Avant même que de mettre en ligne la dernière partie du long poème inédit "A.R.N. _ Agencement Répétitif Névralgique_ voyou", parallèlement au Dossier Claude Favre, donc, voici la seconde collaboration entre l’auteure et Thomas Déjeammes [lire la première], qui a lancé le projet Dreamdrum en mars dernier. Sa photo grattée est accompagnée ici d’un texte à fleur de mots qui nous dit quelque chose d’essentiel : "trop près du corps mal à parler"… /FT/
vieille affaire & toujours des mots ne sont pas notre
langue n’est s’ils font bricoles flottent affaires de peu
qu’importe le panache pourvu qu’on soit gagnant
dents & or & nous contents on s’en remet à eux ad
libitum qui tournent dans les bouches tristes
anxieux tout de même de peu être si peu à querelle
on sent parfois qu’il y aurait à dire à n’être que trop
près du corps mal à parler & cette langue finissante
qui n’en jamais à toujours vieille affaire
de mots plaqués à nos peurs cousues de lettres pas
assez mortes mots jusqu’au sang creusés collés raidis
aux parois pharynx palais gorge larynx fortunes
& passages obligés pour quoi lèvres tuméfiées
mots poisseux aux entournures de quelle folie
nôtre se déguiser ainsi couler couture s’arracher la
pour qu’elle aille bon vent langue adieu qui n’est
pas notre langue de quoi adieu baveuses bouches
couvées des mots toujours de toi à moi même
m’aime pareil ça amer & parfois ça démange à
lacérer toutes coutures au vent de l’air entre les
mots de l’air la langue n’existe pas plus n’existe que
peau à la fin peau qu’à jeter en dépit du bon sens
arracher peau des mots jusqu’au sang pour
mots entournures de mal phrases & emboucher
vives langues grenues comme légères & souples de
très jeunes filles qui pressent le pas & riant
S’te peau est si,qu’elle,des fois,colle,et me porte et me mange dans les yeux,comme en creux,eau de vents,en deux dents!Vivent,les très jeunes filles,qui ribent,en belles et me charment d’or,car,elles aussi sont des perles qui pâturent dans ma langue,comme dans ces vieux bars,beaux,ou,raides comme à de premières noces,ébouriffées,tendues….cheveux mêlés,corps perclus,de leurs peaux,si lucides,suintent,déjà,comme pour mieux me mentir,les mots,crus,à plein jus,tout juste articulés,et qui me font,gouter,au pas,en corps suaves,ces odeurs naissantes que les mots portent en l’air,et de ne pas les voir,me dire aussi,pour ne pas y toucher,mumure,aime!
peau est un mot d’origine indo-européenne, avec des tas de détours, à y toucher on aime