Liliane Giraudon, le travail de la viande, P.O.L, décembre 2019, 160 pages, 16 €, ISBN : 978-2-8180-4796-5.
B7, touché-coulé : Lili ne pleure pas, elle observe le monde devenu fou, corps planté dans la terre[1], et crie (« arrêtons de voir / la littérature comme un enclos / protecteur une / réparation du vivre / il faut cracher dans la soupe »[2]). Voilà qui est dit. Après Un peu de viande hachée[3], la bouchère-charcutière a été très correcte : il nous est offert un pied paquet épicé ; les morceaux serviront d’osselets. L’amazone court après plusieurs dadas, d’où les jockeys camouflés[4], une gazette (2013-2014 chez feu Bazar éditions), pour la passeuse et revuiste[5], et un titre (1918) de l’excellent et oublié Reverdy. Ce dernier est l’un des « Pénétrables »[6] de la bustière, avec, pour les vivants, la générosité pour les remerciements[7] ; Hélène Bessette et Vsevolod Meyerhold[8], pour les morts, en « lecture latérale » (Aby Warburg) nourrissant le « lirécrire ». Le théâtre ne parle pas à Lili[9] et pourtant le metteur en scène « biomécanique » est présent tout comme, dans une mise en abyme, Robert (Cantarella) dans Oreste pesticide[10].
Tout gire chez Lili : les genres, les mots. Tout est en mouvement[11]. L’écrit est hybride[12] comme La vie matérielle : essais, récits « homobiographiques », prélèvements, poèmes, poésie visuelle avec calligrammes aux ciseaux entre Mallarmé[13], Apollinaire et Queneau, conte, pièce sans théâtre, où les références se répondent[14], allusions au cinéma[15], insertion d’images[16]. « lili elle exagère »[17] ! Non, toute publication poétique devrait être cet heureux mélange ou zibaldone en écho au monde chaotique : c’est pile l’intemporelle modernité[18], le ça de l’écrit. On the edge, elle y va, la battante, et jamais Lili ne se viande.
Aucune capitale dans le titre car tout est à égalité, c’est logique, puisque dieu est mort depuis longtemps et pas de maître non plus mais beaucoup d’influences. Liliane Giraudon est noire de monde[19]. Faire commun, depuis Heidsieck, devient, malgré tout, encore possible (le on car « (…) quand je lis-écris c’est souvent nous. Ou plutôt on »[20]).
« Face à ce travail de la viande informations ou distraction. / Des bouts des morceaux raccordés manuellement. / La main sur la page opère des connexions. / Quelque chose de tactile. »[21]. Le travail de la viande[22] : travail de la langue[23] pour la mort au travail[24] alors que sourd un continu appel à la vie[25] où son corps à soi[26] s’exprime. Giraudon est sorcière[27]. Le travail de la viande, un titre à la Artaud[28].
Conte cruel
D’emblée, retour à l’enfance avec La fille aux mains coupées, à partir du conte des frères Grimm, La jeune fille sans mains[29]. Giraudon va à l’os avec cette viande découpée : avec la mort de P.O.L., un soutien à une certaine poésie contemporaine, elle applique à l’insu de son plein gré, pour sa mise en espace, le schéma Z de Lacan[30] à partir de La lettre volée de Poe, à savoir le travail de l’espace[31], du vide[32], conditions de la création[33]. Ecrire dans les trous. Enfance[34], toujours dans l’ombre de l’artiste comme une peinture rupestre, sempiternellement regardée jusqu’à ce que le sens apparaisse enfin ; réappropriation du corps[35] puisque, en « homobiographie », « je m’aperçois que cette fille aux mains coupées et qui a demandé qu’on lui attache les bras dans le dos c’était moi. »[36]. La main, c’est-à-dire l’outil principal de la poétesse qui coud[37], comme petite main, entre formes diverses de textes, à travers le vide révélé par la mort de l’éditeur. Le travail fondamental ? « Page abolition mémoire : un travail à plein temps. »[38]. Ce vide tout beckettien[39], c’est aussi la diagonale, brèche entre passé et futur, interprétée par Hanna Arendt[40], à partir de la parabole de Kafka dans Le procès à partir de « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament »[41] alors que, pour Giraudon, « le passé n’éclaire pas / le présent mais en barre l’accès »[42].
Poésie visuelle
Dans le cornet à dé : « le sang sur les mains s’endort et s’efface ». La fille du conte cruel est rassurée. Comme dans Syllabes précipitées[43] du livre précédent, L’amour est plus froid que le lac (2016), nous retrouvons le même dispositif plastique : à « agir c’est connaître le repos », qui était le titre provisoire du livre le travail de la viande, répond « ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu ». Des phrases sans ponctuations sont ponctionnées, comme des Biopsies à la Heidsieck dans la globalité de le travail de la viande. C’est probablement le dernier texte écrit, la trace d’une étape de travail où trous et blancs sont interrogés à même la page. Le travail de la viande : « mouches à viande allez-vous-en ! », « les morts sont terriblement seuls ». Avec le verbi-voco-visuel de Campos à partir de Mallarmé : le hasard ou accident comme liberté et démarche expérimentale. La poésie visuelle échappe tellement à POL qu’aucune mention de cette partie n’apparaît en quatrième de couverture.
