Vient d’avoir lieu, sur le site sitaudis de Pierre Lepillouer, une intéressante confrontation, entre Nathalie Quintane et Samuel Lequette. Intéressante, car à mon sens, ce que met en lumière Nathalie Quintane par rapport à Samuel Lequette, me paraît témoigner d’une certaine forme de retour à une poéticité classique dans le champ de la poésie contemporaine. Retour que l’on peut apercevoir éditorialement aussi bien sur le web, qu’au niveau des publications papiers.
Samuel Lequette dans son article pointe du doigt tout ce qu’il désigne par post-poésie, ou encore ce qui répondrait à la catégorie de post-modernité. Tout d’abord, il faudrait analyser précisément ce terme de "post-poésie", catégorie qui me semble criticable, au sens où ce serait d’emblée établir la poésie en un genre déterminé, fixé, historiquement identifiable, et dès lors délimiter une frontière à partir de laquelle, des textes ne sont plus poétiques, mais post-poétiques ou pré-poétiques. Ceci me paraissant très discutable, et en effet, Samuel Lequette ici pourrait avoir raison, ceci répondant davantage à une forme d’opportunisme éditorial d’étiquette, qu’à une nécessité ("Qu’il est branché ! c’est un post-poète !"). Tout au contraire, le fait de réfléchir selon la variation d’une époque (de plus d’un siècle en gros) — variation qui aboutit à une époque post-moderne, où domine le mélange des genres, l’horizontalité et l’équivalence analogique — est beaucoup plus intéressant, car ne repose pas sur une désignation arbitraire, mais sur une enquête trans-disciplinaire, dont les éléments, les indices peuvent être exposés objectivement (de Lipovetsky à Jameson, en passant entre autres par Habermas). Ainsi Samuel Lequette dénonce la critique mais aussi d’une certaine manière, le travail littéraire corresondant à l’époque post-moderne. Immédiatement son texte repose sur une affirmation qui pose question : "Le refus de penser l’espace des normes, en tant qu’horizon de production et de réception, et le préjugé tenace selon lequel le contemporain ne peut être saisi d’après des catégories génériques « classiques » et suivant des lignées, sont sans doute deux des obstacles majeurs à la connaissance de la poésie contemporaine en France."
Pour Samuel Lequette, la forme de critique littéraire qu’il dénonce, qui est liée en grande partie au groupe constitué autour de Hanna (mais pas seulement et loin de là, ici il faudrait réféchir aux stratégies éditoriales montées par son groupe et relayées fut un temps par Al dante), reposerait sur un refus de recourir à des outils d’analyse classique, au profit de nouveaux outils critiques, dont ils donnent quelques exemples de vocabulaire ("virus", "spins", "dispositifs" etc). Ce qu’il ne questionne pas, et qui serait cependant nécessaire, c’est la raison qui amène ce déplacement de la critique, la raison qui pousse à introduire dans la création critique, tout à la fois une autre démarche et un autre vocabulaire. Cette raison, il laisserait penser que c’est une forme de prétention du critique, une sorte de choix stratégique. Toutefois, il est nécessaire de revenir sur les textes, ou objets littéraires sur lesquels se penchent ce type de critique, et c’est ce qu’oubli de faire Lequette, laissant penser que ces textes contemporains qu’il ne fait qu’indiquer elliptiquement ne serait pas hétérogène avec certains types de poésie plus classique, correspondant effectivement à ce qui fut en leur temps certains outillages critiques. Si on regarde un certain nombre de textes produits depuis plus de 60 ans, il apparaît de toute évidence qu’ils imposent de réfléchir sur la manière dont on peut les appréhender, les réfléchir.
