José Vicente Anaya, Híkuri (1978), traduction et présentation de Florence Malfatto, Les Presses du réel, collection « Al dante », 2019, 72 pages, 10 €, ISBN : 978-2-37896-054-4.
José Vicente Anaya est un poète mexicain né dans l’Etat de Chihuahua. Il est l’un des membres fondateurs du mouvement d’avant-garde infra-réaliste fondé en 1975 et écrit Híkuri en 1978 après qu’il s’est séparé du mouvement. Le texte reste néanmoins marqué par celui-ci. Híkuri peut être lu en amont du Manifeste écrit par Anaya situé en fin de volume ou à la suite ou encore dans une mise en parallèle, de l’un à l’autre. Le texte traduit et présenté par Florence Malfatto reste en effet traversé par les différentes notions qui fondent les trois sections du Manifeste intitulées respectivement « De la beauté et de l’art » (section 1), « Situation présente » (section 2), « Infrarréalisme et infrarréalistes » (section 3). On notera que le Manifeste infrarréaliste est précédé de la mention « Pour un art d’une vitalité sans limite ». A l’encontre des conceptions traditionnelles de la beauté, celle-ci est actualisée dans un espace-temps « ici et maintenant » qui s’inscrit dès l’intitulé de la seconde section de ce manifeste. « Le seul infini véritable est le présent » (p. 10). L’infrarréalisme s’ancre dans le réel sous un mode éminemment critique et recouvre un double caractère : spontanéité et immédiateté. Dans une dimension politique, l’infrarréalisme s’apparente à ce qui pourrait être une forme de résistance et de contestation dans une configuration singulière (« nous formons un groupe nongroupe », p.71).
Le titre du livre renvoie à la langue maternelle de l’auteur – langue rarámuri. Au cours du texte et lors de la clôture du livre s’immiscent plusieurs langues. Le titre se réfère quant à lui à une plante du Mexique dont on extrait la mescaline aux pouvoirs hallucinogènes (peyotl). Dans une perspective à la fois littéraire, artistique, sociale et ethnologique, le texte rassemble une multiplicité de références où convergent mythes, rites du peyotl mais également les éléments d’un milieu social et familial, ouvrier en l’occurrence. Les références dans Híkuri sont littéraires et plus généralement artistiques (Hölderlin, Rimbaud, Artaud, Pound, Ginsberg, Charlie Parker, Charlie Chaplin…). Dans des procédés de cut-up, de collage, pouvant par endroits se référer à une poésie narrative et marquée par une forme de spiritualité, les approches philosophiques et politiques semblent rejoindre la pluralité des positionnements du mouvement infrarréaliste. L’expérimentation formelle dans Híkuri reste centrale avec une prégnance des éléments graphiques dans le poème qui s’articule sur deux sections (flèches, signe de ponctuation qui fait suite, slashs, schémas et dans la seconde section du texte, mots indicés dont les lettres sur deux niveaux s’assemblent dans la constitution du mot). C’est dans le renouvellement de propositions formelles et des capacités critiques du texte poétique que s’inscrit le travail de José Vicente Anaya.