La Revue des revues, Ent’revues, Paris, n° 43, mars 2010, 128 pages, 15,50 €, ISBN : 978-2-907702-51-5.
Outre l’indispensable article de Serge Martin, "Henri Meschonnic avec Les Cahiers du chemin", on retiendra de cette 43e livraison l’entretien avec Jacques Demarcq intitulé "Le Virus des revues" et la chronique de Jean-Michel Henny, "Place des revues".
"Qu’est-ce qu’une pensée qui ne fait de mal à personne, ni à celui qui pense ni aux autres ?" (Gilles Deleuze, Différence et répétition, PUF, 1968, p. 177 – cité par S. Martin).
"Dès qu’on avance une idée de la littérature, on rate la littérature", affirmait Georges Lambrichs (1917-1992), le fondateur de la collection "Le Chemin" chez Gallimard (1959-1992) et de la revue Les Cahiers du chemin (1967-1977). Pourquoi un tel titre ? "Parce que le chemin continue"… C’est dire que l’illustre homme de lettres se défiait des avant-gardes comme des modes ultra-contemporaines, privilégiant "une pluralité active". Serge Martin propose une description très précise des contributions de Henri Meschonnic (1932-2009) à la revue, avant d’en analyser la spécificité : "l’homogénéité du dire et du vivre" et la "parole écriture". Ressort principalement l’inscription de la poétique dans l’histoire et une singulière indépendance d’esprit qui lui faisait tourner en dérision le "derridadaïsme" et préférer à la question : "Qu’est-ce que la poésie ?" cette autre : "Qu’avez-vous fait de la poésie ?"
En passeur et traducteur reconnu qu’il est, Jacques Demarcq est un véritable homme de revues. Après s’être trouvé en Christian Prigent une figure tutélaire et reconnu dans la passion de TXT pour le carnavalesque et l’intraduction, il prend ses distances afin de devenir "TXTien-mien"… Pour lui, son passage de TXT à Fusées est des plus révélateurs : "Fusées n’a pas l’esprit batailleur qui caractérisait TXT. La posture avant-gardiste n’est plus tenable parce que la guerre est finie : l’art, au sens que lui donnait Baudelaire, a perdu ; la communication, la crétinisation médiatique, la consommation ont gagné pour longtemps, si pas définitivement" (p. 58). Aujourd’hui, il apprécie Action restreinte et MIR.
Le point de départ de Jean-Michel Henny est le rapport officiel de Sophie Barluet, Les Revues françaises aujourd’hui : entre désir et dérives, une identité à retrouver (rapport de mission pour le Centre National du Livre, 2006), qui dresse un constat alarmant : si les revues en volume connaissent des temps difficiles, les revues en ligne ne sont viables que si elles sont bien répertoriées… D’où l’enquête du chroniqueur : sur internet, les bases de données nationales, régionales ou associatives sur les revues se caractérisent par leur complexité, leur technicité et leur rigidité. D’où l’intérêt du projet lancé par l’association Ent’revues en collaboration avec la Fondation Maison des sciences de l’homme : Place des revues se veut "un lieu d’orientation" qui vise la "diffusion rapide des données", leur "actualisation régulière" ainsi qu’"une meilleure interactivité entre les acteurs de toute la chaîne professionnelle" (75).