Didier Ayres, Années / Une mystique des larmes, Le Lavoir-Saint-Martin, novembre 2017, 64 pages, 12 €, ISBN : 978-2-919749-34-8.
Distendant le fil de soi en une ductilité de gageure existentielle, un succinct journal courant sur près de trois ans ajoure le temps aux intermittences de la raison du cœur, diaphane glissando réflexif déconstruit l’explicite à haute tension, journal de bord à bord dont les bordées font feu de ce bois dont est fait l’homme. La « mélancolie » « manteau de plumes », « chasuble de feutre » – le suicide d’une sœur démultiplie ses cercles dans l’étang. L’âme élève ce que l’intériorité dissèque, une fragilité prend appui. De condition précaire le poète élit pour « tutelle végétale le roncier ». Une matérialité de la métaphore creuse de ses sillons le champ spirituel, une « intellection sur elle-même » tournée fore l’angoisse de sa pointe sèche « hors les clous de la représentation ». Quotidien du diariste une calligraphie mentale tout en idéogrammes de pur intellect, déliés où le plein fait défaut, trace ses « arabesques » disjonctives. Réunissant première et quatrième de couverture en un condensé de saisons, une peinture de Yasmina Mahdi à touches de lumineux relief immerge, éclaire, rehausse, enrichit ce mystique dépouillement d’afflux.