Prenons, par exemple, un texte maintenant classique de Heidsieck : La chaussée d’Antin. On a d’un côté sur la page, des listes de monnaie, des listes d’apéritif, de l’autre des textes situationnistes, des programmes de cinéma, etc… Une telle matéralité linguistique, demande en premier lieu de réfléchir sur ce qu’est cet objet qui se donne dans un champ défini : le poétique. En quel sens est-il poétique, et de quelle manière réfléchir à sa poéticité. Est-ce que l’outillage stylistique classique est ‘une utilité, voire d’une certane pertinence ? Est-ce que des outils de philosophie politique (à propos du marxisme, de socialisme et barbarie) ne seraient pas nécessaires ? Se laisser ouvrir à des questions. Voilà, le premier pas à accomplir face à un tel texte, ceci permettant 1/ de ne pas se contenter de l’auto-définition du texte comme poétique, 2/ de réfléchir aux outils, qui permettent de saisir le texte, 3/ de mettre en lumière la différence constitutive, génétique, entre ce type de texte et des textes poétiques de Hugo, ou bien encore de Maulpoix pour prendre des auteurs d’époques différentes.
Ce n’est pas un refus de l’ancienne critique, mais bien davantage le refus de se laisser toucher par l’étrangeté de ce qui arrive-là, et qui demande alors de réfléchir sur nos propres moyens de compréhension. Analogiquement, nous sommes face avec Lequette, à ce que dénonce Dominique Lestel dans Les origines de la culture animale. L’éthologue reproche à l’ancienne éthologie de ne pas être transpassible de la présence de l’animal, et delà de lui imposer un système de questionnement complètement impropre à saisir ses spécificités intellectives, relationnelle,s sociales, communicationnelles. Dès lors comme le dit Lestel, il est évident pour l’ancienne éthologie que l’animal n’a pas d’intelligence, voire, comme le projetait D’Alembert en son temps, qu’il n’a même pas de sensation. L’erreur, telle que l’explique Lestel, tient au fait que l’éthologue n’a pas à imposer ses questions à l’animal, mais que tout au contraire, il doit s’ouvrir à la présence de l’animal, et delà laisser survenir les questions que posent celle-ci. Samuel Lequette, invoquant l’ancienne critique (laquelle ? n’y en aurait-il qu’une ? comment expliquer les combats théoriques dès lors des XVIIIème et XIXème siècles entre autres, dont se fait l’écho par exemple Baudelaire ?) refuse de considérer qu’une évolution de la nature des textes poétiques peut conduire à réfléchir épistémologiquement aux démarches de prise en vue de celle-ci.
Comment se saisir des textes objectivistes, comme ceux de Reznikoff ? Comment comprendre des objets dits poétiques comme ceux liés à la poesia visiva, ou encore à la poésie électronique ? Comment lire les expériences logiques et ludiques de Jean-Michel Espitallier ?
L’impensé dans lequel nous engouffre Lequette par son article, se constitue dès le départ de son argumentation : il semble indiquer qu’il n’y aurait qu’une forme de poésie contemporaine. Ainsi si on reprend sa première sentence : "refus de penser l’espace des normes, en tant qu’horizon de production et de réception, et le préjugé tenace selon lequel le contemporain ne peut être saisi d’après des catégories génériques « classiques » et suivant des lignées, sont sans doute deux des obstacles majeurs à la connaissance de la poésie contemporaine en France". Comme je l’indiquais dans Meccano, la première erreur épistémologique provient bien de ce réductionnisme : "la" poésie contemporaine. Justement, il n’y a pas "la" mais des poésies contemporaines. Et pour ête plus précis, il y a tout d’abord deux vecteurs — à différencier — de pensée du contemporain : 1/ le contemporain lié à la période d’écriture ou de publication (par exemple dans l’expression "le contemporain s’écrit numérique" du site publie.net = la notion de contemporain ne désigne pas tant la nature de l’écriture, que le marqueur temporel de la période de l’écriture et de sa publication, au même ttre d’ailleurs qu ele numérique ne désigne pas la nature du texte, mais son seul support de publication), 2/ il y a la notion de contemporain, désignant l’émergence d’une forme de nature distincte par rapport au passé. Ce qui bien évidemment pose question, ne tient pas à la première acception (même si bien des questions pourraient être posées à propos de l’usage de ce terme, des confusions qu’il entraîne), mais bien à la seconde.
