[Essai] Etre touché, sur l'haptophobie contemporaine, Bernard Andrieu

[Essai] Etre touché, sur l’haptophobie contemporaine, Bernard Andrieu

septembre 28, 2007
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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bandandrieu1.jpg Bernard Andrieu, Être touché, sur l’haptophobie contemporaine, collection NOO essai, ed. La Maison Close, 102 p.
ISBN : 978-2-915060-04-1. Prix :12 €
4ème de couverture :
Nous avons peur de toucher et d’être touché par les autres. Notre anesthésie interdit à notre corps toute sensation : tact, caresse, attouchement, effleurement, contact, proximité… Pourtant si intouchable, chacun se précipite dans une perte de contrôle de soi, une prise de risque inconsidérée, et un défoulement violent. D’autres pratiques corporelles avec les autres nous réapprennent à toucher…
Philosophe du corps et historien du cerveau psychologique, Bernard Andrieu est Maître de conférence habilité, en épistémologie, à l’IUFM de Lorraine et chercheur aux archives Poincarré, CNRS/Université de Nancy 2.

andrieu.jpgNotes de lecture :
Il paraît étrange de parler de ce petit essai sur Libr-critique.com, même s’il est vrai que nous sommes habitués à chroniquer aussi bien des essais d’esthétique, que de littérature ou bien de sociologie de la littérature. Cet essai sort de ces trois champs, au sens où il est une réflexion tout à la fois biologique, historique, sociologique et philosophique de notre rapport actuel au touch[é/er], au fait d’être touché.
Toutefois pour commencer à dépasser cette étrangeté nous pouvons faire un premier constat : la question du touch[é/er], de la peau, de la surface, non seulement n’est pas absente de la littérature et de l’art mais, elle peut même être un axe d’articulation problématique d’un certain nombre de recherches. Que cela soit exemplairement chez Paul Valéry, explicitant que « la peau » est ce qu’il y a de « plus profond dans l’homme » ceci entrant en résonance avec ce qu’écrivait déjà Nietzsche, ou bien l’art contemporain qui s’est appropriée de mille façons la peau et son contact d’Yves Klein et ses morphotypes à Grégory Chatonsky réinterrogeant le contact du touché dans l’oeuvre se toucher toi dans une reprise problématique de Godard/Heidegger [voir à ce propos son article sur la peau sur son blog].
En ce sens, le livre de Bernard Andrieu, s’il interroge la question des modalités du touch[é/er] dans la société contemporaine, en explorant la question des médiations visuelles et virtuelles, il peut être mis en parallèle des questions qui animent l’esthétique ou bien la littérature. En quel sens ?
Bernard Andrieu met en lumière, au cours de sa recherche les déplacements intentionnels qui caractérisent notre rapport au touch[é/er]. Ainsi, il montre que si pour une part, nous pouvons observer un retrait du touché physique corporel, et ceci à partir aussi bien d’éléments juridiques, sociologiques, le contact devenant atteinte, altération, violence/viol exercé sur le corps, d’autre part, selon les médiations technologiques actuelles permises aussi bien par la vidéo que par internet, nous voyons une forme de volonté de toucher autrui dans ce qu’il a de plus intime. En effet, par le biais d’internet entre autres, il est possible de voir, de toucher dans l’infinie distance qu’ouvre l’écran ce auparavant qu’il n’était pas permis d’observer, de toucher. Que se passe-t-il alors dans un tel processus ?

Ce qu’analyse Andrieu c’est le renversement de la logique du touch[é/er] et les paradoxes qui y sont reliés. Le corps, et sa surface n’ont jamais été autant protégés, autant sanctifiés. Il n’y a qu’à regarder le souci constant qui apparaît médiatiquement pour la peau, à travers la logique du temps. La société contemporaine quant à son rapport au corps prône le désir de l’intouchabilité de la peau, comme expression de notre être, et ceci ontologiquement à commencer par le temps.
Toutefois, à l’encontre de cela, certaines logiques de toucher se généralisent. Si Andrieu énonce parfaitement la question du toucher solitaire et des modalités contemporaines qui lui sont reliées (comme l’usage des sexe toys), toutefois, là où son analyse devient la plus intéressante, c’est lorsqu’il montre le renversement intentionnel de cette haptophobie au niveau des dimensions « virtuelles ». Loin de s’abstraire du toucher, l’individu peut s’élancer violemment, peut venir à toucher et être touché avec la plus grande violence : que cela soit par les images sexuelles qu’il peut voir, ou bien que cela soit dans la spectacularisation active et ludique du jeu [violence faite au corps]. Un tel renversement bien évidemment ne laisse pas indemne l’intentionnalité et son rapport à autrui. Ainsi, il explicite parfaitement que cette sur-exposition virtuelle au touché, vient renforcer justement l’haptophobie corporelle. En se sur-exposant à des formes de toucher extrême, au lieu d’un processus d’incarnation, de tangibilité du touché, ce que cela produit, c’est aussi bien une désincarnation du tactile (saturation de l’imaginaire : par exemple si on considère les vidéos pornographiques scatologique ou bien zoophile), que la mise en lumière de la propre limite au touché.
Cependant ses analyses ne sont aucunement dénonciatrices, comme a pu l’être dernièrement celles, peu pertinentes et réactionnaires de Michela Marzano dans La mort spectacle [ed. Gallimard], mais elles tentent de montrer comment ce processus de renforcement est corrélatif des médiations technologiques au touché, et ouvrent de nouvelles possibilités à l’ordre du tangible:
« Nous pensons (…) que le rapport introduit par les nouvelles technologies sensorielles vient renouveler et déplacer les modes de satisfaction. Plutôt que de construire une sociologie du risque pour dénoncer trop de toucher, comme le fait Patrick Baudry, il faut apercevoir dans les pratiques extrêmes la contrepartie sensible de la société du spectacle. L’éloignement et l’abandon du corps ne sont pas seulement ces modalités des technologies tangibles qui touchent à soi et aux autres : l’intermédiare technologique redéfinit la sensibilité corporelle et incorpore de nouvelles coordonnées aussi respectables que les apologies de marche, du corps à corps et l’érotisme conventionnel ».[p.26]

Sa réflexion critique n’est pas là pour dénoncer, mais pour exposer des typologies intentionnelles, et comment la conscience (s’)élabore le toucher. Petit essai remarquable bien souvent en ses analyses.

[site de Bernard Andrieu]

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Philippe Boisnard

Co-fondateur de Libr-critique.com et administrateur du site. Publie en revue (JAVA, DOC(K)S, Fusees, Action Poetique, Talkie-Walkie ...). Fait de nombreuses lectures et performances videos/sonores. Vient de paraitre [+]decembre 2006 Anthologie aux editions bleu du ciel, sous la direction d'Henri Deluy. a paraitre : [+] mars 2007 : Pan Cake aux éditions Hermaphrodites.[roman] [+]mars 2007 : 22 avril, livre collectif, sous la direction d'Alain Jugnon, editions Le grand souffle [philosophie politique] [+]mai 2007 : c'est-à-dire, aux éditions L'ane qui butine [poesie] [+] juin 2007 : C.L.O.M (Joel Hubaut), aux éditions Le clou dans le fer [essai ethico-esthétique].

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2 comments

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