[Texte] Nicolas Vasse, Petite poésie de minuit

[Texte] Nicolas Vasse, Petite poésie de minuit

juin 22, 2010
in Category: créations, UNE
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Voici trente fulgurations poétiques qui ressortissent également à la géographie mentale du peintre Nicolas Vasse que l’on a déjà eu l’occasion d’évoquer en mai dernier (lire/voir). [Voir son site]

1 / c’est de l’étoffe de la boue légère une somme de corps dans l’histoire de son orgueil c’est la plus simple et exacte partie de son prolongement de son dénouement il verse un verre et l’entête avec douceur d’abord

2/ les murs appartiennent la nuit tombée aux ongles au galop des lasures sans hâte et crevées de précipices anonymes les murs témoignent à couvert d’une lassitude de vivre d’une lenteur suave et sincère plus pénétrante encore que l’orange dans la pièce

3/ concubine de l’instant las les rideaux virent les tringles d’acier le vent lève l’étrangeté des distances une pluie fine un grain de sable dans la machinerie du temps le cri étincelle et retourne au silence

4/ les parquets ont ceci de charmant qu’ils sont chauds avides de lumières et de moiteurs et glissent comme un sol de désirs sans jamais trouver leur propre résistance parquets de pertes d’oublis et de terreurs soumises

5/ parce que le rouge est illusoire parce que la chambre s’est échauffée au soleil de midi parce que luire est une offrande de fruits parce que le simple est infiniment plus goûteux que le complexe je ne dirai les mots qu’en révolutions derrière elle

6/ de la fumée aussi verte que l’absence elle fait des rondes l’ambre du scotch énonce de drôles de syllabes la boutique en clignotants les néons tracent ses yeux vifs l’ambigu se lève une main dans ses cheveux

7/ tout est dégagé les meubles le ciel et les fenêtres ils composent une scène des fringues ressemblants le chignon se révolte la guerre éclate l’extérieur allume les projecteurs ils dansent comme on dessine une corrida éternelle

8/ un café des chaises croissants la journée se lit déjà les tasses hésitent le sucre le miel surtout enroule enrobe la cuillère pour la langue il y a des cerises aussi près de la confiture les mains se glissent

9/ un nid un vrai les aigles se croisent dans les hauteurs laissent choir et les cris et les serres et c’est un grand bonheur sur une longue chaîne montagneuse et au combien courbe qu’ils agrippent leur oeil foreur dans les nuages

10/ tandis que pointe le jour dentelles les signes se font à présent rares et subtiles le sens prend de l’ampleur à l’ombre et de bouche à oreille quelques vérités d’eux seuls ensemble connues

11/ envie de glaces à la framboise de grâces versatiles sous un palais de transparences où l’odeur jusqu’autour se propagerait merveilleuse et adéquate pareille à un linge humide dans un été forgé

12/ les images défilent l’autoroute est sublime quelques mots du passé quelque chose du tréfonds la musique grésille on se laisse aller on se laisse au bord de la route prendre au jeu de l’oubli aux éclats qui n’existeraient pas sans nous dans cette portion de nuit noire

13/ il faut boire consumer étendre la voix la gorge l’iridescent de son sourire à son autre monde celui mystérieux celui qui touche à l’indomptable à la rébellion à l’essentiel de la confusion la plus globale la plus évidente de ses yeux plissés

14/ pas le temps pas d’heures pour… l’ennui l’énigme la suite sont une laine un symbole une position de l’être tout entier la porte s’ouvre la parole à peine perceptible l’amour est de l’air de l’évasion entre les murs l’escalier l’immeuble pas d’heures pour tarder encore à venir tendre le souffle

15/ myrtille ou le mot fabuleux immensément sombre titiller jouer avec de sa rondeur tendre la rouler de caresses et de suppliques et de flammes sans cesse et sans dessous dessus

16/ le corps presse de vivre de conjuguer les saisons l’entaille qui bourgeonne de couleurs les rires les états liquides de l’âme le corps se presse autour d’un feu de mains et le mouvement comme refusé des seins et de la ligne vorace soudain s’effondre

17/ il y a assez de gestes mauves dans sa marche pour ensorceler au grand jour de sa chemise blanche et diaphane assez pour suggérer aux passants l’idée d’une fragrance frileuse et sauvage

18/ l’histoire s’enracine au lendemain entretenu les pieds chêne le faux marbre esseulé veines jointes muscles en osmose certaine l’histoire s’abandonne jusqu’à plus de détails et d’affinités ad libitum

19/ au mois de mai dis moi quel désir assaille lente hégémonie prière sismique et quasi inaudible l’esprit si animal que tu retiens pourtant à portée de tir et sous les jupes du jasmin

20/ douleur de ne revoir que l’éphémère répétition du coller douleur que l’attente prospère moqueuse insolente douleur de n’être jamais finalement un seul bois noué devenu sec sur lui-même à deux

21/ sexe tronc te traîne sur longueur et ramène chaque fois plus fort l’espoir d’un toujours plus fort exigu insatiable éponge qui me bascule à l’enfreindre mêle

22/ ronces elle sait l’épineuse que le tambour bat là où la fureur installe la gloire mi figue mi raisin les teintes deviennent belles écarlates comme prêtes à cueillir les joues au ventre dur et l’effacement du regard à l’ébranlement

23/ le socle torride amène la pluie et c’est rougie de fer que la terre s’ouvre enfin à l’homme ivre et chantant plus haut que des falaises spectrales et inatteignables le désert creuse un lit où mordre la poussière est une bénédiction du seigneur

24/ rapports de forces torsions évitements maladroits rythmes saccadés les genoux cèdent aux avancées du sable celui qui enfonce malgré les appuis

25/ source défendue jusqu’au retournement des situations pylône l’obélisque livre ses derniers soupirs à la frontière inerte du blanchiment l’horizon tremble la pâleur est un phare unifié

26/ décidément large résolument corsée au balcon comme au chevet la phrase de son orbe emmène de dimensions en dimensions les quatre bras à secouer tissus et linges poupées de désirs

27/ dans quelque partie où elle s’amuse seule sans mon vouloir explicite s’insinue roide et reine son transport d’effluves abondantes et pieds je perds poings liés la tête dans elle

28/ mine béance luzerne folle ou l’étalement d’un nouvel horizon plus vrai plus tangible et symbiotique qu’une naissance jamais acquise

29/ le pain se mange le vin se boit elle de deux en pétrit un plus joyeux et s’enchevêtre aussitôt profitant de l’emballement que ses inspirations ont suscité

30/ nus seuls à nouveau si proches le sommeil avec indécence les ramène doucement à tiédir d’autres pages d’autres lieux d’autres moments monuments de l’éphémère le rêve reprend ses droits vers d’autres achèvements vers d’autres rôles de passeurs du vivre et du feu.

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rédaction

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