« la grammaire en démolition n’arrange pas le drame », cette phrase prélevée chez Bessette revêt un autre sens si nous la rapprochons de …
Quand Oreste peste
Voici l’une des parties les plus importantes, quantitativement et, peut-être qualitativement, de le travail de la viande – le dramaticule ou le « dramolette »[44]. Drôle de drame : « une tragi-comédie » selon Robert [Cantarella], le metteur en scène[45] mais « Elle a insisté sur le fait que ce n’était qu’un déchet de drame. » selon Nicolas [Maury], l’acteur[46]. Dame, une photo du fils, Serra : émerge une enseigne « boucherie » (la viande, toujours la viande[47]) derrière d’atroces palissades de travaux de démolition, grosses comme la Porte d’Aix, au Boulevard des Dames (dames fliquettes ? Sannom ?) inscrit en tag sur du béton. Métaphore de l’écriture accidentée – un laboratoire – de Giraudon ? La viande encore : « sur deux grands écrans silencieux (sorte d’installation) passe en boucle un montage de films d’horreur et pornographiques. »[48], une sorte de porcherie[49] dénoncée à la Pasolini. Sur scène, il y aura donc du multimédia : la pièce sera immersive. Viande encore : « Mais qui vous dit qu’une tumeur n’est pas en train de germer dans vos jolis seins ? »[50] en écho aux éléments « homobiographiques » dans Madame Himself (2013).
« Pour Oreste, remettre en scène les hyènes. » (carnet). Il est vrai que notre époque ne manque pas de faits anxiogènes[51] d’autant que la hyène est en nous[52]. Au reste, pourquoi Oreste ? « Parce que je suis un reste. (…) Et que je reste ici ! »[53]. Oreste, un trans ou travelo matricide[54] entre Genet[55] et Pasolini (« La seule poésie est la poésie à faire. ») laissant songer à Valérie Dréville avec gode-ceinture en Médée-Matériau[56] de Heiner Müller mise en scène par Vassiliev (2002). Oreste, un Docteur Folamour : « deux fauteuils roulants bricolés. Oreste (gants noirs, masque de chien, sur un fauteuil roulant […]) »[57]. L’une des filles d’Oreste est pénétrable comme fille cousue au point de se faire recoudre l’hymen, barbarie actuelle, opération détaillée par le menu, qui concurrence l’excision, sur fond de Daech[58], d’état d’urgence, de reconstruction de quartier à Marseille – alors que l’insalubrité cause l’effondrement éhonté d’immeubles -, de violences conjugales voire de féminicide, de bavure policière par deux lesbiennes. L’histoire avec sa grande hache rejoint la mythologie grecque, somme toute, cruelle comme un conte de Grimm. Une toile de fond – she does Sker – qui justifie tant de mises en scène actuelles d’Orestie[59] ou d’Atrides. Il est vrai que toute civilisation est fondée sur la barbarie, le génocide primordial notamment[60].
L’intérêt supplémentaire est le côté méta en dernière partie, comme Didascalie dans Solilocas ou la vie sexuelle des lamproies dans Le Garçon Cousu (2014). Les lamproies, nous les retrouvons d’ailleurs ici, puisque Freud[61], les étudiait en tant que neurologue, avant d’intégrer le service de Charcot à la Salpetrière dont une citation figurait dans la première version du manuscrit puisque la génétique des textes est ici intégrée ou du moins présentée comme telle : « Pour apprendre comment l’homme et les animaux vivent, il est indispensable d’en voir mourir un grand nombre. »[62]. Sur le fondement d’une réflexion sur la folie[63], comme le « Pénétrable » ou deuxième AA, c’est de « dramolette » de l’intérieur dont il s’agit en écho à un monde fou, comme Hamlet, la véhémente extériorité de la mort d’un mollusque (Amleto, la veemente esteriorità della morte di un mollusco) par Castellucci où les bombes de gaz pètent et le lit en fer est porté au rouge[64]. Les morceaux de la psyché – 7 ans de malheur comme le vase de terre brisé donnant étymologiquement le symbole – sont recollés, la création est dans l’interstice[65], la collure. C’est dans la partie méta que la fin de l’histoire est soudainement révélée – réajustée, même.
