L’Almanach Dada, Les Presses du Réel, 2005, 17€, ISBN : 2-84066-144-6.
L’almanach Dada est réédité par Les Presses du réel [2005]. Edité à l’origine par Richard Huelsenbeck (Erich Reiss Verlag, Berlin 1920), puis en 1980 chez Champ Libre en France, la nouvelle édition, traduite par Sabine Wolf, est agrémentée de notes de Michel Giroud. Cet almanach retrace les quelques années de la fondation du dadaïsme, et laisse une grande part à des textes théoriques entre autre de Huelsenbeck qui a eu l’idée de ce livre et qui s’occupa de sa publication. Mais qu’est-ce que cet almanach ? Tel qu’il l’écrit lui-même dans son introduction, en partie IV : « Ce livre est un ensemble de documents de l’expérience dadaïste. Il ne soutien pas de thèse. Il parle de l’homme dadaïste mais il n’en fait pas un modèle. Il décrit mais n’analyse pas. La conception qu’ont les dadaïstes du dadaïsme est très variable et cela se manifestera avec ce livre » (p.170). Est-ce à dire quee nous n’aurions à lire dans ce livre que des traces événementielles, un agglomérat de données éparses et sans horizon ?
Certainement pas, car derrière cet avertissement se dissimule la perspective de Huelsenbeck, qui tient à mettre en évidence l’apport historique du dadaïsme notamment à travers ses divers manifestes et manifestations. C’est en ce sens, qu’en toute contradiction, justement, Huelsenbeck expose les différentes tentatives de définir le dadaïsme, notamment la sienne propre, qui précède celle de Tzara, et qui date d’avril 1918 : il écrit dans celui-ci « Le plus grand art sera celui qui présentera par son contenu de conscience les multiples problèmes de son époque, celui qui fera ressentir qu’il a été secousé par les explosions de la semaine précédente (…) Les meilleurs artistes, les plus forts et les plus insolites, sont ceux qui, à chaque heure, arrachent et réassembleent les lambeaux de leur corps à partir du chaos des cataractes de la vie, ceux qui saignant des mains et du coeur, saisissent avec acharnement l’intellect de leur époque » (p.194-195). Suit à cela une critique de l’expressionnisme, pour en arriver à un positionnement vis-à-vis des moyens d’expression propre au dadaïsme :
« Le poème BRUITISTE, prend un tram pour ce qu’il est — il décrit l’essence du tram y compris les baîllements du rentier Schulze et le cri des freins.
Le poème SIMULTANE rend le chassé-croisé fébrile dde toutes les choses
Le poème statique transforme les mots en individus; des lettres forêt surgit la forêt avec des cimes et des arbres, les uniformes des forestiers » (p.197).
En bref, cet Almanach est un livre indispensable, tout à la fois pour découvrir les manifestations du dadaïsme en Suisse et à Berlin, mais aussi pour comprendre aussi bien l’intentionalité qui a dirigé le dadaïsme et les discussions qui l’ont animées.