L’émergence de nouvelles expériences, donc l’apparition contemporaine de nouvelles espèces, imposent en toute bonne foi de réfléchir aux moyens dont nous disposons pour les lire, les analyser, les expliquer. L’autre n’est pas l’intrus, celui qui doit se plier à l’optique définie selon les espèces d’ici. L’autre n’est pas intégrable selon des critères apriori sans perdre tout ce qui fait sa spécificité d’autre. Dès lors la céation de nouvelles méthodologies, qu’elles soient issues du pragmatisme, de la philosophie analytique, de la phénoménologie post-husserlienne, de la sociologie bourdieusienne n’est à considérer, ni comme monstueuse, ni comme parole de vérité, mais à saisir dans son propre effort de confrontation au texte. Il ne s’agit pas de récuser apriori ses tentatives (ce que fait Lequette), mais bien de comprendre leur propre logique et de là de savoir si elles sont efficaces pour témoigner de la présence d’un objet qui s’auto-définit comme poétique ou littéraire. Ainsi, si l’on veut mettre en critique par exemple le terme de virus et de viralité, exemple donné par Lequette, ce n’est pas apriori en rejetant ce type de terminologie, mais en testant l’efficacité conceptuelle du terme, par rapport à ce qu’il implique. Le terme de virus n’est pas plus ridicule que les termes d’antanaclase, d’anadiplose, dont certaines institutions universitaires sont repues. Dès lors en poursuivant sur le terme de virus, on pourra s’apercevoir avec une analyse contextuelle, ad-hoc, que le terme de viralité qui pouvait avoir une pertinence aussi bien chez Artaud que chez Burroughs, n’en a plus réellement à la fin du XXème siècle, au point que le terme de cancer, de cancérologie soit plus adapté en tant qu’analogie organique pour désigner cerains types de prolifération textuelle.
Si on ne fait pas cet effort d’ouverture à l’étrangeté d’un texte, on court le risque d’analyse en porte-à-faux, réduisant par trop les enjeux de certaines expériences littéraires et poétiques, voire effaçant certaines autres. L’un des exemples actuels à mon sens, est celui qui a lieu au niveau des poésies électroniques et de certaines démarches universitaires. Peut-on analyser les poésies élecroniques les plus contemporaines (acception 2) selon une analyse littéraire classique ? En quel sens l’outil d’analyse peut-il venir occulter, effacer certaines parties de l’oeuvre, voire la totalité d’une oeuvre. C’est par exemple le parti pris d’une chercheuse, d’ailleurs fort intéressante, Alexandra Saemmer. Son analyse, souvent très approfondie, cependant, implique que : 1/ elle réduit la poésie électronique à une question stylistique littéraire (reprise du vocabulaire classique du Dupriez) sans s’apercevoir qu’une grande partie de ses oeuvres exigent aussi des concepts critiques liés à la programmation pure (le code), ou bien au politique, u bien aux mass-médias … 2/ et surtout voulant appliquer sa grille de lecture sur les oeuvres numériques, l’outil d’observation va sélectionner et éliminer un certain nombre d’oeuvre étrangère à cette problématique. L’outil implique la vue, on le sait depuis le début du XXème siècle en épistémologie. C’est pour cela que de nouveaux phénomènes demandent la construction de nouveaux outils d’observation (ici les sciences humaines ont encore beaucoup à apprendre épistémologiquement à la critique littéraire, cf. Freud, Durkheim, et tant d’autres).
Ce reproche, s’applique bien sûr à Lequette, et conséquemment met en lumière la réduction des pratiques contemporaines d’écriture à la poésie contemporaine. De même, et je l’ai déjà par ailleurs souligné, le processus de réduction lié au prisme d’analyse (selon les outils, l’intention critique, voire l’idéologie du critique) peut elle aussi s’appliquer à des pratiques contemporaines, telle celle de Hanna. Au sens, où lui aussi opère une forme de volonté de vérité, de réduction et de définition stricte du poétique selon une angularité fondée en partie su le pragmatisme .
