En ce même jour où, de 19H30 à 22H, aura lieu à Nantes (Le Lieu unique) la projection du film Éditeur de Paul Otchakovsky-Laurens, suivie d’un entretien avec Jean-Paul Hirsch et Frédéric Boyer, paraît l’élégie de Dominique Fourcade dédiée "à tous ceux qui ont connu Paul Otchakovsky-Laurens et en garderont à jamais le souvenir".
Dominique Fourcade, Deuil, P.O.L, 17 mai 2018, 64 pages, 9 €, ISBN : 978-2-8180-4580-0.
"Il y a enfin l’infini rilkéen, c’est-à-dire cette manière de voir
qui est in-finie au sens où elle n’est pas unilatérale,
manière de voir le double royaume, donc (en un mot en allemand :
Doppelbereich), c’est-à-dire le royaume où vie-et-mort s’entre-appartiennent" (p. 54).
Comme les 256 auteurs POL, pour le premier cercle, et bien au delà comme des dizaines de milliers de lecteurs, Dominique Fourcade – lui dont la grande affaire est la mort même – est frappé de sidération par la disparition accidentelle de Paul Otchakovsky-Laurens, éprouvant une double douleur, "l’une causée par la réalité de sa disparition, l’autre due au sentiment que tout cela est irréel" (44). Le "désordre lyrique" qui s’empare de lui provoque inévitablement des "appels d’écriture", et en particulier le projet de "faire quelque chose comme L’Écorchement de Marsyas de Titien" (cf. la reproduction en arrière-plan).
Paul Otchakovsky-Laurens est présenté comme l’homme des paradoxes : calme et emporté, "à émotion lente, à émotion rapide, ouvert au récit comme à l’absence de récit" (17)… Un éditeur passionné dont la "méthode était le plaisir" : "un narguilé de littérature" (14)… Dont le rapport à l’écriture est ainsi décrit :
"le livre un galop sans avoir pris d’élan c’était ça qu’il aimait
l’instant où l’écriture s’épanouissait pleinement en littérature, autant dire en abîme, juste ça
verglas à l’appui
zéro théorème" (16-17).
Un éditeur qui entretenait avec chacun de ses auteurs une relation singulière et inoubliable.