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[News] « Les Manifestes littéraires au tournant du XXIe siècle » (colloque international de Bologne)

septembre 7, 2009
in Category: News, UNE
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"Les Manifestes littéraires au tournant du XXIe siècle", Colloque international à l’Université de Bologne organisé par le Département de Langues et Littératures étrangères de l’Université de Bologne (contact : carmelina.imbroscio@unibo.it), 17 et 18 septembre 2009.

Voici la présentation d’un colloque dont la problématique ne peut qu’intéresser LIBR-CRITIQUE. Fin septembre, nous publierons un résumé des conférences et débats.

Argumentaire :

" L’âge d’or des manifestes littéraires, qu’on peut situer entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, est révolu. Les inquiétudes de la fin du XIXe siècle, la multiplication des débats entre les différents groupes et écoles, avaient fait du manifeste la forme privilégiée pour l’affirmation des tendances nouvelles et pour toute prise de position publique.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, les manifestes changent de forme et de fonction. Ils sont moins péremptoires et ils prennent plutôt l’allure d’«antimanifestes» (J. Demers et L. Mc Murray, 1986). L’exemple majeur reste celui de l’Oulipo (1973) : moins dogmatique – jeu intellectuel plus que tentative d’affirmation contestataire sur la scène culturelle –, il semble indiquer la remise en cause, sinon le déclin, du genre. Le fait que les études critiques sur le manifeste (théoriques et analytiques) deviennent très rares, presque inexistantes, après les années 1980, semble confirmer ce déclin.
Et pourtant, au cours des toutes dernières années, on a assisté à l’émergence d’écrits qu’on peut, de quelque manière, reconduire au genre «manifestaire». Parmi ceux-ci, l’article Pour une littérature-monde (Le monde, 16 mars 2007), devenu un volume par la suite, signé par 44 écrivains francophones (Paris, Gallimard, 2007) et les déclarations programmatiques du Collectif «Qui fait la France?», qui réunit différents jeunes citoyens français issus de l’immigration. Dans les deux cas, des voix provenant de ce qu’on avait l’habitude de considérer comme les «périphéries» du champ littéraire français invoquent une révision des règles d’accès au champ littéraire lui-même.
Il est par conséquent licite de se demander si, primo, le nouveau tournant du siècle a recréé les conditions pour une réviviscence du Manifeste littéraire et, secundo, si et de quelle manière les caractéristiques du genre (techniques, esthétiques, stratégiques) ont changé."

Vue sur le programme

Anna Boschetti (Université de Venise), "La notion de manifeste" :
"Ce questionnement sur la notion de manifeste ne vise pas à une définition d’essence, qui prétendrait établir ce qu’est un manifeste. Il s’agit de s’interroger sur les conditions de possibilité et les fonctions des textes qui sont désignés comme des « manifestes », pour mieux comprendre leur apparition et leurs propriétés. Quelques évidences historiques interrogent la délimitation du phénomène. En effet, on voit, d’une part, que le manifeste n’est pas une pratique exclusivement littéraire et artistique: il y a eu des manifestes politiques, à commencer par le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels, et on ne saurait négliger de réfléchir sur cette concomitance. On constate, d’autre part, que, comme il arrive souvent, la « chose » a une relative autonomie par rapport au « mot »: bien des textes ne se présentant pas explicitement comme des « manifestes » ont en fait revêtu la même fonction, ont contribué à élaborer ce « genre » et à en faire un des instruments les plus caractéristiques de la lutte symbolique. Pour se limiter à des exemples célèbres, on peut citer De l’Allemagne de Germaine de Staël, la préface de Cromwell et la Présentation que Sartre a faite des Temps modernes dans le premier numéro de sa revue. Ainsi le travail d’historicisation ne saurait s’en tenir aux « manifestes » se désignant comme tels. Une acception élargie de la notion permet de relier et de comparer des phénomènes à première vue distants, relevant de périodes historiques et de domaines très divers, tels que l’art, la religion et la politique. Cette comparaison a par elle-même des vertus décapantes et révélatrices : bien des traits qui nous paraissent à première vue propres aux manifestes esthétiques s’avèrent être en effet des modes de fonctionnement beaucoup plus généraux et s’éclairent différemment. En même temps, on peut arriver à dégager les caractéristiques spécifiques qui distinguent les manifestes littéraires et artistiques. Cette analyse se propose également de cerner les principaux facteurs qui ont favorisé dans la vie littéraire et artistique l’essor des manifestes. Il faudra aussi se demander dans quelle mesure on peut parler d’évolution et de déclin."