Fonction Meyerhold
Voici le texte-pivot du livre : un beau chant désespéré. En « homobiographie », la lectrice braconne le tome 4 du Théâtre des années 20 et tombe sur Meyerhold[66]; le moi, comme l’humain, « vain, divers et ondoyant » (Montaigne) ne se souvient plus de la raison de l’annotation à cet endroit[67]. Si ce n’était pas très gai pour Maïakovski et Mandelstam, la photo anthropométrique du dossier 337 n’augure pas d’un destin plus enviable. A cause de son théâtre d’avant-garde, Meyerhold est arrêté en juin 1939 lors des purges staliniennes, torturé dans les caves de la Loubianka, contraint d’avouer une prétendue culpabilité aux motifs de trotskysme et d’espionnage et exécuté en secret le 2 février 1940. La viande est ici le corps martyrisé[68]. Sa femme, Zinaïda Reich, est assassinée peu après par des policiers. Meyerhold n’est réhabilité juridiquement qu’en 1955. Les circonstances réelles de sa mort ne seront connues officiellement qu’en 1988 pendant la perestroïka. La réhabilitation esthétique sera plus tardive. Voir au festival d’Avignon 1999 Un homme est un homme (Mann ist mann, Brecht) par Ostermeier, alors à la Baracke (Deutsches Theater de Berlin), était un vrai choc : spectacle dynamique avec panneaux de bois coulissants, expressivité des corps, orchestre rock sur scène bi-frontale, sensations assurées. L’acteur, procureur du personnage, joue de sa dynamique corporelle ou « principe biomécanique » : le corps est un mécanisme vivant, fonctionnant par réflexes, qui projette ses moyens expressifs ; le théâtre propose un monde reformé de façon créatrice. Quoi de plus cohérent avec le corps omniprésent chez Giraudon ?
« (…) ici le monde va / mal (…) »[69] ; « dans le match du nouveau siècle / la barbarie / a pris de sérieuses longueurs d’avance »[70] : extinction d’espèces[71], racisme[72], pédophilie[73], management et ses dérives[74], Syrie[75] et Russie de Poutine[76], D’Ormesson en Pléiade[77], les poètes devenant des « enquêteurs sociaux / rêvant d’étreinte / avec le grand capital (et + si affinités) »[78]. Ces rappels sont importants « (…) puisque oublier est plus facile »[79]. Noix, tripes, compote : le siècle passe décidément mal dans l’estomac.
Vive Reverdy ?
Dans le chaos ontologique du monde[80] comme une constante cosmologique, la lucide missive avec adresse et prélèvements[81], a été envoyée laissant songer au dernier livre de Bernard Heidsieck, Respirations et brèves rencontres. Chez les obsédantes nonnes trinitaires d’Avignon[82] : Reverdy, un poète de chevet[83]. Giraudon reprend la formule de Pierrot pas lunaire : « Écrire m’a sauvée. A sauvé mon âme. Je ne peux pas imaginer ma vie si je n’avais pas écrit. »[84].Je marche ou je m’endors, l’un des premiers livres publiés par Giraudon, était directement inspiré de Reverdy[85]. Nous retrouvons les vides et blancs[86] déjà évoqués dans le conte La fille aux mains coupées.
Quelques révélations : l’ouvrier typographique a pratiqué la boxe ; il a sauté à la gorge du musicien borderline Scelsi à cause d’une discussion mondaine autour des limites de l’art ; ami de Max Jacob, poète juif, converti au catholicisme et mort à Drancy, il fut peu amène à son égard ; il ne suçait pas que des glaçons[87] ; début années 1920, il a été l’amant de Coco Chanel à qui il dédicaça de nombreux poèmes[88]. Tout ceci est en effet un peu lourd pour insérer Reverdy dans Les Pénétrables. Chanel fut antisémite comme les Renoir, Degas, Morand, Audiard et, malheureusement, tant et tant, c’est connu. Duras a travaillé pour Vichy pour rédiger un livre sur l’Indochine et la Cochinchine, Merleau-Ponty et Ricoeur ont été, même brièvement, pétainistes, Brasillach, Fernandez et Drieu la Rochelle ont plus que collaboré, Céline exhortait Otto Abetz voire Hitler à massacrer plus de juifs mais j’ignorais que Chanel avait été un actif agent nazi[89]. La France moisie ne date pas d’aujourd’hui alors que les nuages bruns obscurcissent de plus en plus nos horizons sous couvert d’un peuple fantasmé et récupéré[90]. Sous le ciel de Narbonne, des Cévennes, de Solesmes : « La Lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. »[91] écrivait le résistant Char – qui invitait Heidegger à l’Isle-sur-la-Sorgue. Il s’agit donc d’un hommage ambivalent où Reverdy est saisi dans toute sa complexité : le cadavre bouge encore, au nord, au sud, ailleurs.
