Coco Fronsac, « La belle et les bêtes », du 8 Septembre au 3 Octobre 2015, Galerie Vallois, rue de Seine, Paris 75006.
Héritière de Dada et du surréalisme, Coco Fronsac cultive son merveilleux – décliné selon plusieurs registres et montages, photographies manipulées et vidéos – en caressant la chimère à rebrousse-poil. C’est pourquoi elle ne l’épile pas. L’érudition n’est chez elle jamais pédante. Elle est le levier de base pour – suite à ses prestidigitations – exprimer l’ineffable de la sensation. Chaque image travaille le mystère ouvert à tous les vents bienfaiteurs ou perfides.
Toutefois, l’approche de Coco Fronsac ne joue jamais sur l’indiscrétion de chuchotements pornographiques. Tout est là de manière crue mais jamais "sexhibitionniste". Le lissé des images "dévoise" la représentation classique. Celles-ci ne peuvent montrer ce que les autres cachent et disent ce que les mots sont incapables de vocaliser. Et il n’est pas jusqu’à la force de l’amour auquel souvent l’être entend échapper qui, ici, fait obligation. Mais selon parfois de belles torsions. L’œuvre en est pleine. Existe un système d’ « accouplement » et d’empathie dans lequel le cri "noétique" raconte une aventure inédite.
Grâce à Coco Fronsac le désir est une expérience altruiste qui suppose un moment où le corps se déchaîne moins par un effort d’affinement de la conscience que par délire visuel. Les interventions de l’artiste tranchent ou caressent. Le langage se recroqueville dans le creux des photographies premières (chinées par l’artiste) pour mieux rebondir selon des « dialogues » intempestifs et débauchés.
Le regardeur apprend ainsi à regarder autrement les images. Arrachées au passé, surgit la promesse d’un autre horizon, d’une autre aventure à la fois picturale mais aussi existentielle. Vidéos et photographies engendrent des ouvertures et offrent un temps pour la réflexion. C’est pourquoi ici l’image ne se vide jamais de sa substance et permet de ranimer une présence. Déterrant des fantômes, Coco Fronsac montre aussi combien ils nous dirigent mais il s’agit de s’en dégager.
Il y a là non un faire part mais un faire corps tant l’image n’est pas employée pour elle-même, mais en tant que mode de transmission du ressenti. Il faut en effet selon l’auteur ne jamais sortir du jadis du corps, de sa joie, du péché, de la génitalité, du silence, de la honte, du privé, de l’incompréhensible, de l’incomplétude voire d’une certaine folie qui à certains moments fait qu’on "pète les plombs".
C’est pourquoi l’œuvre est une digression faite d’artifices. Elle dit à partir de prise maternelle, matricielle, ce qu’il en est de ses filles et fils et ce qu’ils peuvent lui faire subir en s’efforçant de réparer l’inconsolable perte du paradis utérin, de l’origine absente, détruite par les sédimentations de la culture et les apories de la vie que l’artiste pourrait résumer ainsi : la volupté est plus originaire que le natal.
Merci pour cette belle plume, cher Jean-Paul, Coco rougit à ces mots…
Au plaisir de vous lire à nouveau, ou de se rencontrer autour d’un doux breuvage …
bien à vous
Coco