" Nous ne serons jamais assez sévères avec ce qui est, nous aurons toujours trop de pitié, d’indulgence, pour ce qui est, chaque élément d’une époque insignifiante et médiocre doit être combattu point par point, pied à pied […]. "
"Il est bon d’écrire à une époque où la littérature a disparu : ainsi, il n’y a aucune ambiguïté sur les motivations de cet acte" (Mathias Richard, Machine dans tête, 2013, éd. Vermifuge).
Ces phrases extraites du dernier livre de Mathias Richard méritent d’être mises en exergue, puisque emblématiques de la position même de LIBR-CRITIQUE.
En ce premier dimanche de février, après la présentation des livres de la semaine (Mathias Richard, Machine dans tête, et François Matton, 220 satoris mortels), on notera les rendez-vous avec Christophe Fiat (POETRY) et on découvrira le projet en cours de Didier Calléja ("Puberté-Liberté-Sécable").
Livres de la semaine /FT/
► Mathias RICHARD, Machine dans tête, éditions Vermifuge, 2013, 192 pages, 20 euros, ISBN : 978-2-917826-17-1.
Inventer une machine scripturale pour capter tout ce qui nous passe par la tête, ce "trou dans lequel tombe tout ce qu’il y a autour" – cette "tête humaine" qui "implique une déterritorialisation par rapport à l’animal"… (Et si, pour en finir avec l’ennui de soi, l’on pouvait "passer d’une tête à l’autre comme l’on joue aux dames, à saute-mouton"). "Ecrire pour écrire. Ecrire pour se fabriquer des armes et des vertiges, écrire pour s’exploser la tête, être partout à la fois, être traversé par des vents psychiques, glisser sur des toboggans en vingt dimensions. L’écriture n’est pas un art artistique, l’écriture est un art martial psychique". Avec Machine tête, nous remontons à un projet nettement antérieur au Manifeste mutantiste.
Ce journal mental qui comporte en appendice une liste de références musicales est un road novel, un texte classico-rocky-punky dont les circonvolutions rythmiques, le phrasé même et les inventions verbales donnent souvent le vertige : "veux du speed pur en rab, veux du speed pur en barres, en barres-barres dare-dare, eh ouais connard, encéphalo zéro, en ville comme au zoo, chuis un placard, un tocard au radar, Babar bobards, brum brum, un barbare au dard crade en rade dans le bar hagard des crabes sad…"
► François MATTON, 220 satoris mortels, P.O.L, en librairie ce jeudi 7 février 2013, 18,50 euros, ISBN : 978-2-8180-1758-6
Présentation éditoriale. 220 satoris mortels : un livre qui serait l’envers de toute histoire. Pas de personnage identifiable, pas de narrateur, pas de récit linéaire. Et pourtant : des visages, des corps, des situations, des moments de crise, du désir, et même du suspens (que se passe-t-il au juste ? chance ou malchance ? dans quel sens tourne le vent ? comment cela va-t-il se finir ?). Des instants se succèdent qui sont autant de basculements dans l’espace indistinct qui se tient à l’arrière-plan de toute histoire.
Succession de micro expériences verticales, moments de repos infini ou d’angoisse, collection d’instants charnières où le temps et l’espace semblent se jouer de nous.
220 bascules dans l’ordre des jours et le désordre des affects ;
220 pertes de soi pour une plus grande présence de tout ;
220 faux souvenirs, comme autant de trouées au travers de la perception familière ;
220 occasions d’ajouter d’autres vies à la sienne ;
220 opportunités de dénicher de nouvelles dimensions en germe dans le pathos terreux de la dépression ordinaire ;
220 façons de s’en sortir contre toute attente, quand il ne semble plus y avoir d’issue possible.
Pour cela le dessin (central) forme une clé au même titre que le texte (minimal). De l’un à l’autre, du dessin au texte et du texte au dessin, ce qui se joue est la possibilité de lier toujours différemment ce qui n’a initialement pas vocation à l’être. Et, partant, de délier certaines attaches où l’on se laisse si facilement attraper si l’on n’y prend garde.
Premières impressions. Ni joycienne, ni proustienne, l’extase est ici plongée dans l’immanence, et non plus accès à la transcendance : un satori est une "suspension du cours des choses. Une suspension du sens de tout. Vertige. Une perte de soi pour une présence de tout"… Suivent 220 stases circonstancielles, constituées d’un texte anaphorique ("Quand…") accompagné d’un dessin stylisé : "Quand l’ombre redonne à tout le frisson des premières fois"… "Quand un volume simple repose de tout le bruit du monde"… "Quand ça pourrait très bien barder au premier mot déplacé"… "Quand tout l’éclat du monde se concentre sur un seul point"…
POETRY avec Christophe FIAT
► Samedi 9 février 2013 à 18h30, FESTIVAL ISLAND # 2 au CNEAI (Centre National Édition Art et Image)
Île des Impressionistes 2 rue du Bac 78400 Chatou
► Dimanche 10 février 2013 à 17h : Concert au MACVAL (Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne)
Place de la Libération 94404 Vitry-sur-Seine
À la guitare électrique, Christophe Fiat, écrivain, auteur de pièces radiophoniques, dramaturge.
À la batterie électronique, Nicolas Fenouillat, plasticien et musicien.
Les textes de POETRY sont autant de haïkus enflammés qui radiographient la société contemporaine (la guerre en Afghanistan, la robotique, le féminisme, les faits divers…), les mythes culturels (Sade, Shakespeare…).
Les mélodies, pulsées à la distorsion, sont soutenues par des rythmes abruptes, syncopés et répétitifs provoquant un effet de transe et d’hallucination psychédélique.
Didier Calléja, Puberté-Liberté-Sécable
► Voici comment Didier Calléja décrit son nouveau projet : "Le projet PORNO D2CAL2 (titre en cours) m’est venu tout d’abord en me disant que ça fait trop longtemps que je ne vois plus beaucoup d’auteures dans les festivals de poésie et performance dans lesquels je suis invité, qu’il y a beaucoup de vieux croûtons et quand certaines femmes écrivent des choses, c’est souvent comme des hommes… alors je me suis "poésé" la question qu’est-ce qu’une parole & une écriture féminine sans conditionnement de l’autorité machiste ? et que pourrait-on écrire, car je reste dans l’expérience de l’écriture avant tout ? j’ai pensé au sexe, car cela pourrait être une façon de se libérer du verbe, de la tyrannie des mots, comme se libérer des dogmes et des croyances (religions, capitalisme…), une bonne façon de voir les choses différemment… j’ai commencé un peu à écrire de cette façon, par l’intermédiaire des violences faites au sexe mais aussi de son plaisir et du désir. J’aimerais, avec d’autres artistes, organiser à Paris une ou plusieurs soirées sur ce thème."
Lire-voir Puberté-Liberté-Sécable : ici.