Pour Jean-Michel Espitallier
L’essentiel est de participer… of course !
En cette ère de mondialisation – et donc de guerre économique –, toute Grande-NationTM doit en être. Au reste, pour les seules olympiades du XXIe siècle, il suffit de consulter le tableau des médailles par pays pour s’apercevoir que le Top-Ten regroupe la majeure partie des puissances économiques et/ou politiques/militaires : USATM, ChineTM, Grande-BretagneTM, RussieTM, AllemagneTM, FranceTM, JaponTM… Plus encore que les éventuelles retombées économiques à plus ou moins long terme, importe la portée symbolique : peut-on rêver de plus belle image du village planétaire que celle du village olympique ? Y a-t-il meilleure promotion du capitalisme que celle de l’Idéal-OlympiqueTM : compétition, concurrence, performance, efficacité, rentabilité, sens de l’effort, esprit-d’équipe-et-de-sacrifice… culte des 3-V : Valeur-Vitesse-Victoire ! Aux J.O comme sur le Marché, la raison du plus fort est toujours la meilleure. Faites vos preuves, faites vos Jeux, et que le plus fort écrase l’autre : pas de quartiers pour les losers ! Le cliché olympique recèle une valeur incomparable, celle de traduire sans ambages cette vérité première : le monde est aux winners ; seul compte le résultat positif ! Positivons, positivons, positivons…
Récapitulons… Au commencement, pour avoir raison des cocoricos-Frenchies – leurs meilleurs ennemis –, les Anglais ont tiré les derniers, troquant leur ancestral fair-play contre un pragmatique lobbying : l’essentiel est d’obtenir l’organisation de la Grande-Foire aux J.O/J.O !
Avant même que la flamme ne s’allume, c’est une flamboyante athlète qui s’éteint : porte-drapeau de sa délégation à Pékin, la Somalienne Saamiya Yusuf Omar périt en Méditerranée – comme dix-huit mille autres émigrés depuis une vingtaine d’années – pour avoir voulu fuir des fondamentalistes qui voulaient qu’elle cachât ces jambes qu’ils ne pouvaient voir…
© Valeurs olympiques officielles : Égalité, Fraternité, Désintéressement, Grandeur/Honneur…
Ça y est le D-DayTM est arrivé, c’est la Fête à J.O/J.O, c’est la Fête-à-gogos… On regarde, on admire… pour la beauté du geste !
STOP ! Arrêt sur slogan, arrêt sur image… Que cache le spectacle ? Ratages, dopages, radotages, surmenages… Que cherche-t-on chez ces modèles du Top, qu’est-ce qui nous attire ? La course au Toujours-Plus… l’art de tromper, tricher, se bousiller la santé…
© Valeurs olympiques officielles : santé, équité, loyauté…
Bien sûr, il y a les héros (Bolt et Cie), qui doivent traverser dans l’ombre une série d’épreuves avant de connaître la lumineuse gloire. Une gloire mise en scène à l’échelle planétaire !
Il faut souffrir pour réussir, c’est-à-dire devenir une STAR : telle est la leçon du film hagiographique sur Usain BoltTM, opportunément diffusé juste avant les J.OTM de LondresTM (voir la vidéo critique de Andy Moor et Anne-James Chaton). Pour devenir un héros, plus besoin aujourd’hui du glaive ou de la plume : le show érige en STAR, non pas un homme parfait, mais un homme ordinaire/extraordinaire. Les héros des Temps Modernes, qui ne craignent plus de donner dans la démesure, ont quitté l’Olympe pour rejoindre les plateaux : le mec plus ultra est désormais celui qui réussit à s’extirper de sa sphère pour accéder au gotha des peopleTM, pâles étoiles filantes enviées pour leur (bonne) fortune, icônes faisant miroiter nos mirages deuxmillesques.
Et pourquoi sont-ils célébrés ? (Pour leurs capacités à décérébrer ?). Leurs exploits font-ils accomplir un grand pas à l’humanité ? En outre, l’arbre olympique ne cache-t-il pas la forêt typique : pour un sportif, combien de passifs-poussifs rivés à leur voiture/bureau/ordi et autres prothèses électroniques ? Si tout le monde se veut jeune-et-dynamique labellisé sportswear, niera-t-on le fort taux de sédentaires suralimentés ?