Question de saison/de raison (aussi brûlante que la météo). Dans une démocratie, qu’est-ce qui est le plus inquiétant : la déroute d’une bande de mercenaires-qui-ne-connaissent-pas-la-crise-économique ou la collusion entre les sphères de la politique et de la finance – qui ne connaissent pas cette crise non plus ? À quoi faut-il réagir d’urgence ? Quand de concert les dominants crient haro sur la presse numérique, une conclusion évidente s’impose : si nous voulons encore une presse indépendante, soutenons MÉDIAPART – par nos paroles, nos actes et nos abonnements.
Avant la pause estivale (de la semaine prochaine jusqu’à la seconde quinzaine d’août), votre programme LIBR-CRITIQUE : diptyque sur Tête au carré de Manuel JOSEPH (présentation de Fabrice Thumerel et article de Sylvain Courtoux) ; Opération Libr-vacance (sont attendues demain soir au plus tard les dernières réponses à cette petite enquête : Que prévoyez-vous de lire/voir/écouter durant ces vacances ?) ; Journée spéciale Revues.
Pour ce soir : Olivier CADIOT au Festival d’Avignon 2010, Libr-brèves d’Avignon et LIBR-VACANCE (LC a reçu, est en train de lire et recommande : Boutibonnes, collectif en hommage à Michel Deguy et Novarina)… /FT/
Olivier CADIOT au Festival d’Avignon 2010
► Un mage en été, P.O.L, parution en librairie le 26 août 2010, 158 pages, 19,50 €, ISBN : 978-2-8180–0478-4.
Un mage en été est une fantaisie texte/image qui revêt parfois des accents michaldiens – et indubitablement critiques : "Et puis les gens sont habitués aux trafics d’images. La moindre publicité pour EDF est plus invraisemblable que Nadja. Le moderne c’est déjà vu. Tout le monde connaît ça, partout, avec les petits interludes qui servent à rafraîchir le cerveau, ardoises magiques que l’on propose partout, sur des écrans, dans les salles d’attente des hôpitaux, avec les livres portables et les nouvelles tablettes de cire électriques. […]. Ça sert à habiller les choses qu’on veut vendre en masse" (p. 17-18)… /FT/
Spectacle de 1H30 à l’Opéra-Théâtre : à 18H, du mercredi 21 au samedi 24 ; lundi 26 et mardi 27 juillet.
Présentation : " Ce texte est une boucle. Il suscite des souvenirs et s’impose comme un retour aux origines. Celles d’un trio qui se forme à la fin des années 90. L’écrivain Olivier Cadiot, le metteur en scène Ludovic Lagarde et l’acteur Laurent Poitrenaux inventent alors Le Colonel des Zouaves. Un incroyable objet scénique où la voix, les mots, les gestes et les postures d’un seul homme immobile valent mieux que mille personnages différents et toutes les courses folles à travers le monde. Avec Un mage en été, après trois spectacles élargis au collectif, le trio Cadiot-Lagarde-Poitrenaux retourne vers la forme, solitaire mais peuplée, du monologue. "Dans ce texte, précise l’écrivain, notre héros Robinson ne bouge plus. Il s’enferme, il ne construit plus des cabanes dans les arbres. Son île est intérieure, il devient l’archéologue de sa vie quotidienne." Une vie de mage, dont la boule de cristal se transforme en un outil de visions et de sensations à l’efficacité immédiate : ce qu’il voit, il le vit. L’eau s’écoule sur son corps, la nature l’environne, le savoir est à portée de main ; il saisit le monde, le visualise, le comprend. Ce qu’il en ressort est précieux : une forme de survie minimale par évocations libres, un trip proustien de madeleine concassée, une infusion lyophilisée d’hyperlucidité. Un spectacle qui se construit sur des flashes de vie quotidienne, sur des contes de faits vrais. La voix modulée et les gestes déployés de Laurent Poitrenaux, la luminosité contrastée du regard de Ludovic Lagarde, l’écriture en relief d’Olivier Cadiot : l’accumulation des données fait de ce mage l’un des outils de perception les plus performants qui soit. Comme une machine qui aurait un corps, une technique qui aurait de l’esprit. " /ADB/
► Gymnase Gérard Philippe, Un nid pour quoi faire (P.O.L, 2007), spectacle de 2H15 : du dimanche 11 au mardi 13 à 22H ; du mercredi 14 au dimanche 18 juillet, à 17H.
