Stalker
“L’art ça serait l’endroit où c’est possible ça.(…). De ne pas dérouler ce qui va se passer avant que ça se déroule. De faire ce qu’on ne sait pas qu’on va faire ni même qu’on fait”, peut-on lire dans l’article inaugural du n° 8 (octobre 2005), “vlan 1”, signé “adel so”, qui fustige cette dérive consumériste transformant l’oeuvre en produit financé et “conçu à partir d’un Projet Pour qui Pour quoi Pour où”. Et, si l’on adopte cette perspective, la revue trimestrielle Stalker relève effectivement de l’art, puisqu’elle privilégie le faire : anthologie de valeurs sûres (Federman, Pennequin…) et d’auteurs moins connus -mais qui méritent de l’être, tels Julien d’Abrigeon,Antoine Boute et Thierry Rat-, inventaire collectif de matériaux bruts, comme beaucoup de jeunes revues qui refusent tout systématisme théorico-didactique, elle ne contient ni sommaire, ni éditorial, ni mode d’emploi, ni ligne directrice_ ne fût-ce que thématique _, ni article critique, ni note informative, ni présentation des auteurs… Et comme toute publication actuelle qui se respecte, elle offre un CD en bonus depuis le numéro 2 : de “vestibule #1” à “vestibule #5”, ce sont des compositions sonores et des lectures enregistrées qui, sans être dépourvues d’intérêt, manifestent hélas un éclectisme d’autant moins acceptable que fait défaut une articulation intermédia.
Dès les premières livraisons, cet objet littéraire lancé par les éditions du Caillou ( nouvelle adresse?), avec pour responsables Estelle Fialon et Stéphane Collin -qui vient d’autres horizons (rock, cinéma, video)-, se réclame du cinéaste d’avant-garde Andreï Tarkovski. Profitons de l’une des rares déclarations dont on dispose: “Dans le film, il s’avère que la tâche du Stalker (le personnage principal) est moins de guider les gens dans la zone (un espace interdit et hostile au sein duquel se trouve la Chambre des Désirs) que de les ouvrir à la zone, donc à eux-mêmes”. Toutefois, conformément à son nom anglais, Stalker est pour le moment plus suiveur qu’ouvreur… En témoigne le dernier numéro de 2005, qui regroupe quelques composantes scripturales et artistiques de la (post-)modernité: l’excrémentiel, le ligneux, le pâteux, le surfacial, l’écriture théorématique (façon Espitallier), la boucle, la liste…
On suivra le devenir de cette revue, car il faudra assurément un peu de temps pour que certains poètes et performeurs se démarquent de leurs aînés, tels Arno Calleja et Fabrice Cesario, trop proches de Tarkos.
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