[Chronique] Le roi ni vraiment nu, ni totalement rhabillé (à propos de Marc Pierret, Mademoiselle Lévy), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Le roi ni vraiment nu, ni totalement rhabillé (à propos de Marc Pierret, Mademoiselle Lévy), par Jean-Paul Gavard-Perret

mars 27, 2019
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[Chronique] Le roi ni vraiment nu, ni totalement rhabillé (à propos de Marc Pierret, Mademoiselle Lévy), par Jean-Paul Gavard-Perret

Marc Pierret (1929-2017), Mademoiselle Lévy, editions Tinbad, coll. « Tinbad roman », mars 2019, 168 pages, 18 €, ISBN : 979-10-96415-19-9.

 

Le narrateur est contraint par le sujet même de son livre à la nécessité de changer sinon le corps de son héros du moins d’identité. Mais quand on cherche on trouve.

Certes, il émet des doutes sur la validité de sa quête : « Vous avez tout à fait raison de douter de l’intérêt des pages qui vont suivre, puisque, chemin faisant, c’est le mystère de cette rupture radicale entre Moret et Mauret que je vais tenter d’éclaircir ». D’autant que cela ne se fait pas sans mal pour le héros comme pour le narrateur. « C’est à n’y rien comprendre. J’avoue que je me sens moi-même un peu perdu ».

Heureusement, dans les salles lilloises de cinéma une apparition – Mademoiselle Lévy – va sinon mettre de l’ordre du moins orienter le récit du héros dont l’histoire remonte dans le brassage de l’Histoire et les connaissances intellectuelles de celui qui mène la danse : à savoir l’auteur.

Habile, il cautère les deux identités si bien qu’il finit par croire à cette transformation écrite au moment où Mauret est devenu un auteur à succès et se retrouve bien placé sur la pyramide sinon sociale du moins de l’intelligentsia, et ce à un âge où les errements seraient devenus dangereux.

Est-ce à dire que tout est parfait ? Sans doute pas puisque dans le monde il faut jurer de rien – même des demoiselles qui se laissent draguer dans les salles obscures. Mais tel un errant, l’auteur n’a pas trop de temps pour démêler le faux du vrai et retrouver le droit chemin. Néanmoins il ne se prive pas de détails apparemment significatifs.

Acceptant le dilemne des deux identités et des époques passées il n’impose à personne de vivre à genoux. Au nom de celui qui a gagné (semble-t-il) la queue du Mickey dans le jeu de la vie, il en chante les « louanges ». Mais de fait il se chante lui-même – à défaut d’autrui – et en parlant des défauts du héros il dresse ironiquement ses propres louanges.

Il fait donc bon dans l’harmonie intérieur d’un personnnage troublé qui avait juste besoin d’un chef d’orchestre littéraire pour mettre de l’ordre dans « ses » vies. A chasser deux lièvres même s’il n’en font qu’un, il en crée une troisième qui court derrière eux. Ou les devance. Et le livre fait mouche et qu’importe si Moret/Mauret s’est peut-être trompé de cible.

Preuve que si certains romanciers s’accrochent souvent à ce qui ne vaut pas tripette, Pierret réussit une pirouette grâce à sa Demoiselle. Refusant d’envisager son héros de manière négative et sans forcément tirer la couverture à lui il le fait « briller » en dépit même de ses mauvaises manières.

Son roi n’est pas totalement nu, mais il n’est pas pour autant complètement rhabillé. Si bien que dans cette narration ne se voit pas forcément où penche la balance d’une justice immanente et de quels côtés doivent se porter les frémissements qu’une telle fiction – dans sa rudesse, son savoir et son ironie – suggère.

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rédaction

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