[Chronique] Jean-Louis Sbille, De la machine à laver

[Chronique] Jean-Louis Sbille, De la machine à laver

décembre 19, 2013
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Jean-Louis Sbille, De la machine à laver

Déjà donnée en public – avec Maxime Moyaerts au piano -, la drôle de machine mise au point par Jean-Louis Sbille est présentée comme un "monologue philosophique post-moderne 100% pur vintage"…

Jean-Louis Sbille, De la machine à laver, monologue philosophique, Bruxelles, éditions MaelstrÖm, coll. "CompAct", #29, automne 2013, 42 pages, 5 €, ISBN : 978-2-87505-161-5.

"Il n’y a pas à dire, mais je me demande si, vraiment,
l’avenir du monde tourne encore et toujours autour du monologue
de machine à laver d’un vieux jeune resté jeune
et qui radote son bruit de fond…" (p. 34).

En ces temps de lavage de cerveaux et de lessivage par le travail, l’ingénieuse machine à laver de Jean-Louis Sbille s’avère des plus efficaces : elle décape, paradoxe, désintoxe, sel-minarise… Recycle la vie (cycle mémoire) : "Que de souvenirs bien repassés, rangés dans nos trous de mémoire !" (30). Dans la Cité ouvrière du Pays Noir, il y a d’abord les grands-parents, "Bobonne Bertha qui sentait le savon Sunlicht et bon-papa", qui "ont appris beaucoup de belles choses à l’école"… à 12 ans, le narrateur se taille un bel avenir de fonctionnaire à coups de latin et de participes passés… à 16 ans, sa révolte est labellisée Che Guevara… et à l’âge de la retraite, il arbore une belle-âme 100% écolo : "Ma génération a marqué notre époque parce que, aujourd’hui, nous trions nos déchets, respectons les papillons et les grands singes en voie d’extinction, et, de plus, nous mangeons bio et évitons le sel et les sucres" (22). Ah, la génération 68 : "Une génération jeune, born to be wild et immortelle" (33)…

L’autodérision n’est qu’un aspect d’une ironie qui s’attaque aux discours dominants. Soit la phrase : "L’amour est fun comme un paradis fiscal off-shore, fun comme un fonds de pension" (29). La contamination isotopique dévoile la domination de la sphère économique et financière. Si la machine nettoie/essore le vécu social, néanmoins son rôle ne s’arrête pas là. Elle propose encore un cycle progressiste : "Soyons convaincus : tout finit par aller mieux, même la mort" (11). Le progrès progresse assurément vers plus de modernité, et  notre avenir est de synthèse. Ce qui ne contrarie pas le pari sbillien : à chaque seconde, prendre le parti de la vie… Soit, pour une durée de vie moyenne, deux milliards et six cent millions de paris renouvelés.

Alors, sage celui qui a "vieilli à l’ancienne, sans lifting, sans Botox" (34) ? Suffisamment pour qu’on ne néglige pas son point de vie : "ces jeunes, qui  ont tout ce que nous, nous n’avions pas, et qui ferment jamais leur pot de Nutella, ils attendent quoi ?" (37)…

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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