Par l’auteur du Cantique de la paranoïa, les cantiques de la bienséance 11 et 12 : avec son ironique agencement répétitif, cette série s’avère tout aussi décapante. [Lire la précédente livraison]
[11]
Gardez vos haines vos secrets de famille vos hontes tous vos inénarrables dans des boîtes en carton entassez par-dessus vos morts et ceux que vous rêvez de même traversez dans les passages cloutés acceptez les compliments même lorsque vous savez n’en mériter aucun ne doublez pas par la droite ne prenez pas les vessies pour des lanternes tenez la broderie pour un acte de foi mâchez le temps nécessaire soyez toujours dans le sens de la marche à bord des trains ne jetez pas d’oeillades au contrôleur fût-il un très bel homme faites comme si vous n’aviez pas remarqué ce moignon dès la première seconde ayez de l’honneur à défaut d’avoir de la grâce ne jetez pas vos poubelles par les fenêtres ne crachez pas au visage des inconnus méprisez les commerçants qui ont votre pratique avec discernement en toute situation voyez comment vous en tirer avec toutes sortes d’honneurs cela sera votre châtiment.
[12]
Ne lisez pas entre les lignes rendez les armes dans l’état où vous les trouvez marchez avec prudence même dans les lieux les plus familiers ne portez ni barbe ni moustache ni rien qui cache votre visage et votre sourire évitez les excès de sel ne poussez pas les vieilles personnes dans le caniveau même lorsque vous en mourrez d’envie il est mal vu d’arracher les pages des livres à la bibliothèque ne froissez ni vos amis ni vos ennemis ni vos draps n’imaginez pas le pire les fruits se pèlent au couteau les huîtres ne s’ouvrent pas au marteau faites comme si personne n’avait de corps puant ne vous pendez pas par la fenêtre ne montrez pas les passants du doigt ne poussez pas dans la file ne sautez pas le portillon ne rongez pas vos ongles ou alors jusqu’au sang.