Voici une nouvelle création sonore de Yves Justamante. Les créations d’Yves Justamante appartiennent vraiment à la dimension de la poésie sonore au sens où, elles ne sont pas seulement des transpositions orales de textes écrits, mais que tout au contraire, leur intensité propre ne peut se constituer que selon la spatialisation sonore du texte, et le travail de composition. Je souligne cela, au vue de la confusion actuelle entretenue par une certaine mode de la lecture, faisant qu’un certain nombre de poètes, peuvent revendiquer l’expression de poésie sonore, alors qu’ils ne font que lire un texte, par exemple accompagné de musique. Arracher un texte de la page, pour reprendre l’expression de Bernard Heidsieck, c’est réfléchir aux intensités possibles d’un travail sonore de la langue. Comme cela s’est matérialisé d’emblée avec Bernard Heidsieck, ceci impliquant un certain usage de technologies.
Pas sûr d’être complètement d’accord avec ce que vous dites sur la poésie sonore mais pas sûr d’être en désaccord non plus. La poésie sonore semble recouvrir une multiplicité de pratiques (selon Heidsieck : de Dufrêne à Stockhausen !), et Heidsieck n’en donne pas vraiment une définition exclusive. L’enregistrement et l’amplification de la voix par un micro semble être pour moi le plus petit dénominateur commun à ce qu’on peut appeler poésie sonore, dans la mesure où l’amplification et le ryhtme de la diction font bouger des choses dans la façon d’écrire le texte, et parallèlement les textes comportent des effets sonores qui peuvent être imprimés par la diction et l’amplification de la voix.
Ceci pour dire aussi avec vous que la question de l’accompagnement musical pose question, illustration, commentaire… L’accompagnement musical (le terme accompagner pose aussi question), (et je le dis d’autant plus facilement que je l’ai pratiqué) revêt souvent pour moi l’image du poète tombé de cheval se fantasmant en rocker. Cette définition de la poésie sonore pose pour moi le même souci que la définition que ce qu’on appelle performance, alors qu’il s’agit le plus souvent d’une lecture préparée et amplifiée. C’est un autre sujet.
Amicalement.
à propos de poésie sonore, Bobillot vient de publier un très bon livre http://artsetmondesocial.blogspot.com/2009/05/parution-jean-pierre-bobillot-poesie.html
La question de la poésie sonore se pose à mon sens tout d’abord à partir de la détermination sonore de la poésie. Cette qualification détermine un genre, et non pas seulement une manière. ce n’est pas une poésie que l’on transforme en sonore, mais une poésie sonore, à savoir qui a pour nature d’être sonore. Si bien évidemment on peut penser que le recours à la technologie n’est pas nécessaire, et que la structure même de la textualité implique la sonorité (ligne Bobillot, Nève), toutefois, ce qui semble historiquement dominé, et chez Heidsieck lui même, notamment tel qu’il le rappelle dans notes convergentes, c’est l’utilisation d’amplification, de bandes, de dispositifs. C’est en ce sens qu’actuellement, aussi bien Anne-James Chaton, que Charles Pennequin (utilisation du dictaphone, de l’auto-enregistrement), tout en étant distinct, appartiennent à la poésie sonore. Mais je mettais en critique cette récupération de ‘expression à toutes les sauces. Rappelons ne serait-ce qu’une seconde, que vient d’avoir lieu la première édition du festival de « poésie sonore » à La maison de la poésie de Paris. je laisse le soin à tout le monde de regarder le programme. S’il y a bien des poètes sonores, ceci considéré historiquement, on verra aussi bien des choses très étrangères. Ce que je critique donc, c’est en quel sens dans les milieux poétiques, on aperçoit la même logique de récupération et de neutralisation que dans les discours politiques, et ceci afin de pragmatiquement avoir une certaine visibilité.
Sans oublier Patrick Dubost et Thomas Braichet qui me semblent être allés le plus loin dans l’exploration des ressources du studio.
D’un autre côté, la musiture ( pour reprendre Bobillot ) dans l’oeuvre de Luca, ainsi que le » montage » da
ns le texte même ( pensons à Héros-limite et Passionnément, au rhizome ) le font fort logiquement entrer dans la poésie sonore, même si son travail n’est pas que sonore. Il faudrait aussi réserver une place, quand on traite la question, à ce qui vient de l’autre bord, c’est-à-dire la musique et en premier lieu de l’acousmatique, puisqu’elle partage avec elle le même support. ( A ce sujet, est-ce que quelqu’un pourrait me dire avec quel matériel ont travaillé Heidsieck et Chopin et de quoi ils disposaient ( un seul magneto ou plusieurs ) ? Ca me serait bien utile ).
Luc Ferrari, par exemple, mérite bien que les poètes s’y penchent. Ce n’est pas de la poésie mais les dispositifs de parole, les machineries verbales comme par exemple dans Jetzt, un Horspiel, sont étonnants. Dans cette pièce radiophonique, l’auditeur entend entre autres 2 voix simultanées, ubiques : la voix du compositeur au travail se questionnant ( joué ) et les voix qu’il exhume des bandes, dont la sienne, collant 2 temporalités bout à bout, créant par un jeu de calques une perte de repères chez l’auditeur. Un processus autobiographique en quelque sorte.
Pierre Henry, également, avec L’Apocalypse de Saint-jean, avec un texte préexistant donc, L’Apocalypse, et la voix d’un acteur enregistrée. Tout faux donc, selon les critères en vigueur pour définir la poésie sonore. En plus il n’y a rien à voir, il n’y a pas de corps proférant-visuel. Et pourtant, on sent bien que ça travaille en sens inverse. C’est encore plus manifeste avec La Messe de Liverpool, où cette fois c’est un poète sonore ( Jacques Spacagna ) dont la voix est enregistrée. Il provoque l’onomatopéisation du texte de la messe, un texte qui n’est pas de lui, mais son éclatement, si ) Sinon il y a Granulométrie avec Dufrêne bien sûr. ( Est-ce quelqu’un sait ce qu’il se serait passé entre les deux relativement à cet enregistrement ? )
Encore Berio, Stockhausen ( Heidsieck le classerait vraiment dans la poésie sonore ?? ) et d’autres moins réputés comme Travor Wishart ( cité par Chopin ) dont je recommande vivement Anticredos, qui est pour moi l’art phonétique et phonatoire le plus abouti, en tout cas parmi ce que je connais.
Joel Hubaut ( http://www.ubu.com/sound/hubaut.html )
Le travail Pennequin-Pauvros, Serge Pey-Minvielle, le travail de Sébastien Lespinasse aux limites de la diction… and many more
Genre ou confluent ?
Le premier qui s’est dit poète sonore, c’est Beethoven : qu’on se le dise.