Jean-Louis Costes Grand-Père, éditions Fayard , isbn : 2-213-62553-0, 323 pages, 18 €.
4ème de couverture :
Garnick est né en 1900 dans une famille arménienne. Pour son petit-fils, qui le subit avec dégoût, c’est un « clodo, une merde ». Pourtant, quelle vie ! Pour la saisir, il faut remonter à la révolution bolchevique : les Rouges ont massacré sa famille. Resté seul, le jeune Arménien rejoint les « Cosaques bouffeurs de cocos ». Commence alors une cavalcade aventureuse à travers l’Europe, l’Afrique du nord et la Guyane, à travers un monde où l’innocence finit toujours les tripes à l’air.
Grand-Père est l’histoire d’un homme plongé dans la barbarie, mais racontée avec une force évocatrice et une drôlerie décapante qui sauvent le désespoir. On pense à du Mac Orlan secoué, du Cendrars explosé, du Céline ivre. Poisseux de sang, débordant de violence, sans aucun répit.
Costes s’inspire du fracas de wagons qui déraillent plutôt que du chant des oiseaux. Il en sort une musique inconnue, terrible, étourdissante.
Figure de l’Underground, Jean-Louis Costes est connu pour ses opéras pornos-sociaux, des performances crues et violentes qui ne respectent aucun tabou. Sans rien renier de sa rage, il fait une entrée fracassante dans la littérature avec ce roman en partie autobiographique.
Premières impressions :
Tout d’abord une mise au point par rapport à ce que dit Fayard, ce livre n’est aucunement une entrée dans la littérature, au sens où Costes a déjà publié aux éditions Hermaphrodite VIVA LA MERDA, roman-synopsis hallucinant qui décrypte par sa scato-narration le nihilisme qui touche la dimension politique provinciale et les inter-relations humaines qui le fonde. Avec Grand-Père, il est vrai que c’est un autre travail qui apparaît. Plus littéraire, même s’il est vrai que Jean-Louis Costes n’appartient aucunement à la dimension de la littérature contemporaine ou expérimentale. Dès lors on pourrait nous demander pourquoi nous en parlons : tout simplement parce que sur le fond, Costes appartient bien en effet d’une certaine manière à la modernité de la littérature, par son travail de performances, de chanteurs/poètes, par sa liaison avec des plasticien(nes) comme Anne Van der Linden. Tel que pouvait le signifier Jourde, renvoyant sur les bancs de l’école certains jeunes auteurs, il ne suffit pas de transgresser la syntaxe et les syntagmes pour faire oeuvre et être moderne. Ceci étant dit le livre de Costes, derrière un style facile d’abord, qui ne ressemble aucunement malgré la 4ème de couverture à du Céline, est très agréable à lire et assez percutant. Il peut permettre à un public qui ne pourrait supporter ses performances (pourtant si esthétiquement parfaites dans leur violence) d’aborder l’oeuvre d’un de nos contemporains essentiels. En effet, par ce récit souvenir, il donne accès à l’analyse de la morbidité et du nihilisme du monde et d’autre part à la genèse de son obsession pour la scatologie. Car rien ne reste indemne. Toutes les valeurs sont montrées dans leur monstruosité : le monde est un immense camp de la mort, où la liaison entre les hommes n’est aucunement l’amour (pauvre utopiste) mais bien plutôt la haine : raciale, politique, géographique, sociale, familiale, sexuelle. Il l’écrit : « même dans le dégueulasse, y a une logique » (p.177). Costes nous donne donc à lire un livre véritablement humaniste, de cet humanisme (comme je l’ai thématisé dans Poéthique de l’amitié — qui vient de paraître aux éditions Trame-Ouest) de Rabelais, de Machiavel, de La Boétie. Certainement pas de cet humanisme vicié empli de bons sentiments. « Tant qu’il y aura des hommes, il y aura des vices » écrivait Spinoza, et c’est bien ce qu’apprend et nous enseigne jean-Louis Costes par ce trajet temporel et géographique de son Grand-Père, de ce Grand-Papa, plus super-héros à laisser des cadavres derrière lui que super merde, plus professeur par le caractère scato de la merde qui lui colle à la chair que super-clodo sans saveur.
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