Jérôme Mauche, La loi des rendements décroissants, éditions Seuil, coll. déplacements, 191 p.
ISBN : 978-2-02-093179-3 // Prix : 16 €.
[Site de la collection]
4ème de couverture :
Il y aurait d’un côté l’entreprise, les chiffres, l’ordre, et de l’autre les poètes, la littérature, les raconteurs d’histoires.
C’est là pourtant que Jérôme Mauche établit son travail de langue. Une subversion douce, une mise à nu qui s’amuse. Tout ce qui est cité ici et renversé, l’économie politique, les notes de service, les micro-anecdotes, du quotidien de l’entreprise, est ressaisi dans l’interrogation de la langue sur les choses, le monde, la vie des hommes.
Les 202 fragments s’enchaînent par ordre de taille croissante, comme un défi. Placer tout cela joyeusement sur une table d’autopsie, la com’, Internet, la sécurité sociale et charger la barque, si poésie s’ensuit.
Notes de lecture :
Tout nouveau, puisque venant juste de sortir, ce titre est le troisième de la collection déplacements, initiée par François Bon aux éditions Seuil. Pour lire une présentation de la perspective de cette collection, je renvoie à ce qu’il écrit sur le tiers-livre.
Nouveau livre de Jérôme Mauche. Ce texte pourrait en quelque sorte, être considéré en écho, ou bien encore comme une forme de verso de ce qui avait été entrepris dans Superadobe, que j’avais énormément apprécié.
Superadobe, texte construit sur des micro-narrations, donnait à suivre des micro-gestes de survie, des êtres qui pris dans des situations, cherchent une forme d’équilibre, certes précaire parfois, mais leur offrant la possibilité de se tenir en vie, de retrouver un sens d’existence. Superadobe, titre emprunté au vocabulaire de l’économie alternative, décrivait ainsi des gestes de résistance, souvent insignifiants, souvent imperceptibles, mais nécessaires et essentiels pour chaque individu. Ce livre au bleu du ciel, faisait déjà suite en quelque sorte à Électuaires du discount, qui déployait dans chaque partie, une forme de thérapeutique linguistique, poétique.
Verso ?
Verso, du fait qu’il ne s’agit plus ici de la constitution de singularités, mais de l’observation, par micro-déplacements (et ici ce titre résonne très bien avec le titre même de la collection) du plan général où l’aliénation de l’homme est entreprise : pas tant le travail comme réalité empirique, mais les énoncés constitutifs de l’idéologie du travail, les énoncés qui structurent la conscience et qui l’établissent dans son rapport à l’entreprise, au marché, aux désirs qui ne peuvent se réaliser que par cette entremise.
Verso, au sens où, comme l’auteur l’explicite en post-face, ce texte se donne à lire comme une forme de contre-littérature, ou plutôt, comme cela se dessine une sur-littérature, « qui ne sera pas le contraire de ce qui s’écrit, mais s’écrira tout contre ».
Ce tout contre se définit en tant que possibilité de dilater certains interstices des discours d’entreprise, économiques, afin de « rendre suspects le vocabulaire, la chose désignée, le geste de la désignation ».
Littérature critique, mais non pas dans la forme de la représentation, et dans l’écart de la langue, c’est-à-dire selon la construction d’un idiolecte, mais selon une forme de dialectique négative qui opère la langue même qui est à critiquer, qui l’investit, la gangrène, la fait décroître quant à ses possibilités d’aliénation.
Le titre déjà explicite cela : un rendement décroissant.
[Présentation sur remue.net par Philippe Rahmy]
Livre surprenant et intéressant. J’ai personnellement adoré la lecture !
Très bon livre, ce qui me fait penser que l’on attend depuis un moment un nouvel ouvrage de Ludovic Bablon:-)