PRÉSENTATION DU PROJET, par Francis MARCOIN et Fabrice THUMEREL
Pour être au centre des débats depuis le début de ce nouveau siècle, le roman contemporain fait-il pour autant l’objet d’une véritable réflexion argumentée, d’une cartographie fondée et approfondie, bref d’une approche critique et historique véritablement raisonnée ? Cette question est intimement liée à celle de la valeur, et l’impression règne d’une confusion sans précédent dans le microcosme médiatico-éditorial, confusion qui semble menacer également le champ universitaire où de plus en plus de chercheurs orientent leurs travaux vers la voie périlleuse de l’évaluation du contemporain, pour ne pas dire de l’actuel. Se pose donc impérieusement le problème de la valeur littéraire même, problème qui n’est pas nouveau : rappelons-nous Sainte-Beuve. Mais cet exemple nous montre que le problème affecte l’acte critique bien plutôt que l’acte romanesque lui-même, trop souvent réputé seul créateur. Que signifie critiquer le contemporain ? En quoi peut-on parler d’écriture critique, d’invention critique, d’imagination critique du contemporain ?
Ces manières de critiquer impliquent un engagement, une prise de risque, non seulement dans l’évaluation elle-même, mais dans la forme que prend cette évaluation. Si l’oeuvre d’art, pour Marcel Proust, est fille de la solitude, il en va de même pour la critique. Elle doit parler cependant, mais d’une parole à l’écart de tout système boursier, qu’il soit celui de la bulle médiatique ou de la technocratie universitaire désormais sous le classement de Shanghai et pour qui la cotation est devenue la seule forme de pensée. Parce que l’évaluation du roman contemporain, – comme celle des oeuvres du passé – ne saurait se confondre ni avec les tableaux de ventes ni avec le classement des chercheurs et des revues, en ce tout début 2008, Libr-critique ouvre un vaste chantier qui prolonge les premières réflexions menées l’année dernière par Philippe Boisnard et Fabrice Thumerel. Ce projet, s’il suscite suffisamment d’adhésion, se concrétisera sous la forme d’une revue en ligne ouverte et fermée chaque année civile.
Au fil des débats, rencontres, tables rondes et conférences, mais également des travaux de recherche les plus pointus comme des chroniques sur diverses publications et manifestations, de totalisations en détotalisations, se construira une approche du roman contemporain qui, espérons-le, sera multiforme et complexe – à défaut de pouvoir être complète. Pourraient ainsi se combiner des analyses portant sur des parcours singuliers d’écriture (des oeuvres ou des types d’écriture particuliers) ou des synthèses – à dominante socio-historique ou poétique, entre autres – sur des territoires objectivement établis.