[Texte] Marc Perrin, Spinoza in China / 15 novembre 2011 / 7 janvier 2015 (1/2)

[Texte] Marc Perrin, Spinoza in China / 15 novembre 2011 / 7 janvier 2015 (1/2)

mai 2, 2015
in Category: créations, UNE
0 3613 24
[Texte] Marc Perrin, Spinoza in China / 15 novembre 2011 / 7 janvier 2015 (1/2)

Suite du feuilleton proposé par Marc Perrin, "Spinoza in China" : avec Hors-sol, La Vie manifeste et Remue.net.

► Spinoza in China, 9 novembre 2011
Spinoza in China, 10 novembre 2011
Spinoza in China, 11 novembre 2011- 26 décembre 2014 (1/2)
Spinoza in China, 11 novembre 2011-26 décembre 2014 (2/2)
Spinoza in China, 12 novembre 2011-9 février 2015

 

      • 15 novembre 2011 • Shanghai • Une employée de maison vient leur faire le ménage. Une employée de maison vient leur fait à manger. Une employée de maison lave leurs draps. Une employée de maison lave leurs vêtements. Une employée de maison fait tourner leur machine à laver. Une employée de maison lave leur sol. Une employée de maison fait leur lit. Une employée de maison nettoie leur table. Ils payent une employée pour le travail qu’elle effectue. C’est un métier avec un salaire. Vince Parker va travailler sa thèse à la bibliothèque tous les jours. Caroline Parker bosse pour l’événementiel international. Ernesto quant à lui cache ses vêtements dans son sac à dos et lave tout au savon de Marseille. Il est 9h15. Ensuite ?

 

 

      • madame lectrice, monsieur lecteur • bonjour • il est 11h14 aujourd’hui 7 janvier 2015 et j’ai 14 ans, 7 secondes et je vous compte pas les siècles,      

 

 

Ensuite, en conséquence directe ou indirecte des relations pas super apaisées qu’il entretient avec les notions de travail, salarié ou non, de maison, ouverte ou fermée, de famille, sainte ou païenne, de parole, de regard, de silence et de peur à gogo, on voit Ernesto quitter la chambre sous les toits, sans passer par l’appartement de Caroline et Vince Parker, on le voit dévaler les escaliers, voit marcher jusqu’à Hengshan road station, on le voit prendre le métro, on le voit qui s’assoit dans un wagon du métro la ligne numéro 1, on le voit descendre du wagon à Shanghai railway station et là on le voit rejoindre la ligne numéro 3, puis, on le voit s’asseoir à nouveau dans un wagon et ne quitter le métro qu’au terminus de la ligne numéro 3, à North Jiangyang road station, tout au nord de la ville. Là, on voit Ernesto sortir du métro. On le voit regarder les chauffeurs de taxi et les conducteurs de pousse-pousse qui attendent les clients. On le voit dresser la tête, bien droit, pour bien montrer qu’il sait où il va. On le voit dresser la tête bien droit, pour bien montrer qu’il n’a besoin de personne. On le voit marcher tout droit, droit vers le nord. Est-ce qu’il espère rejoindre le fleuve ? géant ? tout au nord de la ville ? le fleuve ou l’océan tout au nord de la ville ? Il ne sait pas très bien. Peut-être est-il en train de rêver de sable fin et de vent du large. On ne sait pas. Ce qu’on sait, ce qu’on voit, c’est qu’il marche pendant une demi-heure sur un trottoir le long d’une 2 fois 4 voies. Il marche pendant une demi-heure le long d’un mur d’enceinte. Il marche pendant une demi-heure le long d’une usine longue de 3 kilomètres. Puis il bifurque à gauche, en direction de l’ouest. Là, il rejoint quelque chose comme un quartier grand comme une ville. On le voit alors marcher au milieu d’immeubles de 20 ou 30 étages dans ce quartier grand comme une ville. On le voit alors, peut-être, en train déjà de flipper sa race relativement au fait qu’il commence à penser – peut-être – au chemin du retour, incertain. Peut-être Ernesto est-il en train de se demander si en fait ce ne serait pas ça : une race. Est-ce qu’une race ce ne serait pas en fait rien d’autre que le flip d’une espèce quant à l’incertitude relative à un chemin qui serait un chemin de retour : un flip espécial relatif au chemin d’un retour super incertain. On sait pas. On sait pas ce qu’il pense Ernesto. Pas toujours. Mais on le voit. On le voit marcher. On le voit marcher un peu plus vite, même, et on peut se dire qu’il a peut-être un peu plus peur que tout à l’heure, un peu plus peur de pas trouver le chemin de retour ou alors il a simplement un peu plus froid. On peut pas être sûr. On peut juste le voir, là, marcher en direction de l’ouest, traverser carrefour et carrefour au milieu d’immeubles de 20 et 30 étages, on peut le voir marcher toujours plus loin vers l’ouest. Puis à un moment donné on le voit qui s’assoit. Sur un banc. Sur une place. Il est là. Ernesto. Il a 10 ans, 15 secondes, et un instant il oublie les siècles, il est assis, sur un banc, au pied d’immeubles de 20 ou et 30 étages. Il a peut-être faim. Il est inquiet peut-être quant au chemin du retour. Il rêve, peut-être, d’une plage de sable fin, de vent du grand large, avec Yameng ou Angela. On sait pas.

