Après, ces dernières semaines, les réflexions menées à partir de Pourquoi nous ne sommes pas chrétiens et le dossier que la revue Esprit a consacré à l’Homo numericus, voici un édito sur "la guerre des idées", suite à la parution du numéro 104 de Manière de voir/Le Monde diplomatique. Ensuite, deux livres reçus : Jérôme Mauche, Le Placard en flammes ; le n° 69 de la revue Chimères, "Désir Hocquenghem", couplé avec la publication du Colloque Hocquenghem (Quimper, octobre 2008)./FT/
La Guerre des idées
Guerre des idées… Compétition mondiale pour faire progresser les savoirs, les recherches spécifiques et, à terme, les sociétés ? Rivalité entre intellectuels majeurs ? Dans le meilleur des mondes, assurément. Mais dans le monde réel-réaliste, il n’en va pas de même.
Y a-t-il crise réelle de la pensée ou déficit de visibilité des penseurs, voire, pire, déficit symbolique de la sphère intellectuelle ? Telle est la question essentielle que commence par poser la première partie de cette livraison. Et le premier constat est le contraste entre intellectuels précaires et intellectuels de salon.
Aussi la guerre des idées doit-elle être menée, contre ceux qui monnaient leurs lumières, par ceux qui mettent au service, sinon de l’universel, du moins de l’intérêt général, des compétences et une notoriété acquises dans un domaine particulier ; contre la bien-pensance et la pensée dominante, par ceux qu’anime le devoir d’irrespect (Claude Julien) ; contre la logique économique, par ceux qui sont capables de lutter pour préserver ou conquérir des espaces de liberté…
► Manière de voir. Le Monde diplomatique, n° 104 : "La Guerre des idées", avril-mai 2009, 98 pages, 7 €.
Livres reçus
[+] Jérôme Mauche, Le Placard en flammes, Le Bleu du ciel, 2009, 128 pages, 15 €, ISBN : 978-2-915232-56-1.
Présentation de l’éditeur : "Presque tous les projets d’écriture de Jérôme Mauche sont inspirés par l’art, qui lui sert de support pour former, créer, de nouveaux projets d’écriture. Ici, ce sont les panneaux de bois sculptés que Paul Gauguin avait installés autour de la porte de sa maison du jouir, à Atuona, dans l’île de Hiva Oa (aux Îles Marquises) où il vécut les derniers mois de sa vie.
Il est dit de ces panneaux que « la ligne des corps et des figures, bien que sinueuse, est brute et fruste. Les motifs donnent l’impression d’avoir été traités de façon naturelle, spontanée donnant ainsi des formes sans détails, dépouillées. (…) Pour [Gauguin], l’important devait être d’extraire les images qu’il avait en tête, et sûrement de composer en même temps, mais tout cela assez vite. Vite faire émerger les formes, sans s’occuper de fignoler, de finir avec un soin qui devait lui sembler inutilement minutieux. »
Entre auto-poésie-fiction, naïveté voluptueuse et post-surréalisme ambiant, l’automatisme est conçu, exercé et vécu, non comme une expérience de libération, mais de servitude au contraire nécessaire. L’idée étant, comme le suggère le texte en 4e de couverture, de « retrouver les conditions de l’étonnement et de s’efforcer de faire flamber un certain âge d’or, celui notamment de la parole »".
► Avec ce continuum textuel de quelque 125 pages, montage cut sans pause ni respiration, ce sont nos bibliothèques et nos discours qui sont en flammes… Créations verbales, télescopages, réflexions ahurissantes… voici un maelström discursif qui ne peut qu’emporter tout lecteur téméraire ! Nul doute, "Ne fais pas ton Jean Grenier et ta NRF d’après-après guerre" (p. 116), a dû se dire l’écrivain et critique d’art en élaborant ce dispositif fulgurant…
[+] Chimères, revue des schizoanalyses, n° 69 : "Désir Hocquenghem", printemps 2009, 282 pages ; Colloque Hocquenghem, 172 pages, 15 €. À noter que l’"agent collectif d’énonciation appelé Chimères" est désormais constitué d’une revue papier et d’un site.
Cette livraison à double face inverse se concentre sur ce fils de Vincennes et trotsko-surréaliste qu’est Guy Hocquenghem (1946-1988) : au programme, anthropologie, désir, homosexualité, humour, poétique, politique… Nous y reviendrons très bientôt.