[Chronique] L'abbé-cédaire de Jean Follain. A propos de Petit glossaire de l'argot ecclésiastique, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] L’abbé-cédaire de Jean Follain. A propos de Petit glossaire de l’argot ecclésiastique, par Jean-Paul Gavard-Perret

décembre 19, 2015
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[Chronique] L’abbé-cédaire de Jean Follain. A propos de Petit glossaire de l’argot ecclésiastique, par Jean-Paul Gavard-Perret

Jean Follain, Petit glossaire de l’argot ecclésiastique (1966), dessins de Frédérique Loutz, éditions L’Atelier Contemporain, novembre 2015, 88 pages, 15 euros, ISBN : 979-1-092444-26-1. On appréciera cette réédition de qualité.

 
 
Follain avait écrit ce que personne n’avait fait avant lui : relever et inscrire les « maculae » vernaculaires au milieu des pépites du sacré. Pour autant le poète ne prétendait pas à un dictionnaire exhaustif. Son entreprise iconoclaste ne se prêtait guère à un ouvrage scientifique. L’auteur se plait à faire glisser le langage sacral au rang de celui des voyous – de ce qu’on appelait jadis les « barrières ». C’est jouissif. L’humour – implicite comme explicite – guide le poète. Il s’amuse du jargon qui touche aux rituels religieux, aux vêtements sacerdotaux et aux hiérarchies du système. 
 
Comme toute société close sur elle-même, le monde ecclésiastique crée un lexique particulier à tout corps de métier. Le sacré extrême vise une adaptation de l’humain à son environnement. Et c’est la raréfaction progressive des libertés par le sacré qui occasionne la surenchère des vocabulaires dissidents face au « caveau-bulaire » (Prigent) de la doxa. La seconde trouve dans la première une élasticité : elle n’en est pas  une forme de déni mais son arrondissement réservé. C’est bien sûr pour le lecteur forain de ces arcanes (surtout lorsqu’il a baigné dans la religion catholique et romaine) un régal : le bréviaire du curé devient « sa femme », son remontant (bouteille de Calva) « l’Ami du clergé ». Au lecteur d’aller trouver la clé de termes tels que  le « chanoine Ogino », le  « chou tardif » ou la  « messe à trois chevaux ». 
 
Est-ce par pudeur poétique ou par celle des prêtres : les textes sacrés sont épargnés au même titre que les saints sacrements ? Cela traduit sans doute  l’esprit du discret et modeste Follain passionné de la langue et de ses singularités. Son livre rejoint ses ouvrages sur la cuisine : on pense à son « À table » et « Célébration de la pomme de terre ». L’abécédaire constitue la signalétique  d’un travail de mémoire en un temps où l’univers religieux conservait encore les stigmates de la monstration de sa superbe. Néanmoins – et le poète le remarque – l’habit de « clergyman » venait dérober (au sens premier) les abbés de leur soutane et leur « sous-ventrière ». 
 
Parfois Follain en fait trop et son livre perd de sa force en rentrant dans des  circonvolutions superfétatoires. Et le livre – pour un lecteur d’aujourd’hui – reste très sage. Follain y demeure bonhomme. Et même s’il n’était pas croyant le poète ne se fait jamais « bouffeur de curé » : il s’amuse des arguties liturgiques, de leurs pompes et circonstances. L’argot s’y fait routine polyphonique mezza-voce. Les concepts et conceptions officiels ne sont plus tirés à quatre, chaque prêtre lui fait un enfant dans le dos. Mais cela – et comme on dit – ne mange pas de pain (fut-il sacré). Reste que le poison des mots est sinon abyssal du moins abbatiale ; il est vecteur de transes plus amusantes qu’insanes et tout compte fait n’ont d’yeux que pour Dieu.
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rédaction

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