Pour tout cela, je crois que Nathalie Quintane a raison de dire à la fin de son répons : "En vérité, à bien lire ce texte, c’est moins la post-modernité qui est visée que la modernité elle-même; pas seulement celle de Duchamp (le "ready made"), cible devenue ordinaire, mais celle de Baudelaire (La modernité c’est le transitoire, le fugitif, le contingent) – et celle des avant-gardes, historiques ou non. C’est une excitation anti-moderne qu’on lit – euphémisme pour: réactionnaire." Elle a raison, car la modernité, que cela soit dans sa créaton de textes, ou dans son effort critique a proposé de sortir des cadres établis de la critique et de la textualité telle q’elle était définie. Elle a m^me d’une manière radicale posée la question de l’origine de l’expressin : la poposant dans la viande corporelle elle-même.
On trouvera à cette adresse : http://traces.revues.org/index3873.html l’article de Th. Mondémé (revue Tracé n°3) cité en référence par S. Lequette, qui expose à titre « introductif » ces « autres pratiques interprétatives » et dont la lecture n’est pas inutile afin de comprendre et de suivre ces discussions.
Bonjour Philippe,
Tout modèle théorique a un domaine de validité. Il me semble ainsi impossible de détacher mes analyses sémio-rhétoriques des objets sur lesquels elles portent. C’est pourquoi je suis un défenseur fervent de la pratique du « close reading ».
Je précise donc :
Bien évidemment, il est important de se pencher sur le code d’une oeuvre artistique numérique lorsque celui-ci se trouve « poétisé » ; ceci n’est pas le cas dans les exemples analysés par moi dans mes dernières publications auxquelles tu fais allusion. Les auteurs des oeuvres en question programment certes, mais en vue d’un résultat de surface reproductible ; il programment dans cette perspective ce que j’appelle des « figures d’animation média » et des « figures de manipulation média ». Certes, toute oeuvre numérique est ensuite soumise à la labilité du dispositif ; seulement, ces auteurs s’inscrivent dans une « esthétique de surface » qui ne tient pas compte de cette labilité dans leur programme artistique.
Prenons deux exemples : « The Dreamlife of letters » de Brian Kim Stefans et « Passage » de Philippe Bootz. Les deux constituent à mon sens des oeuvres phares de la poésie numérique. Alors que la première nous autorise à analyser « seulement » les figures d’animation média visibles sur la surface de l’écran (parce que cette oeuvre est programmée en flash comme s’il s’agissait d’une vidéo), « Passage » demande une analyse élargissant cette perspective, prenant en compte le code (Philippe Bootz poétise dans « Passage » notamment la labilité du dispositif ; ignorer cela reviendrait effectivement, dans le cas de « Passage », à occulter une partie de l’oeuvre). Je tiens compte de la nécessité de plusieurs modèles théoriques pour l’analyse de « Passage », par exemple dans un article qui paraîtra en décembre dans la revue Neohelicon (vol 37).
Bien évidemment, l’on pourrait me répondre que seulement des oeuvres comme « Passage » rentrent dans le domaine de la littérature numérique. Cela me paraît pourtant une perspective extrêmement réductrice.
Chère Alexandra
J’espère que tu as compris que dans mon petit article, il n’y avait bien entendu aucune agressivité ou dénigrement de ta pratique, que je souligne d’ailleurs comme très intéressante. Car en effet, et c’est là mon positionnement éthique, même si je suis critique, je sais reconnaître la qualité et la force d’un travail. Ce que traduit d’ailleurs tes recherches.
