Charles Pennequin, La Ville est un trou, suivi de Un jour (avec CD de la lecture d' »Un jour »), P.O.L, 2007, 192 pages, 18 € ISBN : 978-2-84682-191-9
Quatrième de couverture
Quelle est cette affaire de trou qui nous anime ? Quelle est cette ville ? et l’affaire d’y vivre. Pour y creuser soi ? Soi-même est absent de toute ville. Ou alors il est entravé par sa posture, muselé dans ses tics et ses trucs. Il ne revient à lui que par la bande, par tout ce qui a été prononcé et qui aurait pu rester dans l’air. Je vis dans la nature insupportable de l’homme, la ville est son trou, son milieu naturel. Et c’est là-dedans, dans le milieu de la parole non parlée et des gestes larvés et des violences télévisuelles et du patronat et de la bêtise comme culture nationale, que je vis. Dans ce trou-là, cette fosse sceptique de tout ce que les humains peuvent faire pour se débarrasser de la pensée. Et notre seul concept sera de tenter malgré tout d’y prendre l’air. Prendre tout. Dire tout et même son contraire. S’égarer dans le voisinage, emporter deux trois idées, traverser quelques histoires, en aimer quelques-unes, et quitter toutes les autres, jusqu’à occuper seul le terrain de l’angoisse. Le terrain de sa propre langue où tout est à faire.
Je fais de la poésie parce que demain je suis mort.
Premières impressions
La première bonne nouvelle est que « Charles Pennequin campe toujours un rôle de vivant jusqu’au prochain numéro (à suivre.) » (p. 81).
La seconde, c’est la parution aujourd’hui en librairie de son dernier livre, qui constitue bel et bien un événement. Non pas ce qu’on appelle un « livre-événement » dans le jargon du marketing : il ne s’agit pas ici d’une opération commerciale, mais d’une révélation capitale. C’est dire la puissance de cette méditation sur l’angoisse d’exister et d’écrire.
Exister : être-dans-les-discours-du-monde. Tout le problème est de passer du trou passif (être enfermé dans la ville comme dans « le blabla humain ») au trou actif (trouer le mur des représentations toutes faites). Au reste, Charles Pennequin reprend à son compte la problématique rimbaldo-prigentienne : « Nous ne sommes pas au monde, ça veut dire quoi ? le « nous », c’est quoi ? c’est quoi le monde ? » (p. 69).
Écrire, c’est justement vider la fosse commune du langage, évacuer les langues et « tous les mots de merde entassés » (p. 55). Tout le problème est de ne pas jouer à faire l’écrivain : « C’est l’emmerdement d’avoir à trier des mots, à rassembler des phrases, et à faire croire que tout ça a un sens » (p. 73).
Le pire, c’est que cet Agencement répétitif neutralisant (ARN) qu’est La Ville est un trou rend entêtant l’être-chiant de l’existence comme de l’écriture.
À cette histoire de trous fait écho Un jour, texte troué par excellence, litanie prosaïque constituée de mini-biographèmes et d’anti-biographèmes. Un seul regret : la monodie idiote du CD dure moins de quatre minutes. /FT/
à propos de « la ville est un trou » de Charles Pennequin, on peut en écouter l’interprétation sonore faites par l’auteur, avec les musiciens Yvan Etienne, et JF Pauvros, sur Marelle Radio de Pierre Ménard.
http://radiomarelle.blogspot.com/
Poésie sur écoute – épisode 67
« Dichte », la pièce de création radiophonique diffusé par France Culture le 17 avril 07.
http://horacio.oliveira.free.fr/podcastpierremenard240407.mp3