Ramon Dachs, Blanc, Topoèmologie, éditions Le clou dans le fer, collection expériences poétiques. non paginé (98 p.).
ISBN : 978-2-9526347-5-5. // Prix : 11 €.
[site des éditions]
[Extraits]
aquesta transparència (M.A. Riera)
tan callando (J. Manrique)
neiges d’antan (F. Villon)
arriba’m / blanc / desert
heme / blanca / nada
arrive / moi / désert
assolit, desolat
desolada, asolada
assouvi, désolé
blanc, set pura
alba, sed sola
blanc, soif pure
blanc suspès en blanc
nada toda
blanc sur blanc
[Notes de lectures]
Il s’agit bien de notes de lectures, pluriel pour ces lectures, éparses dans le temps, parfois rapprochées, parfois éloignées, depuis ces quelques mois où, parfois, régulièrement, de temps à autre, j’ouvre, parcours les pages, lis à voix haute, referme, reste dubitatif, m’interroge, et finalement, ne sais quoi penser de ce texte de Ramon Dachs.
Rarement il m’a été donné de me confronter à un texte aussi énigmatique. Non parce que trois langues se nouent, s’ouvrent, se juxtaposent (le catalan, l’espagnol et le français), mais parce que ce texte ne se donne aucunement selon une linéarité, mais comme un espace à explorer en chacune de ses géographies poétiques.
Blanc de Ramon Dachs se compose d’un ensemble de petits poèmes, toujours construits selon trois vers (répartis en trois parties), confrontant les trois langues et six tables de correspondances bilingues.
Si ne nous avaient été données que les trois premières parties, nous aurions suivi une suite de petits poèmes, minimalistes, portant sur le blanc, la solitude des mots, reposant sur une forme combinatoire, mais où aurait régné davantage la beauté simple des quelques mots et de leur rythme que la complexité de l’agencement. Or justement, cette possibilité de lecture est mise à mal par l’intervention des tables de correspondances, sorte d’énigme posée à la lecture.
——aquesta transparència —– tan callando —————
—-arriba’m/blanc/desert 01-08 heme/blanca/nada———-
———-assolit, desolat 02-07 desolada, asolada——–
————–blanc, set pura 03-02 alba, sed sola—————–
Qu’est-ce qui se joue dans ces correspondances ? Quel type de traduction, de déplacement, de transposition, de trajet, de jeu, s’agit-il de faire pour le lecteur ? Aucun mode d’emploi… Les correspondances, c’est visible, indiquent les rapports de traduction, mais tout à la fois le texte, son agencement dans ces trois parties ne joue pas ce jeu, le déplace, pour confronter les langues. Écrit en trois langues, il n’est pas à proprement parlé un texte trilingue au sens usuel du terme. Ce texte parle trois langues, les fait résonner ensembles, les frictionne, et justement impossibilise la correspondance de traduction, du fait que chaque langue apparaît dans sa singularité propre, comme passage essentiel de notre lecture.
Texte énigmatique que nous propose ici Michaël Batalla, texte très beau, que j’aimerai d’ailleurs entendre lu, pour sentir encore davantage ces frottements de langues. Une curiosité à découvrir.