C’est avec plaisir que nous vous présentons la nouvelle série de l’irrésistible Daniel Cabanis, dont on rendra bientôt compte de la dernière publication.
Plouf n° 1
Bianca Saldine, Glou-glou I / 19 x 28 cm / aquarelle numérique / coll. Marcel Navas
Au terme de neuf années de travail, Paul a enfin rendu sa thèse HISTOIRE DU MUTISME, DES PREMIERS STYLITES A AUJOURD’HUI (un bon sujet, mais rasoir à mon avis), puis l’a soutenue avec succès. Or, maintenant qu’il est docteur, il n’est pas plus avancé. Il n’a pas trouvé à se faire employer par l’Université, ce qui l’a cruellement déçu. Dans l’édition aussi, on lui a claqué la porte au nez. Et quand il a proposé à diverses institutions et/ou associations savantes de donner des conférences sur le mutisme (choix de vie, vœu, discipline, profit, etc.), il s’est fait vertement éconduire. En clair, terrible ironie, partout où il pouvait espérer faire valoir sa science, on l’a prié de fermer sa gueule. Paul a très mal vécu cette longue série de rebuffades. Ça a été une humiliation, je crois. Il n’a pas compris qu’avec les stylites, il avait mis à côté de la plaque. En effet : tous ces dégénérés à moitié aphones perchés des vies entières aux sommets de colonnes branlantes dans des conditions d’hygiène épouvantables, ce n’est pas sérieux : du folklore. Non-sens complet aujourd’hui. Paul a fini par se résoudre à chercher du travail hors du champ de ses compétences académiques. Il s’est rendu à l’Agence pour l’emploi. Il a exposé son cas, dit ses désillusions et ses attentes. Le responsable s’est engagé à lui dégoter une offre en rapport avec son profil. Et Paul a repris espoir. Quinze jours après, le type rappelle. Il est question d’un stage payé de six mois pour s’initier, dans un bled paumé de Dordogne, aux rudiments et joies du métier de tailleur de pierre. C’est non ! dit Paul. Dommage, à mon avis.