[Chronique] Jacques Roubaud, Peut-être ou La Nuit de dimanche, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Jacques Roubaud, Peut-être ou La Nuit de dimanche, par Jean-Paul Gavard-Perret

mars 31, 2018
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Jacques Roubaud, Peut-être ou La Nuit de dimanche, par Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Roubaud, Peut-être ou La Nuit de dimanche (Brouillon de prose). Autobiographie romanesque, Seuil, coll. "La Librairie du XXIe siècle", 2018, 192 pages, 20 €, ISBN : 978-2-02-138823-7. [Sur Libr-critique, lire : Nous les moins-que-rien, fils aînés de personne]

Les portions d’autobiographies et de prose de Jacques Roubaud s’ouvre sur un quatrain de Galaup de Chasteuil :  « Je suis je ne suis plus je changerai mon estre/ Cependant je seray sans qu’à jamais je soys / Ce que je fus icy mais non ce que j’estoys/Semblable me pouvant dissemblable cognoistre ». C’est dire tout ce qu’une telle entreprise peut générer de malentendus.

Il existe donc et peut-être deux Roubaud : celui qui ne sait pas (ou trop bien) ce qu’il en est de sa vie et de la littérature, et l’écrivain qui donne sens à bien des doutes à leur sujet. L’auteur y guillotine le temps comme il coupe la tête du présent par le passé de manière gnomique. Est-ce le temps qui mutile la mémoire, est-ce l’écrivain qui trompe sa partenaire ? La réponse n’est pas donnée par l’auteur. D’autant qu’il connaît bien les dangers de la prétention autobiographique. L’ayant tenté jadis, il ne put qu’en signifier l’autopsie dans Le grand incendie de Londres.

Il se peut néanmoins que le fameux pacte autobiographique apparaît au moment où un auteur en  perd le contrôle et refuse un langage qui serait  l’affirmation de ce contrôle. C’est pourquoi chez Roubaud le discours de soi se désagrège sans pourtant s’immoler. Néanmoins, celui qui s’y risque est dépossédé de son être. C’est pourquoi son autofiction se crée sous forme de vrac.

Manière de ne pas aliéner l’écriture par l’existence – et vice versa. Et par la forme choisie une liberté d’interprétation domine. Parler la vie revient à affirmer que ce vœu (comme celui de l’amour ?) reste impossible.  Ajoutons toutefois qu’à celui qui poserait la question Qu’est-ce que le “ sujet ” dans l’oeuvre de  Roubaud ? sera répondu que le sujet est l’écriture elle-même, car c’est par elle que tout passe (infuse) et ne passe pas (barre). C’est elle qui pénètre le sujet plus que le sujet ne la pénètre. Preuve que la dichotomie fond/forme n’est pas aussi fallacieuse qu’on le prétend.

L’  « excès » de proses prouve qu’il n’existe pas une vie mais des interprétations. Et que cette mise en forme devient la mise en place d’un auto-commentaire. C’est pourquoi il est toujours intéressant de revenir à  un texte dévoré, dévorant, troué, multiple mais néanmoins « un » qui s’approche de quelque chose d’essentiel en déliant les purs effets de réel de la pensée, de la spiritualité, de la sensualité.

Avec Roubaud la réalité perd de sa solidité, le dehors et le dedans deviennent des notions qui ne fonctionnent plus tant il y a des altérations de surface. Mais réalité et pensée ne tombent pas dans le néant. Si la réalité perd sa substance, sa solidité, sa constante, la littérature y gagne au moment où pourtant ses déterminations et sa validité oscillent, où elle perd en richesse d’apparat et n’est qu’incertitude.

Par les perturbations, l’effet de trouble n’est pas celui du non-sens au contraire. Roubaud opte pour la création de la creux-ation de ce qui de la vie n’est que  déliquescence mais d’un ordre de la vérité. Néanmoins, à travers cette approche elle s’ouvre à un paradoxe : elle n’est pas de mots démonstratifs. Elle n’est pas une simple image. Rien ne peut garder l’existant mais tout peut le retourner par des fragments séries qui ne sont pas des séries de fantasmes. Chaque coupe devient aprésence de l’absence – présence « in absentia » –  à travers ce qui devient une musique d’après toute chose.

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rédaction

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