Recours au poème
L’activité du poème n’est pas incessante … « mais elle peut se faire sans nous. »[92]. Plusieurs fois, Liliane Giraudon affirme, reprenant Reverdy : « Je vis d’abord, j’écris ensuite. »[93]. Et l’écriture, c’est du vol[94]. Du souvenir troué aussi : l’herbe de l’enfance[95] – tout en s’effaçant[96]. L’influence de Walser semble manifeste[97]. Ce modeste texte d’abord paru en 2017 dans la Collection la Motesta Section Les Communs chez Fidel Anthelme X de Frédérique Guétat Liviani peut être perçu comme un manifeste d’écriture sans s’affirmer péremptoirement comme tel : voler ; accueillir l’invisible[98] ; écrire avec, pour, contre ; se déposséder. Ces pistes sont révélées par la différence entre les deux éditions :
– « Une peut-être couleur. »[99] devient, dans un geste évoquant le peintre De Staël qui offrit un magnifique Vieux Port « Comme parfois ici le ciel. / Ce couvercle uni et parfaitement étalé qui derrière des grilles peut vous rendre fou. »[100] ;
– « J’avançais dans le noir et j’ignorais tout. »[101] devient, dans une atmosphère onirique quasi fellinienne, « J’avançais entre deux mondes comme une enfant à demi idiote. / Comme quand on rêve de personnes mortes depuis longtemps et qu’on se demande où elles étaient passées durant tout ce temps. / Sachant pourtant que le rêve est actuel. »[102]
Il s’agit de travailler avec le vide car la mort est dans la vie (apoptose, étymologiquement, la chute des feuilles). L’inconnu est déplié sans être défloré : écrire, noir sur blanc, c’est aussi sculpter les blancs, le silence, se blottir dans les trous, établir péniblement des échafaudages dans le vide – nous rejoignons Reverdy. Pas étonnant que Giraudon ait travaillé avec Ryoko Sekiguchi[103] : cette conception, toute japonaise, se retrouve dans le chinois Yi-King dont s’inspira Cage abondamment cité dans le texte étudié ici. La sagesse de Cage, limpide et évidente, devrait accompagner comme un viatique toute personne sensée : « Notre poésie aujourd’hui c’est de réaliser qu’on ne possède rien. Toute chose est donc une joie puisqu’on ne la possède pas et donc on n’a pas à craindre de la perdre …». L’enfance, c’est aussi une chèvre qui mange l’ABC de la lecture de Pound[104]. En contrepoint, Giraudon dénonce la pornographie textuelle : « Sauf que moi, quand on me dit : ‘ça signifie que’, ça cesse de m’intéresser. / Ça fixe l’intérêt au point où ça tombe. / Ça meurt aussi sec. Ou tout comme. C’est mort.»[105].
La réflexion, à partir de Gertrude Stein[106], sur la distinction entre dupliquer – son rythme, son intentionnalité – et répéter – au sens kierkegaardien – est fondamentale pour l’écriture contemporaine. Dans la métaphore couturière en basse continue[107], il faudrait introduire un troisième terme, utilisé par Robbe-Grillet : la reprise.
B7, cette A7
Après Laure Limongi avec sa collection Laureli chez Scheer, Claudine Hunault et Cédric Jullion ainsi que Le Nouvel Attila, collection Othello poursuivent la publication et l’étude de la trop méconnue Hélène Bessette[108]. Le monologue de Bessette à partir de textes inédits, A cup of tea, Fading, La lettre à Adrienne, Mer calme Voyage heureux est, comme en partie pour « Cadavre Reverdy »[109], composé de prélèvements pour la voix off ou scénario du film, dédié à P.O.L., B7 : un attentat attentif, co-signé avec le fils de Liliane Giraudon, Marc-Antoine Serra. Au XXe siècle, Simone Weil, Anna Seghers, Simone de Beauvoir, Apollinaire, Jean Cocteau, André Breton, Eluard, René Char, Louis Aragon, Blaise Cendrars, Albert Camus, Albert Cohen, Ernst Jünger, Joseph Roth, Heinrich Mann, Walter Benjamin, Joseph Conrad, Albert Londres sont passés à Marseille, c’est connu. Mais Bessette ? « Qui est cette femme ? »[110]. A Phocée, en 1946, Bessette accoucha de son deuxième fils et devint indépendante en se débarrassant de sa carte d’identité et vendit son alliance offerte par son mari pasteur à Nouméa. Libre et errante, elle monta à la Bonne-mère. La photo de l’angelot prend alors tout son sens.
« Bessette aime bien que les mots s’appellent par répétitions de sonorités[111], ce qui lui permet d’inventer une sorte de syntaxe syllabique naturellement inapte au calme plat et à la progression linéaire. Cette écriture n’a souci que d’être rapide, efficace, pratique. Elle ne s’arrête pas, ne développe pas, n’habille pas, mais décharne, tranche, découpe. Elle n’a cessé de se dépouiller (…) »[112]. Point commun avec la dépossession chez Giraudon. Le vide est présent[113]. Des phrases sont répliquées selon la leçon steinienne : « Plus ça change plus c’est la même chose »[114] ; « Qui est derrière moi ? »[115] ; « Ou la souffrance »[116]. La condition de la femme[117], qui venait enfin d’acquérir le droit de vote, est aux prises avec « L’odeur lourde des tragédies rapides ». Le crime ne provient pas du gang du roman poétique.
