[News] News du dimanche

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mai 20, 2012
in Category: Livres reçus, News, UNE
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En attendant la sortie ce mercredi du très attendu Témoignage de l’objectiviste américain Charles Reznikoff (P.O.L) et de retrouver Libr-critique ce jeudi lors de la Rencontre "La littérature hors les livres", découvrez l’époustouflant dernier recueil de Christian Prigent, La Vie moderne, ainsi que la réédition de Plateau, de Fred Griot – qui sera également présent à Lille ce jeudi 24 mai 2012. /FT/

Livres reçus (FT)

► Christian PRIGENT, La Vie moderne, P.O.L, mai 2012, 150 pages, 12 €, ISBN : 978-2-8180-1652-7.

Présentation éditoriale. Dans les "langes" des "coupures de journaux", disait Blaise Cendrars, nous arrive "le bébé aujourd’hui". Le corps de ce bébé est sanguinolent. Il faut le prendre avec des pincettes. Les signes tatoués sur la peau dont il est vêtu sont aussi très difficiles à comprendre : la vie moderne, telle qu’elle nous tombe dessus dans "l’actualité" est alternativement désopilante et effrayante. Elle est surtout énigmatique.
Les poèmes de La Vie moderne voudraient évoquer quelque chose de ce monde à la fois dérisoire et meurtrier, dans sa présence égarante. Ce sont des "satires", dans la tradition de Juvénal : à leur façon, elles veulent "châtier les mœurs". Mais dans une version formellement "moderne" et délibérément bouffonne. Et pour dire au bout du compte davantage une stupéfaction qu’une colère. La plupart des poèmes ont été confectionnés à partir de ponctions (cut up) dans le quotidien Libération. Ces bribes ont été ensuite rythmiquement retravaillées et figées dans des sortes de vignettes condensées, cadrées et régularisées : à chaque fois, trois quatrains en vers impairs et régulièrement (quoique parfois acrobatiquement !) rimés.
Le livre est organisé comme un journal quotidien. Il en reprend les rubriques : société, politique, santé, sports, sciences, gastronomie, météo, mode, culture… Au bout du compte : une sorte de revue, ou de tableau synthétique, de la "vie" telle que chaque matin elle nous donne de ses nouvelles dans les pages de nos journaux.

Premières impressions. Mardi dernier est sorti en librairie le dernier recueil du poète reconnu, que l’on peut aborder à la lumière de Salut les modernes (P.O.L, 2000) : journal dont les rubriques permettent de tremper à l’acide satirique du langage poétique les chromos contemporains ; ce nouveau "peintre de la vie moderne" vise à suggérer le spectre du présent, l’âme de l’époque, c’est-à-dire une évaporation critique de "la vie moderne"… Mêlant cut-up et carnavalesque, il procède à la dé-figuration du magma d’actumonde" (9) à coups d’inventions verbales (calembours et à-peu-près, mots-valises, macaronismes, anglicismes…) et de courts-circuits signifié/signifiant… Arrêtons-nous un instant sur cet arc électrique que l’on appelle "phrasé" : interjections, onomatopées, télescopages et homophonies diverses (assonances et allitérations, paronomases) créent un drôle de sabir, une langue speedoralisée  qui transporte l’esprit et le sens. Un exemple, concernant les mystères de l’univers :

"Plus nu que votre nu ? Non : après c’est la radio
Et la tomographie sous position hot
Des positrons. D’où tractroumatisme (oh ! oh !)
Motérialisé (ah ! ah !) au bout du speed spot" (89).

► Charles Reznikoff, Témoignage. Les États-Unis (1885-1915), P.O.L, 23 mai 2012, 576 pages, 19 €, 978-2-84682-096-7.

Présentation éditoriale. Charles Reznikoff (1894-1976) était avec Carl Rakosi, George Oppen et Louis Zukofsky un des quatre poètes du courant dit "objectiviste" américain, qui commencèrent à publier, de manière confidentielle, dans les années vingt du siècle dernier. De Charles Reznikoff ont été publiés en France, Témoignage, Les États-Unis, 1885-1890, un fragment du présent volume (Hachette/P.O.L, 1981, traduction par Jacques Roubaud), aujourd’hui épuisé ; Le Musicien, roman (P.O.L, 1986, traduction par Emmanuel Hocquard et Claude Richard) ; Holocauste (Prétexte, 2007, traduction Jean-Paul Auxeméry).
Dans un entretien publié dans Contemporary Literature,  Charles Reznikoff, pour décrire sa démarche, citait un poète chinois du XIe siècle qui disait : "La poésie présente l’objet afin de susciter la sensation. Elle doit être très précise sur l’objet et réticente sur l’émotion"… Sans doute n’est-il pas inutile, aujourd’hui, de présenter avec Témoignage. Les États-Unis (1885-1915) une des illustrations les plus complètes et convaincantes de ce programme.
Témoignage. Les états-Unis (1885-1915) est une vaste fresque pour décrire l’entrée des états-Unis dans l’ère moderne à travers la restitution minutieuse et la mise en forme de rapports d’audience de tribunaux amenés à juger aussi bien de conflits de voisinage ou de succession que d’accidents du travail ou de faits divers atroces.

Fred GRIOT, Plateau, quelque chose d’autre que de la littérature. Notes pour la bouche sur scène, éditions MaelstrÖm ReEvolution, Bruxelles, coll. "Bookleg", 2012, 28 pages, 3 €, ISBN : 978-2-87505-113-4.

Contrairement à la quasi-totalité des éditeurs, MaelstrÖm ReEvolution ne craint pas d’avancer : "que les livres circulent… la photocopie ne tue que ce qui est déjà mort…" Il faut dire que le propre de cette collection est de mettre à la disposition des passionnés "des livres de l’instant – livrets de performances, rééditions de poche d’un livre que nous affectionnons"…

Très bonne idée, donc, que de nous proposer en version papier la "science de gueule" que Fred Griot avait publiée en 2008 sur Publie.net.

Car, contrairement à bon nombre de "poètes" qui cèdent aux sirènes des lectures publiques, Fred Griot ne tombe pas dans le piège de l’application à bien-dire, du travail propre-et-net, du "joli ton d’une lecture toute intentionnée". Pour que ça parl, il faut laisser la cervelle au vestiaire… Et pour que ça parl, faut que ça déparle. Sa poétique : l’in-carnation de la lang dans la parol – une parol carnée (la "pâte-mot"). C’est dire qu’il s’inscrit en droite ligne de Novarina, de Prigent et de Tarkos.

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rédaction

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