Claude Louis-Combet, Né du limon, photos de Elizabeth Prouvost, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2018, 41 pages, 12 €, ISBN : 978-2-37792-009-9..
« La Terre est grosse d’une forme qui ne diffère pas d’elle-même » (Cl. L-C).
En des « emportements » de formes corporelles, Elizabeth Prouvost cherche une vérité à transmettre en vibrations et rapports, afin qu’entre chaos et sérénité jaillisse un espace aussi premier que neuf, aussi sexuel que « sacré ». Chaque image devient le « vitrail d’une chapelle imaginaire. » Elle est un pur objet de sensation mais aussi de méditation sur l’indicible qui habituellement échappe.
Les photographies créent ici une valse. Celle d’avant le verbe, où le premier spectacle s’offre dans « le resserrement et l’exiguïté » des trois strates de l’existence que précise Louis-Combet : l’état confusionnel, l’état androgynique et l’état anthropologique au sein des « aspirations contradictoires de la lumière et des ténèbres ».
La photographe les montre dans leur dialectique créatrice au moment où tout se scinde avant de se réunir : « C’est la naissance du sexe. C’est le commencement de l’histoire », écrit le poète. Et les deux œuvres au moment où tout semblerait accès à la clarté ramènent aux ténèbres d’un « limon » toujours plus profond et plus dense. D’où cette danse au cœur du viscéral et sa végétation. S’abandonnant à leurs vagues se distingue volontairement mal la valse nuptial de deux corps qui ne se lâchent plus le temps sinon de la passion du moins du coït et l’assouvissement imprescriptible.
Les corps d’Elizabeth Prouvost s’écartèlent alors et se distendent. Par ce qui remue se cherche une forme, « une terre plus vivante que la Terre, une face radieuse, des membres rayonnants », écrit Louis-Combet. Et la photographe montre le soufflet des deux corps ; le chant des entrailles et la danse des scalps, aube de l’aube, aube de « la nuit sexuelle » dont parle Quignard et que nul ne connaîtra jamais.
Rarement le mariage texte/image n’a été aussi fort et ruisselant de sens dans la blancheur de la page et le limon de l’infusion d’un acte sans limite et dont le lieu n’a pas de fin. Tout homme n’a cesse d’y revenir, toute femme de l’y accueillir. Preuve que Michaux avait raison : « au commencement la répétition »…
Oui, c’est le commencement et la fin, inexorable destinée du petit grain.
Mais quand on effleure, à peine, le corps humain, avec la main, la peau des doigts se fend, comme les écailles d’un bloc de mica qu’on brise à coups de marteau…
Isidore Ducasse Comte de Lautréamont