*
Un dedans extérieur ; dessus, c’est dessous ; tout est réversible avec des plots bien ancrés : l’écriture de Liliane Giraudon est une expérience ; le lecteur, libre d’accéder et de cheminer à l’endroit du livre où il veut, ressort du livre pas pareil que comme il est rentré, pour emprunter un phrasé à la Giraudon évoquant l’oralité à la Céline. Possédée, la sorcière, pleine de sororité, arbore sa dépossession et nous livre un paquet de quartiers de viandes crues et cuites dont nous sommes libres d’en faire ce que nous voulons – la tragédie est sacrifice du bouc. L’écriture, accidentée et intégrant blancs, vide et espace, est en plusieurs strates[118] comme chez le philosophe Bacon ou la poésie de Zanzotto. L’eau de la rivière, dans laquelle on ne se baigne jamais deux fois, polit la pierre en galet. Monter, démonter, remonter ; effacer comme Rauschenberg. L’écriture est un palimpseste infini. Réflexions théoriques sur l’écriture exprimées, grâce à un gai savoir, comme une discussion simple avec un.e ami.e et un désir de transmission non didactique ; saines dénonciations se contrefoutant joyeusement du politiquement correct ; méditations sur la vie, la solitude, la mort ; présence de l’enfance où elle tire la langue après avoir mangé des pets-de-nonne car être radicale, c’est revenir à la racine ; l’histoire intime – soi-même comme un autre[119] – rejoint de façon fluide et continue l’Histoire ; le corps, toujours le corps – et son évolution : rouge, la viande à vif. Liliane Giraudon n’a rien à perdre : toute écriture publiée devrait naître, comme ici, de nécessités profondes. Un titre, le travail de la viande, qui pourrait résumer toute l’œuvre de Liliane Giraudon.
[1] « et c’est vrai que nous écrivons / avec nos pieds (…) les fragments pour l’entrepôt / passent des pieds / jusqu’à la cervelle », le travail de la viande, p. 72 ; « (…) la chose / se fait sans nous / dans notre dos ou sous nos pieds », ibid., p. 73.
[2] ibid. p. 88.
[3] Madame Himself, 2013.
[4] le travail de la viande, p. 108-109.
[5] Banana split, 1980-1990 avec poèmes, textes, traductions (plus d’une quinzaine de numéros étrangers), entretiens, interventions d’artistes (26 plasticiens) et musiciens ; If, 1992-2012, deux numéros par an, la revue continuant une fois par an sous la direction désormais d’Hubert Colas en lien avec actOral de Montévidéo qu’il co-dirige ; Action poétique. Bref un « poétariat international » (Haroldo de Campos) et un feed-back créatif : « C’est par le travail de ‘revuiste’, (cette ‘pratique’) que j’ai appris à travailler à l’intérieur de ma propre langue comme un étranger. Son et sens. En opposition ouverte à une normalisation mécanique des expériences. » (Liliane Giraudon, Marseille, mars 2015) sur son site internet.
[6] ibid. p. 116 avec un possible Les Pénétrables II avec Sade et Mallarmé.
[7] galaxie LG ou le travail collectif : la fine poétesse bien armée Frédérique Guétat Liviani pour son édition Fidel Anthelme X, Michel Maury, Laurent Cauwet, ancien directeur, engagé, d’Al Dante où Giraudon co-dirigea la collection Les Comptoirs de la Nouvelle B.S., atelier de traduction, Roberto Comini et la galerie Où tenue à Marseille par Axelle Galtier, Christian Tarting, Yves Bical, l’excellente poétesse et chercheuse Isabelle Garron, spécialiste de Reverdy, et Yves Di Manno, chez Serra Serra, Claudine Hunault, Cédric Jullion.
[8] Déjà « ARTAUD et Meyerhold » dans Les Pénétrables, p. 301. Nous les retrouvons réunis dans le travail de la viande, p. 125.
[9] Ibid, p. 59 ; « moi qui suis / en ce qui concerne le théâtre / une infirme véritable », ibid., p. 78 ; « la mise en scène / c’est la spécialisation / la plus large du monde », ibid., p. 98.
[10] Génie des titres au point de proposer ailleurs, comme l’hydropatho-fumiste AA, une « banque des titres ».
[11] Souvenons-nous du générateur de poésie aléatoire ou mots en osselets de Jourdain chez Molière dans Le Bourgeois gentilhomme – inspirant le titre Marquise vos beaux yeux avec Grangaud, Lapeyrère, Portugal (2005) -, à l’origine de la poésie générative de Balpe. « Lire ne se sépare pas d’écrire et du jeu d’osselets. (…) Les osselets s’y distribuent comme des lettres qu’il faut placer selon des figures successives. Aujourd’hui encore je suis intriguée par l’association Jeu d’osselets / Acte d’écrire. (…) Osselets + Poèmes (lus, recopiés, singés). », le travail de la viande, p. 128.
[12] « les mélanges adultères » ; « Les mots flottent, un état de suspension », p. 12 ; les pavés de Farocki en exergue – comme les osselets – remémorent ceux du parterre de la basilique cathédrale Saint-Marc, dans la Sérénissime, évoqués par Proust dans A la Recherche du temps perdu ; « un livre de proses – des mélanges. Du montage en montage. » dans le carnet scanné ; « Ma langue (…) Ecrite par moi seule. Un français accidenté. » Le Garçon Cousu, 2016, p. 34 inspirant la revue Faire Part pour son dossier « Liliane Giraudon. Une creative method accidentée », 2017.
[13] le travail de la viande, p. 114, p. 116.