Ce que je notais : était selon l’angularité de la création d’outils critiques : et en effet, ton travail, à mon sens justement n’invente pas tant des outils, qu’l en déplace certains pour les tester sur certaines oeuvres numériques : or, et tu le dis toi même dans ta réponse, justement les outils impliquent une optique, une approche, et donc une sélection des oeuvres.
C’est en ce sens d’ailleurs que tu dis : que cela implique des choix.
Pour ma part, je crois qu’aussi bien une nouvelle pratique (datant quand même de plus de 30 ans) que de nouveaux moyens technologiques, nécessitent de repenser aussi bien les fondements théoriques du discours, que les paradigmes qui y sont liés. Tu avais pu constater cela d’ailleurs lors de ton invitation à St Etienne.
De même quand je travaille sur poetry::S::quanti::K l’oeuvre est réfléchie par rapport à ces deux vecteurs.
e problème de constituer une analyse à partir d’outils qui ont été créés pour certaines conditions esthétique,s c’est que cela peut réduire le champ d’investigation, et les questions émergentes à partir de la nouvelle forme.
A mon sens la première oeuvre qu etu mentionnes est une poésie vidéo. Discussion qui a eu lieu depuis maintenant 10 ans sur la liste e-critures, et c’est d’ailleurs Philippe Bootz, entre autres, qu m’avait fauit comprendre la nécessité du code, ce qui m’a amené moi-même à programmer (mon choix pure data, et pas flash ou director).
Passage, de Philippe Bootz, théoriquement est une oeuvre fondamentale, je rste plus critique sur sa forme esthétique.
Mais à mon sens beaucoup d’autres expériences apparaissent et justement elles ne sont pas appréhendables selon des principes stylistiques, classiques, mais interrogent davantage aussi bien la constitution du code et de son rapport au domaine empirique immédiat (qu’est-ce que la transformation d’un flux ? cf. Chatonsky; en quel sens une réalité peut-elle être modélisée poétiquement (cf. Cyril Henri), etc etc etc etc etc…. j’aurai une liste très longue de pratiques faisant à mon sens parti ou étant constitutive d’une littérature électronique, qui exigent dans leur approche de créer, de tester de nouveaux outils.
Donc, c’était cet angle qui m’intéressait, à savoir la nécessité de l’ouverture.
amitiés
p
Bien que dédicataire du texte de S. Lequette, je m’autorise à sortir de ma réserve pour :
– inviter les lecteurs de libr_critik à lire sur Sitaiudis le texte impeccable et salutaire d’Eric Houser qui fait suite au texte de S. Lequette et à la réaction de N. Quintane;
– écrire que le mot « réactionnaire » ne peut être appliqué à S. Lequette : j’invite les lecteurs de libr_critik à lire ses recensions critiques dans CCP, sur Sitaudis pour en avoir la preuve, si besoin est. Ou alors (ouvrages critiqués, discours), si c’est réactionnaire, vive la Réaction!
Je me joins à M. Baillieu dans son renvoi à l’article d’Eric Houser sur Sitaudis, et dois m’insurger contre l’usage tout à fait irresponsable de l’étiquette « réactionnaire » de la part de Nathalie Quintane. J’estime grandement d’ailleurs Quintane, lorsqu’elle ne joue pas ainsi à pointer du doigt et à soigner sa posture. Il serait salutaire à M. Boisnard (ainsi qu’à Nathalie, sans doute) de relire tels passages très éclairants de Littérature monstre de M. Pierre Jourde, qui partage, me semble-t-il, le dégoût et la déception que je ressens face à cette affaire de name-calling, comportement puéril et bas qui n’a rien à faire sur Libr-critique.
Je prends rarement la parole dans la polémique, dans l’espoir qu’on l’écoutera davantage, lorsque je la prends.
Cordialement,
Alexander Dickow
Chers Alexander et Jean-Marc
Seulement une petite rectification sur le terme de réactionnaire : vous remarquerez que quand je dis elle a raison, cela porte non sur le terme de réactonnaire, mais sur ce qu’elle dit vis-à-vis de la modernité. Je laisse le soin à Nathalie Quintane d’assumer ou pas, sa qualification.
