[Chronique] Jean Echenoz, Envoyée spéciale, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Jean Echenoz, Envoyée spéciale, par Jean-Paul Gavard-Perret

janvier 21, 2016
in Category: chroniques, Livres reçus
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[Chronique] Jean Echenoz, Envoyée spéciale, par Jean-Paul Gavard-Perret

Jean Echenoz, Envoyée spéciale, éditions de Minuit, janvier 2016, 320 pages, 18,50 €, ISBN : 978-2-7073-2922-6.

 

Le roman d’espionnage et policier n’est plus ce qu’il était. D’ailleurs le fut-il un jour aux Editions de Minuit et ce depuis Robbe Grillet ou Butor (lorsqu’il était romancier). Jean Echenoz a habitué à ces détournements des genres cultivés pour les « déforêster » avec précision et humour, pour viser plus haut que leurs codes. L’auteur leur donne une visée transversale à travers une héroïne dont le qualificatif est spécieux (puisqu’elle n’y est pour rien)  et quelque peu érotique.

Depuis Le Méridien de Greenwich, l’auteur reste dans les miasmes de l’humour et du « moi » détourné de son socle. Tout tenait déjà dans le rythme, la scansion qui  au fil de temps s’est dans l’œuvre à la fois enrichie et « réformée ».

D’un genre mineur l’auteur fait un vrai faux roman d’espionnage qu’il avait déjà exploré. Jean Echenoz se fait lui-même agent-secret et imposteur dans un florilège de détours qui néanmoins donne le rythme au roman. Quittant l’histoire immédiate ou contemporaine Echenoz revient à un roman « de forme ». Cette approche  crée une distance entre le genre et l’époque. Il n’empêche que la distance et le biais font le jeu de la vérité, même si le narrateur rappelle sans cesse qu’il s’agit là d’un mensonge.

Néanmoins, le narrateur est lui aussi un personnage romanesque, l’auteur s’amuse avec lui comme avec son héroïne Constance dans un « Grand Jeu » à la Daumal – dont Echenoz donne une dimension qui lui est venue de Dickens. Mais ici l’envoyée spéciale passe du fin fond de Paris et de la province française jusqu’à la Corée : les endroits deviennent non seulement des décors romanesques mais la matière du roman et son aspect cinématographique – où la crédulité est mise en suspension.

Le mystère est toujours là mais de manière drôle ; l’imaginaire joue des « rubans de la justice » coréennes, qui est une information fausse et absurde que l’auteur tord à son tour. Sans réputation d’être un auteur comique, l’auteur cultive un humour particulier aménagé avec subtilité : il s’agit plus de sourire que de rire. Le roman reste avant tout un objet de plaisir qui n’a de nécessité que celui-ci. La digression reste malgré tout contrôlée et génère bien des surprises dans la (dés)organisation  romanesque programmée en une sorte d’a-logisme à l’état liquide ou gazeux qui est hommage et parodie (ou hommage)  du genre de l’espionnage.

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rédaction

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