[14] Reverdy avec « Cadavre Reverdy », ibid., p. 106-121 et « L’activité du poème n’est pas incessante », ibid., p. 125 ; Oreste dans Oreste pesticide, ibid., p. 27-64 et « Fonction Meyerhold », ibid., p. 82 ; Pound, « Fonction Meyerhold », ibid., p. 86 et « L’activité du poème n’est pas incessante », ibid., p. 128 ; Maeterlinck, ibid., « Cadavre Reverdy », p. 112 et « L’activité du poème n’est pas incessante », ibid., p. 125 ; le spectre familier P.O.L., ibid., p. 17, p. 108, p. 146.
[15] ibid., p. 69, p. 74, p. 82-83, p. 85, p. 93, p. 97-98, p. 102, p. 109, p. 111 ; film B7 : un attentat attentif, ibid., p. 137.
[16] Illustration d’un vieux livre de classe sur la découverte des contes de la petite enfance ; photo du fiston sur le triste destin de Phocée mais aussi sa beauté avec l’angelot de la Bonne-mère ou l’amour-haine que suscite Marseille ; deux fois la même page arrachée à un des carnets de l’auteur « agir c’est connaître le repos.» ; une photo de Reverdy avec son fameux nœud pape dans une porte entr’ouverte, une photo anthropométrique de Meyerhold.
[17] ibid., Balestrini, p. 86.
[18] Dans un entretien sur ses diverses revues, Giraudon rappelle cette vérité essentielle de Gertrude Stein : « Chaque auteur contemporain doit trouver son sens intérieur de la contemporanéité. ».
[19] ibid. p. 108-109.
[20] ibid., p. 129.
[21] Madame Himself, p. 47.
[22] « mécanisation du sexe / travail de la viande », le travail de la viande, p. 102.
[23] « mon amour à moi / c’est le langage », p. 74 ; « Les poèmes foutaient du bruit dans la musique, rendaient la musique au bruit. / Défaisaient la langue sans la bouche. / Rendaient l’eau dans le fossé plus eau, les herbes plus herbes. », ibid., p. 127.
[24] « je ne suis pas encore morte / mais il semble que ma vie s’efface », ibid., p. 89 ; « la mort est un processus / pas un état », ibid., p. 96 ; « L’activité du poème n’est pas incessante. (…) / Celle invisible des vers dans le cadavre ? », ibid., p. 127 ; une évolution par rapport à Les Pénétrables, préface p. 10 où « les livres (…) [sont] Des outils pour faire reculer le travail de la mort. ». Cf. Les Pénétrables, p. 143.
[25] Dans B7 : un attentat attentif : « Je suis éberluée de vivre encore / D’être une vieille », ibid., p. 137 ; « Je suis sidérée d’être vieille / Je pensais tant ne l’être jamais », ibid., p. 142 ; « Je suis abasourdie de vivre encore », ibid., p. 143.
[26] Comme Woolf prônait Une chambre à soi.
[27] Comme rebelle, insoumise, pour notre bonheur, en tant que celle qui sait « Qu’organiser le pessimisme est un acte révolutionnaire. » (W. Benjamin).
[28] le marseillais ou deuxième AA, poète cité p. 125.
[29] Dont est inspirée la pièce d’Olivier Py, La jeune fille, le diable et le moulin, elle-même à l’origine du superbe film d’animation de Sébastien Laudenbach, La Jeune Fille sans mains (2016), prix du jury à Annecy.
[30] « Seul l’espace du conte et les mots qui s’y trouvent suspendus peuvent nous éclairer. », p. 13.
[31] Le point central du conte est le cercle de craie protecteur tracé par la jeune fille sans mains.
[32] « Sous le vide des mots un monde également vide et mort. » Madame Himself, p. 51. Le vide et les blancs sont évoqués dans « Cadavre Reverdy », le travail de la viande p. 111-112, p. 120.
[33] Ce que n’aurait pas renié le regretté Claude Régy.
[34] En un twist, « l’homobiographie » se distingue de l’autofiction avec l’espace temporel : « Cette enfance, était-elle vraiment la mienne ? », ibid., p. 128.
[35] « (…) du vide entra dans son corps », ibid., p. 14 répond à « Etre une femme, c’est un corps occupé » Le Garçon Cousu, 2014, p. 11.
[36] Le travail de la viande, p. 17. Sur une possible interprétation concernant le dos, cf. ibid., p. 15, p. 73 et Le Garçon Cousu, Postface, « Arrêtez d’applaudir avec vos cuisses », p. 109 : « Les textes qui précèdent celui-là et forment le corps du livre ont été écrits par elle mais sans elle, parfois même dans son dos. / Oui, on pourrait dire dans son dos. / Parce que c’est sur le dos que se portent le plus souvent les coups invisibles, ceux qu’on ne voit pas venir et ceux dont on ne se remet pas. ». Cf. deuxième partie note 1.
