rup&rud, l’intégrale : 1999-2004, éditions de l’Attente, Bordeaux, 2009, 10,50 €, ISBN : 978-2-914688-89-5.
La première lecture que nous offre Bruno Fern, poète et critique de 49 ans que les fidèles de Remue.net connaissent bien et dont on découvrira sur Publie.net le Cheval porteur, porte sur une intégrale que les connaisseurs attendaient.
Voici rassemblés 7 petits livres parus entre 1999 et 2004 dans la collection à diffusion très restreinte que dirigeait alors Sébastien Smirou, "rup&rud". Comme l’inversion littérale de ce titre l’indique peut-être, ces ouvrages ne sont heureusement ni purs (car faits avec les mots de la tribu et non seulement avec ceux qui auraient échappé à une quelconque purification lexicale) ni durs (de ce bois dont on tire certaines langues).
Dans sa préface, S. Smirou précise qu’il s’agissait avant tout pour lui de créer des échanges puisque, sauf pour Peter Gizzi, il avait sollicité l’écriture du livre et que l’auteur participait à sa fabrication. De même, une relation privilégiée cherchait à s’établir avec les 25 lecteurs auxquels chacun des livres était adressé.
Cette parution intégrale permet donc au petit public qui s’intéresse à la poésie de lire ces textes aux structures (c’est indéniablement construit, pesé) apparemment légères (par leur brièveté et un sujet de l’énonciation qui a tendance à garder ses distances). De plus, l’autotélisme y est fréquent, comme ici chez P. Alferi où le poème semble se désigner lui-même :
" Réduit au halo de la lampe
le mondense (interaction forte).
Me frayent un chemin
de l’alcool au tabac et du légal au conjugal
du silence à la nuit stoppée
une tronçonneuse de poche
vers libre à bloc
et la faille de la pensée ".
Par ailleurs, un humour discret est souvent sensible – ainsi, dans l’ensemble de Caroline Dubois (Pose-moi une question difficile) :
"Je me demande si lorsqu’on prend le symptôme d’un autre l’autre perd son symptôme ou si l’autre conserve néanmoins son symptôme et dans ce cas si le symptôme se dédouble pourquoi. Pourquoi le symptôme se dédouble si en dehors de lui on décide – entre nous – de se le répartir ou de se l’échanger ou de se le prêter ou de se le confier ou de se le donner ou de se l’emprunter ou de se le voler ou de se de se ".
Enfin, cette poésie-là, contrairement à d’autres, prouve qu’elle n’est pas sans mémoire ; par exemple, dans le texte d’Anne Parian (Abracadabra) :
" comme hantent les voix hantent
Némo les scribes tout no
ter quand tout
une fois com
me arriverait com
me m’étant assise as
sis sur ses ge
noux je l’ai-je l’avais je l’ai
injuriée là alors et
tous pour elle avaient de peti
tes plus nombreuses sortes de dispositifs
plaqués depuis soumis "
Tous symptômes qui devraient en dire long sur l’écriture de celui qui est à l’origine de ces livres puisque S. Smirou précise que ces auteurs « fonctionnent un peu, à leur insu et au mien, comme d’autres parties de moi. (Vous voyez qu’il n’y a vraiment rien de glorieux dans l’aventure). »