[Chronique] Alain Cressan, Du jeu dans la lecture, par Bruno Fern

[Chronique] Alain Cressan, Du jeu dans la lecture, par Bruno Fern

novembre 22, 2014
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Alain Cressan, Du jeu dans la lecture, par Bruno Fern

Avec celui de Pierre Ménard, ce poster clôt une série démarrée en 2009 par les éditions Contre-mur. Alain Cressan – qui dirige la très discrète collection Ink – y présente la « version cartographiée » d’un texte paru initialement dans le n° 1 de la revue ligne 13 – qu’on aura intérêt à lire en parallèle.  

Alain Cressan, Du jeu dans la lecture, version cartographiée, éditions Contre-mur, Marseille, octobre 2014, 2 €, ISBN : 978-2-9547306-0-8.

 

Sur l’affiche couleur ivoire de format A1, ce texte est distribué en différents fragments diversement espacés qui ne permettent pas toujours des raccords syntaxiquement habituels et vont même parfois jusqu’à se chevaucher. Leur longueur et leur typographie sont variables et certains d’entre eux sont reliés par des lignes fléchées dans un sens ou aux deux extrémités. De plus, en haut à droite, figure une rose des vents où seuls deux points cardinaux sont désignés par une lettre : le nord par un H et l’ouest par un W, ces lettres étant très probablement les initiales des noms des écrivains dont les citations sont à peine lisibles en haut à gauche, Emmanuel Hocquard (« User des mêmes mots sera notre manière / de nous taire sans avoir l’air de laisser mourir / la conversation. ») et Ludwig Wittgenstein (la fameuse phrase « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. »). Citations que l’on suppose servir tout autant à orienter le texte qu’à créer entre elles un intervalle où il puisse se déplier, à mi-distance du silence et d’un usage singulier de la langue. Enfin, l’ensemble renvoie explicitement à une carte au trésor puisque, dès son origine (si l’on choisit de lire de haut en bas, malgré cette disposition éclatée qui tend avec raison à signifier qu’il ne saurait y avoir de terme à la lecture), est évoqué le célèbre roman de Stevenson, L’île au trésor.

Il faut donc trouver son chemin parmi ces ramifications, règle qui est d’ailleurs clairement précisée : « Les énoncés, comme la carte, constituent cet espace d’indécision dans lequel le lecteur doit tracer sa propre carte. » Entremêlant les citations d’auteurs (outre les deux mentionnés ci-dessus, on croisera aussi celles de Jacques Roubaud, Lewis Carroll et Éric Audinet) et les réflexions sur les rapports du texte et de l’image, Alain Cressan offre ici une forme qui correspond adéquatement à la complexité de ces mêmes rapports. Bien loin de certaines logorrhées à la mode, il y établit avec précision de multiples liens (essentiellement entre tout ce qui touche à la photographie, à la lecture et à la mémoire) qui reposent finalement sur deux sens du mot jeu, d’une part à travers sa dimension ludique (cette chasse au trésor que constituerait l’acte de lire), d’autre part dans la création d’une marge de manœuvre accordée au lecteur, « une tache blanche ou un trou noir : une distance, du jeu dans le processus » où, en perdant ses habitudes, il doit s’efforcer de voir autrement pour pouvoir jouer sa partie.

 

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rédaction

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