 

 

       • madame lectrice, monsieur lecteur • bonjour • il est 11h14 aujourd’hui 7 janvier 2015 et je travaille de la poésie étant à peu près conscient que le mot poésie est un mot comme un autre c’est-à-dire un mot sur lequel accords et désaccords quant à ce qu’il désigne peuvent séparer les êtres des êtres comme n’importe quel mot relatif à n’importe quelle type d’activité ou idée humaine,

 

 

      On voit juste qu’il s’assoit et qu’il remarque assez vite la présence d’un clochard. Sur un autre banc. Un clochard qui mange un sandwich et qui lui aussi assez vite remarque la présence d’un autre gugus sur un autre banc. Et là, si on entre dans la tête d’Ernesto. On comprend non seulement qu’Ernesto regarde intensément l’autre homme assis sur l’autre banc – le clochard – , mais, plus précisément, on comprend qu’Ernesto regarde le tissu du pantalon de l’autre homme assis sur l’autre banc. Et. Plus précisément encore, même, on comprend qu’Ernesto regarde la poche avant gauche du pantalon de l’autre homme assis sur l’autre banc. Et que là, Ernesto, reconnaît la forme d’un couteau. Et. Reconnaît. Conséquemment. Sa race qui flippe. Depuis l’intérieur de la poche avant gauche du pantalon de l’autre homme assis sur l’autre banc, Ernesto → voit une goutte de sang toute fraîche tacher le tissu. Et. Ernesto → âgé de 10 ans et 16 secondes → portant alors un short Adidas → baisse les yeux et regarde son genou gauche, avec une petite égratignure et du mercurochrome séché, puis, sort de son sac à dos une mandarine ou une clémentine et commence à l’éplucher.

 

 

      Ici. Sur ce banc. Ici. Sur cette place publique au pied d’immeubles de 20 ou et 30 étages. Dans ce quartier grand comme une ville. À la périphérie nord de Shanghai.

 

 

      • madame lectrice, monsieur lecteur • bonjour • il est 11h14 aujourd’hui le 7 janvier 2015,

 

 

      Cœur battant. Cœur inquiet. Chemin de retour incertain. Ernesto âgé de 10 ans et 17 secondes, en short Adidas, comme avant quelque entraînement de football du mercredi après-midi. Rêve de sable fin, de vent du large. Il détourne la tête vers sa gauche tandis. Un autre homme arrive sur la place, activant au bout d’une canne qu’il tient en main une pince métallique, à l’aide de laquelle, il saisit lentement, une à une, les feuilles mortes au sol de la place, les morceaux de papier qui traînent, volent. Ici. Un à un. Au pied de ces immeubles de 20 ou et 30 étages, à la périphérie nord de Shanghai.

 

 

      • je travaille ici de la poésie le 7 janvier 2015 aux environs de 11h14 au 29 rue Alexandre Gosselin à Nantes et deux gars armés chacun d’une kalachnikov tuent 1 fille et 11 gars au 10 rue Nicolas Appert dans les locaux de Charlie Hebdo et sur le boulevard Richard Lenoir à Paris dans le 11ème arrondissement,

 

 

      Ernesto. Baisse les yeux et regarde son genou gauche. Ernesto. Regarde l’écorchure et le mercurochrome séché. Il finit d’éplucher la clémentine ou la mandarine. Est-ce une orange. Il mange un à un les quartiers du fruit. Il s’essuie la bouche. Il se mouche. Quand il se mouche ça fait comme un bruit de trompette sourde qui résonne sur toute la place, au bas des immeubles. Ici. En Chine. On crache dans les rues. Ici. En Chine. On ne se mouche pas dans les rues. Ici. En Chine.

