Avant que de rendre compte du dernier livre de Christian Prigent et de mettre en ligne sur Publie.net le volume numérique qui lui est consacré, voici un large aperçu de son prochain recueil de poésie à paraître chez P.O.L en 2010 (À la mer putréfiée), qu’il a eu l’amabilité de nous offrir : dix-sept quatrains qui conjuguent poésie, musique et peinture pour zélébrer des "filles de bord de mer."
1
(étude de nu)
À l’aine un sali d’âme sur l’amande de rien
Ouverte rose au centre entre fente & reins
(Suavité des défilés dans l’ombre) : la cendre
Désœuvrée tatoue la peau d’une salamandre.
Plus haut sous la coupe du sein passe
En rêve la bête bleue. Elle bave salace
Ment une bulle qui crève : ô sève ! ô festin
D’amertumes à lécher dans ce tendre écrin !
Les hanches ça penche où ça cesse oui
Le jeu (sur les fesses sèche le goût de vide
Salivé devant les choses roses liquides).
L’oblique retombe aux socles équarris.
Au loin : la vie dans le cadre (quatre
Planches cloutées dans le bleu de l’oubli).
Derrière : le lieu, phares, balises, le plâtre
Des statues et les flotteurs jaunes, l’abri.
2
(un peu d’espace autour)
L’espace ? : dôme mou et Chronos clou d’ombre au
Fond : miam miam ! Ô, mon âme, poteau
Fouetté blême d’obscénité, ou trou d’in-pace
Dans l’axe, quoi d’autre à voir que des menaces ?
Pitié ! : plans d’amours jeunes et pâte de pan de
Mur jaune d’orage (Céline dit «jonquille») con
Fluent mousseux aux gazes d’horizon : les deux
Fondent éblouies dans l’embrouille des sensations
Et chutent, épluchiures de nues, embruns au
Brou de suie de grains. C’est rien : peau de lépreux
Insensible à l’asticoté ravissant du temps — Ô
Ma phrase, comment raviver ces émois luxurieux ?
3
(débandade)
Cymbale & tambour boum réclame tonitrue
Pas pour bonbons caramels esquimaux chocolat
Ni sucez les mamelles à (rime) Lollobrigida
Mais Ah c’qu’on s’amuse à Saint-Brieuc ! (revue).
Or ce caleçon de laine pend misérable à zéro
Forcément crochet d’attribut sex and sun, au
Goûter crains que de cette peu lubrique pendeloque
Ou limaçon dans sa coquille blême l’on se moque.
Si c’était cagnard et L’Avventura, elles pourraient
Mirages fondre dans l’insolation mais
Ces rochers peu crayonnés ces frêles coquillages
Ici c’est plus dans les modestes alizés sage.
4
(dernière cartouche)
Persée, à ta besace : coiffe walkman ! colle
Au dos ailes kite ou palme à ta sandale : si ça ne
Passe décor ça cassera. Mam goz, défais nœud
De coiffe : doux cheveux, grisez la corolle
Entière où ciel dégoise fulminates, jets,
Barioles ! Ce moi camaïeu fondu, que les
Dragons CRS le laissent approcher Andromède
En peau d’incognito grimé palmipède.
Dress-code : hublot & bouteilles oxy
Gène & latex. C’est sexe quand surgit
Accroupie (pipi) la miss. Gribouille,
Gare au sifflet : t’es fait, l’homme-grenouille !
5
(épilogue provisoire )
Tiens ! : la wonder taillée dans des cuirs exotiques pèse
Dans le lointain deux cent cinquante grammes de barbie.
Et la toise à vingt-neuf centimètres dit deux cents mètres à l’aise
D’ici. Djà le maillot en zèbre a fondu gris : oublie.
Et ça ? Pas bout de téton qui fuit le bonnet ? Ma ch
Ère, vous mîtes où vos plus sûres baleines ? Flash
Sur trois poils ondés autour de l’aréole : ça calme
Les instincts rapides à se cabrer la palme.
Et celle-ci plus près ? Fardée au blush d’Aurore ? Ou si
C’est ressac hépatique ce fleuri de veinules à la
Rubrique des pommettes ? Trempe vite ces coloris
À la forge d’eaux nature avant le plus cool spa :
Sur ces photos d’été friables, on ne sait à qui
Vont les sourires. Les dents les lèvres les épis
D’enfance, les acnés s’effritent dans des assèchements
De sels et au-devant c’est nous et le trou du temps.
Suite à plusieurs questions posées en privé, je précise que la collection « Libr&critique » sera lancée sur PUBLIE.NET en juin avec le volume Pinson. Suivront pour l’automne ceux sur Jourde, Prigent et Desportes.
Dans l’immédiat, inutile donc de rechercher des liens directs à ces livres numériques. Un peu de patience…
Christian Prigent est aussi dans le dernier numéro de la RILI : » Feu sur l’université « ‘
Oui, Yves, avec aussi un schéma cognitif de Philippe : ce numéro d’une excellente facture, nous le présenterons dimanche dans les NEWS…
Christian Prigent n’a cessé de m’éclairer du scalpel de ses mots. Il ne le sait pas. Nous nous sommes cotoyés mais entre la voix, les mots, le scandé, il y a cette poésie qui résiste, qui hurle le silence entre le vagissement du gosse et le gémissement halzeimer: la vie crue – du verbe « croire ». L’ultime hurlement de cet animal libre qu’est l’homme.
Dommage qu’on ne l’entende pas ailleurs, autrement, plus fort. TXT n’est pourtant pas si loin…
Ah, voilà un recueil que j’attendais depuis un bon moment… Depuis « Le Professeur » peut-être, là où Prigent laissa la dynamique du faire-érotisme dans le phrasé poétique tombé, au dérobé de la pensée, images tatonnant entre titillements (fantasmatiques) et attouchements (fantomatiques)… Au bord de mère, donc : débordant l’âme amère…
Reste que la forme si classique du poème ici reprise risque de fixer les débords en vignettes, comme dans les précédents livres (théoriques ou non)…