[37] N’oublions pas que texte vient étymologiquement de textus, tissu, trame. Cf. le cadavre de la viande, p. 119. Chanel et son attitude envers les « petites mains », la femme de Reverdy qui était couturière. Plus loin : « Je recopie puis je défais. Comme je le vois faire avec de vieux tricots de laine. », ibid., p. 128.
[38] ibid., p. 15
[39] « Je veux mettre de la poésie dans le théâtre, une poésie en suspens dans le vide et qui prenne un nouveau départ dans un nouvel espace. » Les Pénétrables, 2012, Beckett, p. 295.
[40] Dans la préface de La crise de la culture (Between past and future).
[41] Feuillets d’Hypnos, Fureur et mystère, René Char.
[42] le travail de la viande, p. 85. Plus loin, évoquant l’angelus novus de Klee cité par Benjamin, « ‘Car c’est une image irrécupérable du passé qui risque de s’évanouir avec chaque présent qui ne s’est pas reconnu visé par elle.’ ‘La mémoire marche derrière nous.’ », ibid., p. 116.
[43] p. 67-73
[44] Les Animaux font toujours l’amour de la même manière, 1995.
[45] ibid., p. 59.
[46] ibid. Liliane Giraudon a écrit Le Garçon Cousu (p. 79-99) pour le même acteur, ce qui est réaffirmé ibid., p. 109.
[47] « (Un bruit de mouches envahit la pièce) (…) Flic 1 Ça doit venir de la boucherie d’à côté (…) Oreste La boucherie hallal ! Dites-le au moins puisque c’est ce que vous pensez ! La boucherie hallal ! », le travail de la viande, p. 50.
[48] ibid., p. 44.
[49] « (…) approche du corps d’autrui… (…) violence du voir… » selon « Robert (lisant des notes de l’auteur) », ibid., p. 62.
[50] Oreste, ibid., p. 50 ; cf. “Fonction Meyerhold”, ibid., p. 96.
[51] « (Il [Robert] répète ‘ de la folie de la surveillance’ (…)) », ibid., p. 63.
[52] « Aurons-nous à la place d’Œdipe un Oreste ? » Robert Musil en exergue. Entreprenant de retraduire Sophocle, Hölderlin et Pasolini se sont intéressés à Œdipe, personnage central de La sphinge mange cru, Al Dante, 2013.
[53] ibid., p. 47.
[54] Déjà « L’Omelette rouge » ou Sarah Bernhardt travestie, 2011, et, inspiré de Stein, Pierrette Davignon et M. Daubignan dans Madame Himself, 2013.
[55] le travail de la viande, p. 109, p. 146.
[56] Médée : ibid., p. 82.
[57] ibid., p. 44.
[58] remember : « Les talibans n’aiment pas la fiction », Inventaire / Invention, 2005.
[59] Dans la légende des Atrides : Orestia – una commedia organica ?, Castellucci (1995, 2015), Py (2008), Lavaudant (2019) avec des dieux en drag queen lors du procès final, Jean-Pierre Vincent (2019), Oreste à Mossoul, Milo Rau (2019), Électre/Oreste, Ivo van Hove (2019).
[60] Cf. note 80.
[61] Cité dans le travail de la viande, p. 63.
[62] ibid., p. 61.
[63] « structure fêlée (…) Ces malades se sont détournés de la réalité extérieure c’est pourquoi justement ils en savent plus long que nous sur la réalité intérieure et peuvent nous révéler certaines choses qui sans eux seraient restées impénétrables. », ibid., p. 63 à partir de Freud. Gardons-nous toutefois d’une vision romantique de la folie comme, par exemple dans un autre genre, les aveugles qui verraient mieux que les voyants.
[64] A croiser avec Giraudon, Liliane. L’onanisme d’Hamlet, Les cahiers de la Seine, 2004.
[65] « On se néantit pour laisser passer autre chose. Dans le mince. L’inextricable. (…) », ibid., p. 130. De quoi se rapprocher de l’inframince de Duchamp.
[66] ibid., p. 76-77.
[67] ibid., p. 77-78, p. 89.
[68] ibid., p. 77.
[69] ibid., p. 76.
[70] ibid., p. 82.
[71] ibid., p. 75, p. 85-86, p. 100, p. 102.
[72] ibid., p. 90.
[73] ibid., p. 101.
[74] ibid., p. 100.
[75] ibid., p. 79, p. 91.
[76] ibid., p. 92-93.
[77] ibid., p. 70.
[78] ibid., p. 84.
[79] ibid., p. 81. La vérité, alètheia, est le privatif du fleuve de l’oubli, le Léthé, l’un des fleuves de l’Enfer chez les grecs.
[80] « Il y a toujours une mare de sang quelque part, dans laquelle nous marchons sans le savoir. », ibid., p. 116 d’après Straub citant Pavese.
[81] ibid., p. 108-109, 110. « Le véritable poème n’est pas propriété. La création n’est pas possession. Plutôt, peut-être, un étrange exercice de dépossession. », ibid., p. 113. Une technique connue depuis longtemps en littérature, depuis Godard au cinéma.
