En ce jour où commence la Prise de la Belleville (Libr-@ction – 3), on lira/écoutera (et quelle mise en voix !) ce texte fort de Didier calléja qui, après Georges Perec et à sa manière, nous invite à méditer sur le pouvoir subversif du sommeil : contre la catastrophe de la vie, je dors… et si c’était le meilleur moyen d’être acteur dans ce monde de productivité/efficacité/rentabilité ?
Je dors. Je ne sais pas pourquoi je dors. Peut-être pour oublier de vivre. A dormir : on vit peut-être plus dans la vie que dans la mort. Peut-être que c’est une petite mort de la vie dans le sommeil. Je dors. Je ne sers qu’à dormir. J’ai toujours rêver comme tout le monde de ne plus vivre mais pas de mourir. Juste crier dans les rêves parce que crier dans la vie ne se fait pas. Dormir c’est sain. Dormir ne dérange personne. Il suffit de dormir pour voir que tout le monde s’en fout… Ils disent : « Laissons-le. Il dort ». Alors dormir c’est sain. Çà ne dépense pas une tune. Ça ne violente personne. On ne regarde pas la télé quand on dort. Juste son propre film. Il passe et il repasse toujours différent. Le film qui passe quand on dort ne coûte rien. Il n’exclut personne. Il en invente des gens. Des filles. Des gars. Toujours en accord avec le rêve même s’il y a des morts. Le rêve les fait revivre. Il n’exclut personne. On est spectateur et en même temps acteur de son propre film. On se voit dedans sans interférences. Sans autre référence que sa vie passée. Le rêve invente le futur même pas imaginé. On vit pour dormir 90 % de la vie. Dormir c’est ça être vivant : pouvoir dormir sans gêner personne dans un lit ou dans la rue. Dans la rue dans le lit personne ne nous entend crier. La mort de l’autre comme une libération pour soi. Comme si on avait été moins… on aurait pu vivre mieux. Les morts on les considère bien. On les envoie dans les fleurs à morts. Ils ne vieillissent pas : on les entend encore quand ils sont morts. Qu’on est usagé. Qu’on a plus court. C’est pas fini l’usage – l’usinage dans la mort ! Surtout quand ils sont morts ! On garde d’eux le mieux de la vie dans la mort. On se cercueille d’eux on se sert d’œil-de-mort pour voir la mort par le tout petit trou de la vie qui meurt. Alors on meurt. On se meurt. Tout seul. Pour essayer de vivre. D’autres grandissent. Certains vieillissent. D’autres encore n’arrivent même pas à l’âge de deux ans. Vivre c’est fatigant c’est douloureux. Çà atteint les nerfs de mourir en vie. La vie c’est un monstre qui mange tout de la vie. Tous les jours. La vie c’est une catastrophe. Il n’y a rien à manger en soi. Faut s’acheter du pognon au prix de l’esclavage. On est lobotomisé par la vie par la morale et les devoirs. Les déviances sont interdites. On nous suspend. On nous enferme. Il n’y a plus rien de la vie dans l’isolement. Plus rien de la vie dans la souffrance. Plus rien de la vie dans l’enfermement. Mais il est trop tard pour mourir. Parce qu’on vit plus alors quand on est enfermé suspendu au-dessus de la vie. Alors vaut mieux dormir. Garder ses idées. Regarder SA télé. Dans SES rêves. Dedans qui défilent les images. Pour SOI. Pour laisser le reste couler des vagues perler le long de ses joues. Pour se sentir déjà des larmes. C’est pas mal déjà. C’est pas si lame de rasoir que ça quand on sait qu’une lame peut servir à raser le rasoir dans le tranchant de la réalité de la vie. La lame est une trouée dans la réalité. Il faut trancher : alors dormir ou vivre ? Il n’y a pas le choix. Pour rester un tant soi peu. Un tout petit temps. Presque rien de temps. Car tout bizarrement s’annule tout le temps. S’annule tout le temps comme il faut toujours tout recommencer comme des enfant à qui il faut dire tout le temps la même chose. Qu’on n’arrête pas de ressasser toujours la même chose. Que le bonheur est un truc qui se ressasse. Qui se repasse. Bonheur rapace dans le tranchant du bec : troue le ventre. Comme un film. Jamais acquis. Qui ne sort pas de la bête. Un truc qui tourne en boule qui fait boule qui fait tout bouler tout ce qui se dit en passant par les mêmes redites. De toute façon c’est toujours la même conclusion : il n’y a pas de sortie. Il n’y a même pas de porte. Juste une clé dont on ne sait pas comment la faire pénétrer. La clé n’est pas la sortie. Juste une sorte de talisman. Qui ne sert qu’à broyer le reste de sa vie à essayer de sortir pour toujours au delà de la vie au delà de la mort. Tant de temps à broyer tant de gens tant de cons tant de mots qui tendent vers un absolu de la mort : la mort verticale. A l’horizontalité de la mort : c’est de la vie couchée dans la mort allongée à dormir vers l’horizon à l’horizontalité. Il n’y a qu’une vie après tout quoi s’en foutre. N’y a t-il qu’une seule mort pour toutes ces angoisses ces enfouissements de peau de peu de soi pour rien ? En définitive pour rien! Tout pourrit à la fin ! Pour une seule fin! Quand tout s’arrête qu’il ne reste plus rien même la vie ne donne rien : elle épluche constamment millimètres par millimètres le peu de peau le peu de sang et d’eau qui reste à jaillir comme un infime espoir de voir jaillir quelque chose de quelque part. Comme si c’était possible : un jaillissement de soi. Une immolation pour se sentir au chaud dans sa dernière danse avec la vie. L’immolation verbale. Jouer au feu. Avec le feu. La flamme du « savoir se faire prendre d’être né ». Pris au piège. Prisonnier dès les premiers jours. Retour à la sale caboche défoncée par la fente. Retour au prépuce du trou. Jongler avec les ovaires. Les transformer au pire les voir jaillir. Les reformer. Réformer les ovaires. Transformer la vie comme seule et unique conscience d’exister. Un peu pour pas grand-chose. Juste un tout petit instant. Un petit rien qui se détend le long du fil du rasoir. Prêt de ce tranchant des veines. Prêt à se boire de son sang pour revivre indemne de la vie.
Du grand Didi tout en dit.
AH , la sieste de SETE, j’étais à rever en sieste à SETE tout éveillé et je r^vais, je dormais et donnait visite à pleins de gens, qui lme visitaient aussi à six ah le saucisses de SETE, les chaussettes de ce site… quel bô festival de rêve enerveillé, la sieste à SETE à ce là d’imprevu, que ça semblait plus vrai en dormant vivant qu’eveillé mort… Merci Fabrice…Fabrice…