Je ne connais pas assez de toute façon Samuel Lequette pour en juger. Mais, son article est quand même décidément assez peu pensé et assez mauvais. Vous me direz cela arrive à tout le monde d’écrire des articles nuls.
amitiés
p
Chers tous deux (re, bis)
Je viens de relire le texte d’Eric Houser, et très franchement, permettez moi de dire que je n’y adhère que très peu :
_ Je ne crois pas que l’université ait déserté le contemporain, il n’y a qu’à voir un certain nombre de colloques, d’articles etc… il y a un terrain de recherche vivant,certes pas des plus importants, mais au vue de la taille objective et de son importance éditoriale, cet intérêt est à remarquer. Le contemporain pourrait être totalement ignoré. Je souligne de même qu’ici, sur L-C, on peut quand même lire des analyses détaillés d’oeuvre, qui n’ont pas peur de croiser à la fois les apports de la critique littéraire classique, et d’autre part un ensemble d’outils issus de pratiques diverses.
_ La notion d’oeuvre comme monde est assez ancienne, elle correspond, comme par exemple Eliane Escoubas l’a montré dans deux livres : Imago Mundi et L’espace pictural, à la Renaissance (de même qu’il faudrait aller voir ce qu’à développer Anne Cauqelin sur la peinture et le paysage) et au perspectivisme, qui fait que el tableau s’ouvre comme monde, et non plus comme croisée du visible (l’icone, cf. Jean-Luc Marion, La croisée du visible).
De plus, même se peut être discuté la différence entre l’oeuvre qui fait oeuvre (si je comprends bien qui est alors saisi quant à sa matérialité linguistique) et l’oeuvre qui fait monde (qui est interrogée davantage quant à son sens), est-ce à dire qu’il serait immédiatement légitime de rejeter une analyse de l’oeuvre en tant que monde ? De l’oeuvre en tant que condensateur intentionnel ? de l’oeuvre en tant que proposition critique qui a une efficacité herméneutique vis-à-vis de l’état du monde ?
Je ne le crois pas, et ce n’est, ni l’article d’Eric Houser, ni celui de Samuel Lequette, qui parviennent à expliquer cela.
En bref, l’article auquel vous renvoyez éclaire peu, est davantage un parti pris qu’une tentative de réflexion.
Chers tous,
Le nom même que nous avons choisi pour le site ainsi que sa pluridimensionalité comme (et donc ?) son attractivité attestent que le débat critique (la polémique, au sens noble du terme) fait partie intégrante de notre projet et que l’on ne saurait être taxé de sectarisme.
Pour avoir lu Samuel Lequette – et même apprécié son article paru dans la RILI sur le dernier livre de Prigent -, je pense également qu’il ne saurait être qualifié de « réactionnaire », et que, en outre, il s’avère érudit et intelligent.
Mais là n’est pas le problème.
Je rejoins totalement Philippe : qu’on soit universitaire ou non, le problème pour le critique est d’adopter ses outils d’analyse à ses objets, sans quoi il les manque. Il suffit d’observer l’histoire des mutations littéraires depuis la fin du XIXe siècle pour constater que l’apparition de tout nouveau courant ou de toute nouvelle forme s’accompagne toujours de nouvelles perspectives d’approche critiques. La difficulté pour le critique est alors de comprendre le NOUVEAU (approche immanente), sans pour autant se laisser annexé par le discours autopromotionnel des auteurs (distance critique conquise par la réflexion, le savoir et la démarche historicisante).
Merci, Fabrice, pour cette mise au point mesurée! Et juste à tous égards.
Quant à la réponse de Philippe, je suis loin de trouver l’article de Samuel Lequette aussi peu pensé ou « mauvais » que vous, et j’ai mes raisons. Mais les remarques de Fabrice me dispensent de rentrer dans un débat sur les qualités de son article.
Alexander Dickow