"Cour royale en exil à la montagne cherche conseiller image, chambre tout confort dans chalet atypique, artiste s’abstenir." Telle est l’annonce à laquelle répond Robinson, héros du roman d’Olivier Cadiot que Ludovic Lagarde et la troupe de la Comédie de Reims portent aujourd’hui sur scène. Et voilà Robinson projeté dans un improbable royaume, régi par une Majesté déjantée, drôle et cynique à souhait. Chez ce monarque de droit divin, dans son chalet-château de sports d’hiver, tout est mis à mal par les pressions inhérentes à la vie contemporaine. La cour est en ordre de marche, menée par une maîtresse à la main de fer gantée de cuir, régentant le petit personnel tout en rêvant aux séries américaines. Mais tous les sujets sont tendus, plutôt tordus, entre le service traditionnel de sa Majesté et leur place – sinon leurs fantasmes – d’hommes et de femmes d’aujourd’hui : le chambellan fait de la luge et se prend pour un commercial, le grand écuyer chevauche des bobsleighs et dessine des logos, le docteur royal pratique la médecine douce, les princesses de sang portent des robes roses tout en s’inventant des destins d’executive women. Au milieu de cette cour aussi surannée que technoïde, Robinson, personnage-fil rouge des romans d’Olivier Cadiot, promène ses pensées extra-lucides et ses rapprochements surprenants. Il y cherche un nid, mais trouve surtout une principauté de comédie, saisie par le délire quand ce n’est pas la débauche, où la tyrannie se mesure centimètre par centimètre à la hauteur des fauteuils, où le pouvoir fait de l’œil à la communication et le système de la cour hésite entre la farce bouffonne et les portes qui claquent d’une pièce de boulevard. Pourtant, qu’on y fasse attention : les éclats de rire sont meurtriers. Ce roi, ces courtisans, cette langue de la flatterie comme de la satire, ces envies entre loisirs et culture de masse, cette cour lorgnant vers la gouvernance d’entreprise, c’est ici et maintenant ! /ADB/
► Déchiffrage (lecture-conférence d’une heure), École d’Art, dimanche 18 juillet 2010 à 23H.
"Olivier Cadiot a choisi de se replonger dans l’un de ses premiers textes : Futur, ancien, fugitif. Un livre qui se présente comme une anthologie de genres, regroupant poèmes, installations plastiques, fausses partitions, correspondances réduites, chansons, listes, index, litanies, télégrammes, dialogues de théâtre et bien d’autres choses encore. Une matière foisonnante dans laquelle il nous guide, alternant temps de lecture, interprétations et improvisations libres sur les chapitres les plus graphiques, sans oublier quelques déchiffrages à la volée de pages manuscrites. Au milieu des archives légendées de son œuvre, Olivier Cadiot choisit, fait passer, commente les images et nous entraîne, au fil de sa pensée, dans les méandres de sa fabrique de textes."
Libr-brèves d’Avignon…
► Christophe FIAT, Laurent Sauvage n’est pas une walkyrie, Jardin de la Vierge au lycée St Joseph, 18H, du lundi 19 au mercredi 21 et du vendredi 23 au dimanche 25 juillet.
"Je suis à la recherche d’un acteur capable d’être le narrateur d’une épopée culturelle sans précédent dans l’histoire de l’Europe. L’épopée d’un homme aussi illustre que Jésus ou Napoléon : le compositeur Richard Wagner. Cet acteur s’appelle Laurent Sauvage pour des raisons d’état civil. Je ne veux pas qu’il fasse un récital poétique ni une lecture dramatique. Je veux le mettre en scène de façon à ce qu’il conjugue sang-froid et humour dans une posture hiératique. Je veux que son rôle consiste à placer son corps dans un texte que j’ai écrit spécialement pour lui, en touchant à la limite de la culture de masse inspirée du rock. Corps électrisé, corps amplifié, corps exagéré mais aussi corps viril, de genre masculin, dont la voix convoque l’esprit de Wagner, évoque sa vie sentimentale avec sa femme Cosima, et provoque en direct une walkyrie."
► Et aussi : Josef Nadj, Jean Lambert-Wild, Christophe Huysman – que nous connaissons bien dans la région de Lille… Lectures : Guyotat, Heidsieck… Voir le programme.
LIBR-VACANCE : LC a reçu, est en train de lire et recommande…
► Philippe BOUTIBONNES, Le Beau Monde, éditions Nous, juin 2010, 168 pages, 14 €, ISBN : 978-2-913549-45-6. Dans l’immédiat, on lira avec intérêt la chronique de Bruno Fern sur Sitaudis.
► Collectif, Le Grand Huit : pour fêter les 80 ans de Michel Deguy, Le Bleu du ciel, été 2010, 256 pages, 20 €, ISBN : 978-2-915232-66-0.
Comme toujours, ce genre de volume n’échappe à l’ennui des hommages que dans la mesure où certains de ses contributeurs tentent dans leurs textes (ici, poèmes, lettres ou analyses théoriques/ critiques en français, anglais ou espagnol) de prendre quelque hauteur et/ou de faire acte de création propre… Ce qui est le cas, entre autres auteurs de ce recueil, de Barbara Cassin, Yves Charnet, Jean-Patrice Courtois, Jean-Marie Gleize, Patrick Hochart, Laurent Jenny, Hédi Kaddour, Xavier Papaïs, Jean-Claude Pinson, Jean-Yves Pouilloux, Tiphaine Samoyault – dont on méditera la conclusion : "La vie nouvelle implique d’avoir rejoint un temps plus ancien, contretemporain" (p. 232). /FT/
► Valère NOVARINA, Devant la parole (1999), POL, réédition poche, juin 2010, 192 pages, 7 €, ISBN : 978-2-8180-0491-3.
L’édition de poche va enfin permettre d’étudier en cours et/ou de rendre plus accessible ce texte fondamental qui développe une conception spirituelle du verbe poétique et mystique/comique du théâtre : de l’opérette, de la scène, du théâtre kénotique… [En attendant la chronique complète sur Devant la parole, on pourra relire mon article sur son théâtre carnavalesque]