Ce recueil qui ne manque pas de chien regroupe huit textes publiés entre 2012 et 2015 : "Cercle des chiens", "Immonde et maudite", "Imprécations, premier mouvement", « Imprécations, second mouvement’ », "Les Pourpleurer", "Die Nacht ist noch zu wenig Nacht", "Hors d’elle-toutes," et "De la destruction".
Amandine André, De la destruction, préface de Michel Surya, Al dante, février 2016, 112 pages, 13 €, ISBN : 978-2-84761-732-0. [Écouter un extrait]
"J’écris pour qui entrant dans mon livre,
y tomberait comme dans un trou, n’en sortirait plus" (Bataille, cité par M. Surya).
"Car de moi et de mon mal mortel je tire
la langue mauvaise et viciée" (De la destruction, p. 35).
"Le monde a autant de seuils que lang’&pensée génère" (106-07).
De la destruction, donc. De la Belle-Poésie, avec figures et enluminures. De la Belle-Langue, avec mots lisses et idées sans malice. Du "grand chant" (92).
Écrire, c’est détruire l’appartenance : à soi, à son corps, au monde comme à la langue. Ecrire, c’est avoir "tête dans la gueule du mot" (p. 22). La tête, ce lieu non dialectique où se neutralisent l’en-chien et le hors-chien, le sens et le non-sens. Les Agencements Répétitifs Littéralistes ("Chien ordonne la rémission de la métaphore") d’Amandine André (ARL) font se télescoper les signifiés : la langue sait se faire archaïque pour dire le combat entre chien et non-chien.
Écrire, c’est pour Amandine André explorer son devenir-chien, son devenir-rat, son devenir-mouche. C’est libérer les rats.
Écrire, c’est pour celle qui est "pétrie d’une chair outragée et humiliée faite de la nuit des temps anciens" (44) donner corps à ses visions, faire corps avec les dominés et les persécutés : Jeanne de Brigue, dite la Cordelière, brûlée vive sur le bûcher pour sorcellerie, à Paris le 19 août 1391 ; Lucilio Vanini, philosophe et naturaliste exécuté le 9 février 1619 à Toulouse ; Bobby Sands, membre de l’IRA mort au 66e jour de sa grève de la faim le 5 mai 1981 ; Zyed et Bouna, morts par électrocution le 25 octobre 2005 pour avoir voulu échapper à un contrôle d’identité…
Écrire, c’est pour Amandine André écrire avec son chien. "Des mots puissants. Propres à détruire tous mots qui s’opposent au mot qui s’opposent à sa puissance" (14). C’est avec son chien qu’elle creuse le trou qu’évoque Bataille.