Paolo Tamassia (Université de Trento), "Littérature et réel dans les manifestes entre XXe et XXIe siècle" :
" Cet exposé a pour but d’analyser les transformations statutaires et la fonction du manifeste littéraire à partir de son âge d’or, où sa caractéristique principale était de créer une fracture – un « avant » et un « après » – afin d’instaurer une nouvelle éthique-esthétique dans la société, sur la base d’une axiologie forte, jusqu’à l’époque actuelle qui suit l’« ère du soupçon », déterminée par l’écroulement des idéologies et qualifiée à chaque fois de « postmoderne », « liquide », « de la consommation », « de la globalisation. » "

Elisa Bricco (Université de Gênes), "La posture manifestaire dans Ma Haie d’Emmanuel Hocquard" :
" Comme l’explique très bien Jean-Michel Maulpoix, dans le champ poétique d’aujourd’hui il n’existe ni de groupe ni d’école dominants, et par conséquent on n’a pas de doctrine ni d’idéologie. Il est pourtant vrai que parfois les poètes expriment leurs idées, Maulpoix d’ailleurs écrit des ouvrages de poétique à côté de ses poèmes, et qu’ils y affichent plus ou moins leurs goûts, leurs penchants, leurs convictions et leurs choix en littérature et en poésie. En outre, au début du deuxième millénaire, il est d’autant plus vrai, ainsi que l’affirme Jean-Marie Gleize, que « la posture manifestaire est devenue anachronique »; cependant, dans les ouvrages d’Emmanuel Hocquart, notamment dans Ma Haie (P.O.L., 2001), il me semble qu’on retrouve l’esprit des manifestes, ne serait-ce que par la démarche ‘au négatif’ de ses propositions et par la véhémence de certains de ses propos. Je vais chercher dans ce volume une sorte de ‘posture manifestaire’ a posteriori et je vais montrer que si cette attitude ne peut pas être considérée comme vraiment programmatique, elle pourrait être considérée comme une version actuelle des traits des avant-gardistes ".

Alessandro Corio (Université de Bologne), "Du manifeste insulaire au manifeste de l’archipel-monde: oxymores, nouveaux essentialismes, ouvertures et illusions" :
" Les littératures postcoloniales, et en particulier les littératures insulaires des Caraïbes, après la féconde et problématique saison de la Négritude, ont pris une direction ouvertement anti-essentialiste, hostile à toute rhétorique à caractère affirmatif ou dogmatique et à toute pensée systématique. C’est pour cela que l’apparition en 1989 du célèbre Éloge de la créolité, signé par trois importants écrivains martiniquais, réalise un mouvement oxymorique, essayant de réunir des affirmations identitaires et culturalistes, un normativisme esthétique et littéraire parfois rigide et une ouverture à la pluralité et au multilinguisme. Presque trente ans après, le manifeste Pour une littérature-monde en français, signé en 2007 par 44 écrivains et inspiré en partie aux élaborations théoriques caraïbes et à la pensée de la Relation et de la créolisation d’Édouard Glissant, reproduit le même oxymore : d’une part l’ouverture à la pluralité et à la diversité des écritures, d’autre part l’indication, souvent rigide et exclusiviste, de normes esthétiques et littéraires et de concepts fort problématiques. Ouverture, illusion ou combat d’arrière-garde? "

Maria Chiara Gnocchi (Université de Bologne), " Du Flurkistan et d’ailleurs. Les réactions au manifeste « Pour une littérature-monde » " :
" Le manifeste « Pour une littérature-monde » que 44 écrivains francophones ont signé en mars 2007, et qui a été suivi par un volume au même titre paru au courant de l’année chez Gallimard, a suscité toute une série de réactions qui se sont succédé dans la presse, sur Internet et même en librairie (voir notamment la « réponse » de Camille de Toledo, Visiter le Flurkistan ou les illusions de la littérature-monde, PUF, 2008). Les commentaires et les répliques au manifeste relèvent tour à tour du littéraire et du politique, ce qui est logique dans la mesure où les signataires mettent en question l’esthétique littéraire contemporaine aussi bien que l’institution de la littérature avec ses structures, ses instances de publication et de consécration, etc. L’analyse de ces différentes réactions permet de comprendre tout les enjeux du manifeste « Pour une littérature-monde » et d’en évaluer la portée, la pertinence, la force de rupture."

Paul Aron (Université Libre de Bruxelles), " Diffusion électronique du texte et abstention manifestaire. Réflexion sur les enjeux institutionnels de la « mise au net » de quelques revues littéraires contemporaines " :
" Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de revues littéraires renoncent à la coûteuse diffusion sur support papier, et préfèrent la « mise au net ». La première conséquence de ce choix est d’ordre formelle: les revues se présentent sur un support souple, qui permet l’usage simultané de texte et d’autres médias, ainsi qu’une présentation utilisant les ressources de l’hypertexte. Une seconde est l’élargissement du marché éditorial sur lequel elles interviennent. La toile permet de sortir d’un contexte éditorial local ou national, pour se positionner dans un espace de concurrence beaucoup plus large (ou censément plus large). Que devient le manifeste littéraire dans ce cadre éditorial? Au terme d’une petite présentation des sites de revues contemporaines, je tenterai de baliser un cadre de réflexion ".

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