[Chronique] Jean-Paul Gavard-Perret, Pour le plaisir (à propos de Mademoiselle S, Lettres d'amour 1928-1930)

[Chronique] Jean-Paul Gavard-Perret, Pour le plaisir (à propos de Mademoiselle S, Lettres d’amour 1928-1930)

juillet 7, 2015
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Jean-Paul Gavard-Perret, Pour le plaisir (à propos de Mademoiselle S, Lettres d’amour 1928-1930)

Mademoiselle S, Lettres d’amour 1928-1930, présenté par Jean-Yves Berthault, coédition Gallimard/Versilio, Hors série Littérature Gallimard, mai 2015, 264 pages, 19 €.

 

Jean-Yves Berthault laissera le mystère sur les deux amants qui, dans les années 20, échangèrent la correspondance torride qu’il a exhumée d’un coffre fait pour demeurer caché. Un tel échange prouve que la littérature épistolaire érotique du début du siècle n’a rien à envier à celle de notre époque qui l’a souvent remplacée par des mails. L’objectif et les postures déclaratives et initiatrices restent néanmoins les mêmes. L’échange entre James Joyce avait déjà été un bon exemple de transgressions littéraires. Chez lui déjà  les lettres (disponibles chez le même éditeur que ce livre)  étaient faites pour être lues d’une main et avaient pour objectif ce qu’Henric nomma « des plaisirs vicaires ».

 

Mais ici la femme se fait encore plus pressante que son jeune amant. Riche d’une haute culture et d’un vocabulaire précis / précieux, elle n’hésite jamais à appeler un chat un chat pour titiller (euphémisme) son partenaire. Les  lettres expriment toute la passion sensuelle qui s’empare des deux amants. Aucune transgression n’est passée sous silence. La violence non seulement des sentiments mais des actes avance sans masques. Tout est insolent, « inconvenant » au plus au degré eu égard  aux standards de la société dite policée dont les deux amants font  partie.

 

Les mots rendent obsédants les fantasmes et les hantises des épris qui brûlent du feu de l’enfer des sens. Le plaisir reste le maître mot de missives qui ne sont là que pour le susciter. Les derniers outrages sont réclamés pour tout vœu. Par exemple, la femme oblige son partenaire à une masturbation fléchée et celui-ci lui renvoie l’ascenseur. Belle leçon d’inconduite qui permet de relativiser les époques et leurs stéréotypes.

Les deux amants n’ont rien à envier  aux dérives sadiennes ou aux demandes hardcore d’aujourd’hui. L’intérêt de cette correspondance n’a rien toutefois de simplement « sociologique ». Le livre est avant tout un morceau exceptionnel de bravoure littéraire : deux discours croisés n’en font qu’un dans la conjonction de « découpes » et de mises à nu en un vertigineux mouvement d’abîme des sens.

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rédaction

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