 

 

      • et si poésie le mot poésie désigne par exemple tout type de production de formes et de relations,

 

 

      Ernesto. Cœur battant. Cœur inquiet.

 

 

      • si poésie le mot poésie désigne par exemple tout type d’attention à l’égard de ces formes et de ces relations,

 

 

      L’homme sur le banc et l’homme à la pince métallique en bout de canne regardent Ernesto.

 

 

      • si un poème peut être un acte, donné, où la production de formes et de relations et l’attention à l’égard de ces formes et de ces relations sont deux de ses cœurs battants,

 

 

      Deux femmes arrivent sur la place. Chacune avec une pelle et un balai. Chacune ramasse déchets et débris baladés par le vent au pied des immeubles. Elles traversent la place. Elles disparaissent derrière un des immeubles. Il est 11h35.

 

 

      • si les mots les phrases les images les paroles formulés et rendus publics sont une partie de la production et de l’attention,

 

 

      si l’inexprimé qu’il soit conséquence d’un supposé inexprimable ou conséquence d’un silence décidé est une partie de la production et de l’attention,

 

 

      si les actes sont une partie de la production et de l’attention,

 

 

      si l’inaction également,

 

 

      alors deux gars armés chacun d’une kalachnikov tuant 1 fille et 11 gars sont une partie de la production et de l’attention,

 

 

      alors deux gars armés chacun d’une kalachnikov et 1 fille et 11 gars sont une partie de la production et de l’attention,

 

 

      alors deux gars et une fille et onze gars pénètrent et modifient le poème,

 

 

      ici : Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Jean Cabut, Elsa Cayat, Stéphane Charbonnier, Philippe Honoré, Chérif Kouachi, Saïd Kouachi, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Bernard Verlhac, Georges Wolinski : pénètrent et modifient le poème,

 

 

      beaucoup d’autres ici, une infinité d’autres ici non nommés pénètrent et modifient le poème,

 

 

      par les actes & l’inaction & les mots & les phrases & les paroles & les images formulés rendus publics & par l’inexprimé quiconque en tant qu’elle ou il est vivante vivant participe de la modification du poème,

 

 

      quiconque plus au moins attentif à la relation existante entre les êtres humains vivant où qu’ils vivent quiconque responsable collaborateur et collaboratrice à quelque niveau que ce soit quiconque chacune chacun et tous nous modifions l’existant modifions le poème,

 

 

      toute parole toute action tout livre tout geste toute une smala de paroles et d’actions et de livres et de gestes en amitié et toute une bande d’amies et d’amis qui écrivent ces livres énoncent ces paroles font ces gestes développent ces actions et ou les aiment et vivent en conséquence modifient le monde modifient le poème,

 

 

      les mots imbéciles entendus les mots aimables entendus modifient le monde modifient le poème,

 

 

      le bon et le mauvais en acte et la méchanceté comme l’intelligence par les faits modifient le monde modifient le poème

 

 

      nous avons il y a ce qui nous blesse et amoindrit ce qui augmente et nourrit notre ce que nous pouvons ce qu’il en est de notre ce qu’il en est aujourd’hui d’un possible pour nous de faire est le sens du mot puissance tel que je l’entends et l’aime et de nausée à la vue des postures de nausée en récupérations déjà scénarisées non je n’irai pas manifester je n’écrirai pas un mot j’écris manière de mettre en accord ma vie avec sera jusqu’à ce point vie séparée non de l’indignation ne suffit nous ne connaissons la dignité que par les actes parlant en lieu et place du bien penser pour le bien de ce bien moral et de son mal je ne veux n’auront ou n’aurons je ne sais plus besoin de cette indignation sans demain de nausée de ce peu d’attention de ce peu de considération et de conséquence à l’égard des mots écrits ou et dits c’est-à-dire à l’égard de nos vies je suis en train de vivre un moment de panique difficile de penser dans la panique il n’est pas impossible de défaire la panique,

 

 

      je m’appelle Ernesto,

 

 

      j’ai aujourd’hui 14 ans, quelques secondes et quelques siècles au compteur et je suis en colère je ne suis pas triste je suis en colère,

 

 

      ma colère est colère à l’égard des mots énoncés une fois énoncés restant lettres mortes dans la vie de qui les a énoncés,

