Stéphane Korvin est né en 1981. Il vit et travaille à Paris. Avec le geste photographique, il saisit les intersections entre espaces réels et imaginaires. Il a travaillé notamment sur des textes d’Aimé Césaire et de Marguerite Duras. Avec les mots il approche, questionne le contour et le lien. Ses travaux sont publiés dans des revues (A verse, ARPA, Pyro, N4728, etc.).
Voici le cinquième extrait de vaste, wasted (lire le quatrième). Cette fois, le poète réunit Eros et Scryptos, retravaillant les motifs à coups de translations, de télescopages et de découpes diverses, s’abîmant dans la langue comme dans les langues (jeu entre français, anglais et latin).
Poème sur page blanche, poème sue
Stéphane KORVIN
Texte il pousse, il grandit sur le pli
texte fin textile il abonde dans le giratoire
je vais doucement, je vais partout, je n’ai pas de papier calque, je me fais des paupières sous le papier, je couds des serpillières, je trame une page blanche, je la laisse sécher, l’image frontale je lui laisse blanchir son désert, je tourne autour, je suis une mécanique à pieds embarqués dans des cercles sans définition, je fais des ronds, en cachette quelque chose encore endormi
retrouve le chemin de sa langue
tout arrive en même temps c’est écrit
rose u-turn, je n’ai rien entamé
rien déchiré
peu à peu, dans le mal éclairé, je reviens sur mes deux
jambes même sur mon grand vide, je dévisse doucement
je place des mots contre la page
j’écris à la craie sauve sur une margelle
fenêtre modale
elle érotique elle me brûle du bout des doigts
soudain tout se tait, mot log in : release
et écoute,
je prends l’habitude de perdre mes mots
le compact trace des cercles de sum, égales à
des traines sous la chaleur tracent des signes
incompréhensibles
les écarts en furie nous éparpillent
puis sommeil
l’air n’est pas délébile, silence
la chanson se tait (tout passe par dehors)
lence.
si clapotis de vent, moindre souffle
ou geste de pierre, la commissure en silence
si
rogne
des tas d’ombre, des coins sans
les fragments s’éclairent, s’accélèrent
et filaments, gros de bataille, où le langage défile – il
dresse ses possibles
braille
« m’as-tu vu », vaille il invaincu, je ne fais que suer,
animer des dialogues à perte, je perds ma langue, je suite
space : nature immense
intérieure
space : nature immense, inférieure rêverie
ailleurs, elle =(e)
j’ai mal à la langue, la peau sur les mots collée
(miroir ciré, je me suis vu tant de fois inconséquent, ramasser mes doigts dans une cale pleine de ventres essoufflés)
j’écris avec ma peau, la peau ne retient rien « …peels away easy as paper »
je tourne avec les montres, j’avale des mines entières de quartz
je sais me traverser de toutes parts avec de fines aiguilles d’encre, la page sue
acrylique acry
mon poème sur page blanche fête ses 28 ans, allumez les
ronds-points et faites chanter les mots
ils sont beaux, mal maîtres mots, ce soir ils n’iront pas se coucher
ils avaleront la peine jusqu’à pousser
à terme
le creux de mon chemin inactuel
nous serons entre nous, pendus par la langue.
Photo : Atelier d’Isabel.