne. (2005-2006)

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philippe castellin

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