 

 

      c’est la première fois que je comprends c’est la première fois que j’entends c’est la première fois que je ressens le sens de l’expression lettres mortes,

 

 

      l’expression lettres mortes est adéquate avec la réalité de corps d’êtres humains vivants qu’on a voulu morts rue Nicolas Appert à Paris où n’importe à la surface de la planète

 

 

      est-ce non pas colère et nausée mais honte est-ce que j’éprouve un sentiment de honte,

 

 

      est-ce de la honte quand à la vie piétinant la vie humiliant quand à la vie réifiant la vie répondent la basse cour et la morale

 

 

      est-ce là honte est la honte est la colère et la nausée toutes deux exposées retournées contre soi afin d’expier au grand jour et de produire sa gloire,

 

 

      est-ce rances bien et mal en amont de toute vie piétinant toute vie humiliant toute vie réifiant toute vie nourrissant nausée nourrissant colère,

 

 

      j’aurais pu ou dû agir ainsi par la suite j’aurais pu et su me glorifier de l’acte mais je ne l’ai pas fait ainsi je vis dans la honte est un exemple du règne bien rance de la morale,

 

 

      la honte est un rêve pourri de gloire où la gloire n’advient pas,

 

 

      dans le titre Pour en finir avec le jugement de dieu c’est le mot jugement qui importe je crois le mot jugement désigne une action ennemie,

 

 

      jugement de dieu n’est-ce pas un pléonasme,

 

 

      Baruch & Virginia jouent dans le jardin derrière la maison dans la nuit maintenant il est 4 heures,

 

 

      Baruch & Virginia sont en équilibre sur les branches de l’arbre dans le jardin de la maison d’en face il est 11h45,

 

 

      aujourd’hui 7 janvier 2015 à 11h45 depuis déjà un quart d’heure circule sur les réseaux dits sociaux je suis Charlie est une image produite une demi-heure après la tuerie rue Nicolas Appert et boulevard Richard Lenoir,

 

 

      à 11h45 je suis Charlie est une image produite par Joachim Roncin styliste de 39 ans directeur artistique de l’hebdomadaire gratuit Stylist distribué à 450.000 exemplaires chaque semaine,

 

 

      à 11h45 l’hebdomadaire Stylist est un magazine hebdomadaire féminin gratuit haut de gamme du groupe Marie Claire,

 

 

      à 11h45 l’hebdomadaire Stylist aspire à faire rimer luxe et gratuité,

 

 

      à 11h45 80 % des exemplaires de Stylist sont prêts à être distribués demain jeudi de la main à la main par près de 480 femmes dites hôtesses réparties dans près de 800 points clés de vente et le reste des exemplaires sera mis à disposition sur des présentoirs dans des lieux dits tendances par exemple des restaurants branchés et des boutiques de mode

 

 

      à 11h45 Robinson fait circuler trois phrases du dernier livre d’Olivier Cadiot : On peut jouer aux cartes dans la tranchée. Mais ça ne concerne pas seulement votre propre corps, l’équilibre se fait avec tout ce qui se passe autour de vous dehors. Vous n’êtes pas tout seul, mon petit, c’est Providence le titre du livre,

 

 

      à 11h45 d’un livre de Badiou dont je ne citerai pas le titre m’étant promis un jour de ne jamais écrire le nom de cet homme faisant partie des mots constituant le titre de ce livre – m’étant promis un jour de ne jamais écrire le nom de cet homme considérant qu’écrire le nom de cet homme nourrit la méchanceté à commencer par la méchanceté de celles et de ceux qui se disent être ses adversaires ou ses ennemis à commencer par la méchanceté en moi qui n’attend qu’une méchanceté adverse pour se nourrir – de ce livre, je me rappelle la phrase suivante : il y a un seul monde.

