[Chronique] Anne Malaprade, Parole, personne, par Christophe Stolowicki

[Chronique] Anne Malaprade, Parole, personne, par Christophe Stolowicki

septembre 12, 2018
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Anne Malaprade, Parole, personne, par Christophe Stolowicki

Anne Malaprade, Parole, personne, éditions Isabelle Sauvage, mai 2018, 102 pages, 17 €, ISBN : 978-2-917751-94-7.

Par temps cuistres l’air se charge de particules didactiques, anions, cations que catalysent des spécialistes, hommes de préférence ; dames parfois, d’échec & mat.

De « formules toutes faites et formules à faire » : la langue une arme dont le double tranchant s’est émoussé, le fendant simple aiguisé. De « livres, livres, livres à perte, livres à dégueuler, beaux livres, livres oubliés, livres signés, livres trouvés dans les poubelles, livres à ordures. Régulièrement elle fait des courses » – non, des cours. L’or dure en plomb, le magistère, fleuri fané naguère (Bergotte, Merleau-Ponty), a mué en cri de guerre. Les âmes mortes des bêtes qui ont meuglé à bout touchant, matière des matières professionnelle, tourmentent l’âme des éleveurs. Science n’est pas culture mais misère de l’âme.

D’offrande démonstrative (« Touchez et prenez-en tous. Touchez-moi toccata toute ») dont l’art trahit, annonce la technique ; d’écriture opérationnelle, efficiente, usurpant le chant du rhapsode de son boustrophédon, labourant son pré carré, son timbre poste, notre chagrin de peau ; d’autorité non d’auteur mais d’enseignante, de seconde main, d’impolitesse viscérale.

De femme en femme une lignée matricielle, déverbale syncopée où s’inscrit un homme, Paul fils de Pauline la folle – le secret de famille. « Anne année zéro » peut lancer sa fusée. Dans l’autre fresque fondatrice, ni jumelle ni amébée, les hommes par ouï-dire. Dans la résultante série d’enfants où « les sœurs renoncent aux héritages des frères » un autoportrait se dessine où les laisses de prose respirent sur un point-virgule. Bille en tête entête si n’enfièvre pas, rouletabille contre ses calots cale son billot. Mes préventions cèdent.

« L’excellence au pied. // Demain un corps doit parler, expliquer, démontrer, lire et délier, exposer, écrire, demander, interroger, exiger, réciter et faire réciter, demain son corps tient le sens jusqu’aux citations, tenir le temps, tenir l’espace, tenir la chronologie, tenir les grecs, tenir aux grecs, conduire les barbares vers une thrace intérieure […] Demain l’estrade et le tableau […] demain une autre respiration ».

L’enfant veut dire à personne. Plus tard elle découvre Ulysse tapi en elle, déroule celui de langue cyclopéenne comme géhenne, ou simple gêne, ou simple haine. La seconde main passe la main, la main courante, l’amen « des livres allergènes », l’âme 1 court la prétentaine jusqu’à 19 et réitère en vers avers ce qu’en vers de prose elle a milliaire frayé.

Au jour d’ouï, dans ce huis clos avec les livres, un inouï, un inédit, un nain lu, un nain nu chausse ses bottes de non-lieu. De non-profération qui infère dans la plaie (« une nuit pour vieillir et apprivoiser le désastre, une nuit pour un visage irrespirable ») extraits l’enracinement au carré, la puissance cube d’arrachement. Rien au-delà, toutes opérations d’algèbre rhétorique suspendues, les mâles équations au septième degré de foudre ; le corps suinte en ses humeurs coupables ; la langue prise en ses rets enserrée d’un lacis féminin pluriel, d’une sangle de femelléité.

Elle m’envoûterait si voûtes étaient plancher.

« Je dormirai dans la cave à contre-corps. Tout encore s’y fait langue morte. »

De « maladie d’une âme sous-exposée », sous-stimulée, « tourn[ant] en creux » – surgie dans le surplis, le plissé suzette, le suze & ruse, les montagnes russes, les poupons gigogne ; dont le corps pets cache, à pis coûtant, engage sa mue comptant ; du tunnel de son « éconduite » sort en sifflant le train de mots, en soufflant son panache de fois deux fois dix-neuf.

Maintenant à rebours. À « sauts dans le contre-être » qu’une rigueur assèche. À « contre-vie ». D’un mal des ardents les charbons.

Palimpseste de nuit se gardant braise, la couverture d’Isabelle Sauvage toujours aussi belle.

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rédaction

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