[82] ibid., p. 107, le travail de la viande ; p. 9, Madame Himself. La conversion catholique de Reverdy est bien connue même si, remarque Giraudon avec malice « le poème lui-même n’en a pas été touché. » (le travail de la viande, p. 113).
[83] ibid.
[84] ibid., p. 108. Duras aurait pu écrire exactement les mêmes phrases.
[85] ibid.
[86] ibid., p. 111, p. 120.
[87] ibid., p. 113.
[88] Encore en 1949 puisqu’il lui a dédicacé un poème de Main d’œuvre, cf. ibid., p. 118.
[89] ibid., p. 119.
[90] ibid., p. 88, p. 110.
[91] Aphorisme 169 des Feuillets d’Hypnos, Fureur et mystère.
[92] ibid., p. 129.
[93] ibid. p. 109. « mon livre est engagé / puisque c’est lui / qui m’engage / à vivre ce que j’écris », ibid., p. 89.
[94] ibid., p. 109, p. 126-127.
[95] ibid., en écho aux p. 78-79.
[96] ibid., p. 130.
[97] « J’écrivais au crayon. Le plus minuscule possible. », ibid., p. 127 remémore les microgrammes de l’interné d’Herisau évoqué dans Les Pénétrables, p. 149-155, not. p. 155. Sans omettre Onze chambres pour Robert Walser, avec J.-J. Ceccarelli, éditions CK, 1988.
[98] L’activité du poème n’est pas incessante. « Elle ne l’a jamais été ou alors d’une manière invisible, c’est-à-dire dans un dedans extérieur. Quand dessus c’est dessous », ibid., p. 125.
[99] p. 3 in L’activité du poème n’est pas incessante. Fidel Anthelme X : Marseille, 2017. Collection la Motesta. Section Les Communs.
[100] le travail de la viande, p. 125. Nous avons l’impression de plonger dans une œuvre totalement bleue de James Turrell comme pour l’exposition La beauté (Avignon, 2000) en écho avec l’école primitive avignonnaise. Je nomme pour ma part ce ciel marseillais, « ciel en fer blanc ». Ce déplacement ou évolution de l’écriture est explicitée dans un entretien, sur un autre sujet, réalisé pour Diacritik par Emmanuèle Jawad, Paris-Marseille, décembre 2016 : « Disons que je ramasse ce qui me traverse, ensuite je l’incruste dans ce sur quoi je travaille. L’agencement se fait de manière assez artisanale, quasi intuitive. Comme on déplace des couleurs sur une page. ».
[101] p. 3 in L’activité du poème n’est pas incessante. Fidel Anthelme X : Marseille, 2017. Collection la Motesta. Section Les Communs.
[102] le travail de la viande, p. 126.
[103] Giraudon, Liliane ; Viton Jean-Jacques ; Bistra ; Sekiguchi, Ryoko. Température du langage. Estepa, 2005. Bilingue japonais.
[104] le travail de la viande, p. 128.
[105] ibid, p. 129.
[106] ibid, p. 129-130. Cf. également Le Garçon Cousu, Postface, « Arrêtez d’applaudir avec les genoux », Ce qui lui vient du dehors, p. 108 : « Stein a raison, c’est extraordinaire comme un vocabulaire ne peut qu’avoir du sens. Et la poésie, contrairement à la prose, a quelque chose à voir avec le vocabulaire. ».
[107] Cf. note 37.
[108] Bessette était déjà Hélène, un personnage dans Solilocas ou la vie sexuelle des lamproies dans Le Garçon Cousu (2014). La revue If n°30, 2007 est consacrée à Hélène Bessette avec des inédits.
[109] Le travail de la viande, p. 109-110.
[110] ibid., p. 140.
[111] Le titre trouvé par Liliane Giraudon, Un attentat attentif, est un hommage, par les allitérations répétitives, à la technique d’écriture de Bessette.
[112] Noël, Bernard. Postface « Le plus que présent », p. 245 in Bessette, Hélène. Le bonheur de la nuit. Léo Scheer : Paris, 2006. Laureli. 249 p.
[113] ibid., p.139, p. 140.
[114] ibid., p.135-136, p. 141. Et, déjà, Fonction Meyerhold, ibid., p. 83.
[115] ibid., p.136-137.
[116] ibid., p.139-140.
[117] « Ils ont dit : ‘elle a du charme’ ‘elle est frivole’ », ibid., p.135. « ‘C’est une femme qu’il faut éviter’ », ibid., p. 136 ; « J’ai pris un emploi de secrétaire », ibid., « Qui déteste la couleur de mes cheveux ? », ibid. ; « Non, je ne suis pas contagieuse », ibid., p. 141 ; « La prostitution exotique », « ‘ La route noire’ », ibid.
[118] Une translation, comme un des instruments utilisé pour l’écriture accidentée, peut-être héritée de Proust via Claude Simon, qui était, à ses débuts, peintre. Cf. également note 99, 100 pour le passage de « Une peut-être couleur. » vers le bleu non défini comme tel.
[119] Référence à Ricoeur mais aussi à « ce que j’écrivais m’apparaît souvent / comme écrit par une autre », ibid.