 

 

      je me rappelle aussi dans le même livre d’une autre phrase : l’amour doit être réinventé (point dit de Rimbaud), mais aussi tout simplement défendu,

 

 

      ces phrases dans ce livre sont ce que Badiou appelle des exemples de points à tenir,

 

 

      ce sont des points théoriques sur lesquels ne pas céder dans les conséquences qu’ils impliquent d’un point de vue pratique au quotidien de nos vies :

 

 

      sur tels ou tels points qu’il nous appartient de définir, individuellement, ou en groupe, sur ces points : nous ne céderons pas,

 

 

      un ami de l’ami Laurent est traducteur et raconte à Laurent que pour gagner de l’argent il traduit entre autres des documents de banque et de marketing et que la tâche la plus importante pour lui dans ce travail est de sauver les mots,

 

 

      c’est un exemple de point à tenir,

 

 

      ainsi par exemple lorsque l’ami de l’ami Laurent rencontre le mot amour associé à quelque affaire bancaire ou quelque campagne marketing dans le document qu’il doit traduire il sauve le mot amour et le traduit par un mot bancaire ou marketing mais pas par le mot amour,

 

 

      oui je suis en colère et je crains de ne trouver aucune manière juste et mesurée pour dire contre quoi je suis en colère,

 

 

      je voudrais trouver une manière juste et mesurée mais ce qui me vient c’est je suis en colère contre le salopage de l’amour et de l’intelligence et de la pensée donc de toute vie humaine,

 

 

      la possibilité de l’amitié, de la poésie, d’une intelligence éthique, la possibilité d’être en possession d’une kalachnikov,

 

 

      viens, je t’emmène en balade,

 

 

      on se caresse on se lèche et le sexe d’abord souple caressant le sexe d’abord sec devient l’un roide l’autre humide tendrement l’un pénètre l’autre nous partons en balade oui c’est encore possible à 11h00 à la gare j’enlace Angela on se retrouve dans cinq jours ici même l’amour grandit vivant il grandit oui c’est possible,

 

 

      à 18h00 je rejoins avec deux amis le rassemblement à Nantes pour ne pas rester seuls chez soi avec la honte la colère le chagrin la nausée ou autre sentiment de passion bien meurtrie après la tuerie de ce matin,

 

 

      certaines certains prenant part au rassemblement brandissent des stylos pour signifier j’imagine liberté d’expression ces stylos brandis nourrissent ma colère,

 

 

      il m’est nécessaire de comprendre ce qui nourrit cette colère afin de la défaire et de nourrir une intelligence éthique ouverte & sans colère,

 

 

      certaines et certains prenant part au rassemblement applaudissent je ne comprends pas ces applaudissements je les trouve obscènes ces applaudissements nourrissent ma colère,

 

 

      il est nécessaire de comprendre ce qui nourrit cette colère afin de la défaire et de nourrir une intelligence éthique ouverte & sans colère,

 

 

      à Paris Michael évoque avec Angela l’intelligence de l’émotion

 

 

      dans je suis Charlie c’est je suis que j’entends ce que j’entends c’est je suis je suis je suis je suis c’est moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi je n’entends rien d’autre que moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi moi quand moi ne sait ce qu’il désire ou peut désirer ne serait-il pas plus juste de brandir je ne sais plus qui je suis nous ne savons plus qui nous sommes nous ne savons plus que compter les morts et les pleurer,

 

 

      à Paris Michael évoque avec Angela l’intelligence de l’émotion,

 

 

      certaines certains commencent à entonner la marseillaise vite sifflée la marseillaise est arrêtée,

 

 

      l’intelligence de l’émotion est possible,

 

 

      une vie désirable est possible,

 

 

      je quitte le rassemblement je rentre seul,

 

 

      l’exergue de À nos amis du Comité invisible est la phrase suivante : « Il n’y pas d’autre monde. Il y a simplement une autre manière de vivre. » C’est une phrase de Jacques Mesrine la violence associée à ce nom m’effraie,

 

 

      toute intelligence piétinée toute intelligence humiliée toute intelligence réifiée toute intelligence tuée toute intelligence détruite toute intelligence réduite toute vie piétinée humiliée réifiée tuée réduite détruite amoindrit notre puissance,

 

 

      je vais me taire je ne vais rien dire je ne vais rien ajouter à ce vacarme de coqs et de poules et de chiennes et de chiens partout mâles et femelles de tous poils et toutes plumes ça jappe ça caquette ça fait très mal au tympan très mal aussi au fond du cœur ça fait très mal ce caquètement jappement ces aboiements je suis je suis je suis une poule une chienne un chien une femelle un mâle avec poils et plumes je vais me taire j’ai besoin de le dire je vais me taire j’ai besoin de dire quelque chose pas maintenant je vais me taire me terrer quelques jours écrire dans le terrier je ne peux rien dire je ne vais rien ajouter de plus j’ai besoin cependant l’écrire,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                 

, , , , , , ,
rédaction

View my other posts

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *