[Libr-relecture] Danielle Mémoire, La Nouvelle Esclarmonde, par Périne Pichon

[Libr-relecture] Danielle Mémoire, La Nouvelle Esclarmonde, par Périne Pichon

juillet 16, 2015
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
0 3724 20
[Libr-relecture] Danielle Mémoire, La Nouvelle Esclarmonde, par Périne Pichon

Danielle Mémoire, La Nouvelle Esclarmonde, P.O.L, novembre 2014, 240 pages, 17,90 €, ISBN : 978-2-8180-2165-1.

 

Scalpel, lampe, microscope, table opératoire… Disséquons un livre. Non pas l’objet « livre » avec sa première et quatrième de couverture, ses organes de papiers ; mais plutôt le livre comme système, en glissant du matériel vers le virtuel.

Le livre, ce sont des personnages qui dialoguent, des paragraphes, un titre et des textes qui se disposent les uns par rapport aux autres, voire s’imbriquent les uns dans les autres. Un livre posséderait une machinerie relativement ordonnée, à analyser. Des rouages invisibles avancent les décors d’une intrigue, proposent des pistes, des mots, des idées et montent le texte dans le livre.

 

La Nouvelle Esclarmonde s’inscrit dans la suite des derniers livres de Danielle Mémoire, notamment En attendant Esclarmonde et Le Cabinet des rebuts. Il semble même les englober. On y retrouve des noms connus : Esclarmonde, Eulalie Cymea,… Ces personnages commentent le « texte » – jusqu’à commenter le mot « texte » qui le désigne – et en commentant construisent cet ensemble qu’on appelle livre, mais aussi La Nouvelle Esclarmonde, « Le Cabinet des rebuts 2 », ou « le Corpus », soit « une forme d’ensemble ( c’est le Corpus) qui soit réellement auto-générative ».

 

En effet, La Nouvelle Esclarmonde donne l’impression d’une immense machinerie s’enfantant elle-même. Le Cercle gère le Corpus ; et cherche qui peut être l’auteur unique, incapable d’être absolument unique et davantage généré par le livre que générant le livre. À moins que l’auteur unique ne soit choisi parmi les membres du Cercle, mais chaque projet de livre, chaque texte du corpus posséderait alors un auteur unique… De quoi prolonger le débat de Rosemonde, Esclarmonde, Marie la Grande, Henri, etc. jusqu’au vertige. La Nouvelle Esclarmonde s’échafaude sur plusieurs niveaux d’énonciation et avec des « rebuts » , des projets avortés, ou des versions de projets eux-mêmes nivelés. Le tout forme ce dispositif derrière le livre, à l’origine du livre, sorte d’univers parallèle prolongeant la bibliothèque de Borgès.

 

« […] il y a plusieurs auteurs uniques selon différents espaces.

  • Selon d’autres espaces, a dit l’auteur unique, il n’y a pas d’auteur unique.

  • Et il n’y a qu’une seule Esclarmonde ? A dit Eulalie Cyméa.

  • Oui, maman, a dit Esclarmonde. »

 

 

On bascule dans une virtualité : le livre n’est pas fait, il se fait et à partir de là s’érigent des possibilités. Car un livre reste un ensemble de possibles choisis dans un ensemble plus vaste. En ce sens, La Nouvelle Esclarmonde est bien un corpus, un ensemble de textes, de notes qui ouvrent autant de livres virtuels. Cependant, livres non poursuivis et dont les ébauches constituent un livre en soit.

 

L’appellation de bref virtuel ouvrage est interne au Corpus.

À l’intérieur du Corpus, pour le Corpus, un livre publié dans la réalité peut toujours ne pas l’être, l’avoir été autre, ou absolument n’être pas.

Ce que nous appelons réalité n’est, de l’intérieur du Corpus, qu’une fiction parmi d’autres.

 

 

 

, , , , , ,
rédaction

View my other posts

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *