Il vous reste quelques jours pour ne pas manquer cette exposition à la Galerie Claudine Papillon (du 29 mai au 17 juillet 2015, 13 rue Chapon 75003 Paris).
Plutôt que les grandes orgues des fleuves Elsa Sahal préfère les rumeurs des sources et des geysers où tout commence. Cherchant l’essence des formes et multipliant leurs symboliques féminines et masculines dans un imaginaire d’érection et de repli, l’artiste fait de ses sculptures un univers vivant – qui se refuse néanmoins à être une copie du réel. Animée de lucidité et de poésie, avançant en tâtonnant, l’artiste lutte pour l’espoir contre les écrasements. Chaque sculpture interroge, interpelle. A chacun de se débrouiller, se dépêtrer dans leurs réseaux parcourus d’intensités diverses de mémoire, de pensée, de sensation, d’émotion, de rythme.
Surgissent la persistance du désir et la permanence de l’obstacle avec le poids de l’intellect et de l’expérience. Dans la liberté consciente de sa limite, de sa fragilité, dans le qui je suis, le si je suis, dans le je ne sais pas, Elsa Sahal va au bout de l’image – jouant son jeu tout en refusant d’en suivre les règles apprises. L’émotion demeure motrice : il ne s’agit pas de travailler dans l’ordre de la pensée mais en son au-delà : tenter de saisir sans comprendre. Ou presque. Dans le mouvement de vivre. Restent les remous, les convulsions, les « soubresauts » (Beckett) dans une tension qui néglige l’explication et la description pour la poésie pure : celle du corps réduit à ses fondements génériques.
Certaines œuvres se rapprochent, se superposent l’une à l’autre. L’unité d’inspiration ramène à une source, à une coalescence étroite entre le féminin et le masculin sans réduire l’un à l’autre, mais afin de libérer des influx en prêtant attention à la matérialité de l’image et sa puissance jaillissante, générique et symbolique. Condensée à l’extrême autant qu’irrattrapable par la raison, l’œuvre saisit par les sensations et la transgression délibérée d’un pacte de lisibilité neuf. Dans l’aventure des formes, Elsa Sahal cherche des connexions possibles. Il y va de l’exploration de l’intériorité et de l’élan vers l’altérité dans le repli comme dans l’érection.